À l'usine Maxam de Mazingarbe, le plan de sauvegarde de l'emploi a été validé et les 72 salariés doivent chercher à nouveau du travail. Un PSE qui ne fait pas l'unanimité auprès des travailleurs, qui en critiquent la gestion.
"C'est un mauvais film, l'histoire d'une entreprise qui avait plusieurs millions en mai et qui s'est retrouvée déficitaire en juillet dernier", débute Philippe Dutkiewicz, adjoint à la mairie de Mazingarbe (Pas-de-Calais), lorsqu'on lui demande de revenir sur l'affaire Maxam. En cause : une transaction d'argent "d'une filiale à l'autre" qui pousse l'usine, seule en France à produire de l'ammoniac, à être mise à l'arrêt.
Cette semaine, le plan de sauvegarde de l'emploi a été homologué par la DREETS (direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) après avoir été rejeté la semaine dernière pour des "irrégularités de procédure". L'issue d'une longue traversée qui laisse les 72 salariés à la recherche d'un emploi.
"Ils ont dit aux salariés qu'ils allaient revendre l'usine"
D'abord, l'usine est mise à l'arrêt le 17 juin dernier. "Ils ont dit aux salariés qu'ils allaient revendre l'usine et de ne pas faire de bruit pour éviter de refroidir un potentiel repreneur, poursuit l'adjoint au maire. Puis en septembre, on leur dit qu'elle va finalement fermer". Une "manipulation" selon lui, qui leur a fait perdre "trois à quatre mois" et qui a fait l'effet d'un "coup de massue" pour les salariés. "Ils avaient déjà posé la première pierre du monument au mort", déplore-t-il.
Les salariés continuent d'être payés malgré tout, et une grande partie d'entre eux travaille toujours à la surveillance de l'usine "pour éviter un problème au niveau de la sphère qui accueille l'ammoniac". À la même période, l'usine est placée en redressement judiciaire après qu'un possible repreneur s'était désisté, le 26 octobre dernier. Sa liquidation judicaire est prononcée le 13 janvier au tribunal de commerce de Lille métropole, qui ajoute une prolongation d'activité de trois mois afin de sécurité le site.
Il leur reste encore 100 tonnes à vider, mais ce qui est fou, c'est qu'on les a laissés sans suivi, dans un site classé SEVESO haut.
Ce sont les salariés qui ont été amenés à vider les 1000 tonnes d'ammoniac d'une grande sphère blanche. "Il leur reste encore 100 tonnes à vider, mais ce qui est fou, c'est qu'on les a laissés sans suivi, dans un site classé SEVESO haut." Il reconnait toutefois que les salariés étaient les plus à même de s'occuper de cette tâche. C'est le contexte d'un licenciement proche qui était "insupportable" dans cette situation.
Philippe Dutkiewicz n'a d'ailleurs pas pu s'empêcher de penser au pire. "Ce qui m'a aussi inquiété, c'est de me dire qu'un salarié aurait pu péter un plomb et laisser échapper un peu d'ammoniac. De nombreuses personnes auraient pu mourir, imagine-t-il. Heureusement, personne ne l'a fait, et je tire mon chapeau à ces salariés qui ont continué à travailler dans ces conditions."
"On critique allègrement la gestion du PSE"
De leur côté, les délégués syndicaux CGT Stéphane Hugueny et Jean-Charles Chuffart, premiers concernés, ont également du mal à encaisser ce PSE. "On ne peut pas accepter d’avoir un PSE, ça sous-entend qu’on a été licenciés", lancent-ils.
Pour Stéphane Hugueny, si la fermeture de l'usine est un drame, la gestion de ce PSE l'est également. "On critique allègrement la gestion du PSE, les administrations et les liquidateurs judiciaires sont incompétents et ils nous ont fait perdre du temps", fustige-t-il. Il fait référence au fait que l'homologation a été faite au bout de la deuxième fois "car ils n'ont pas répondu aux sollicitations de la DREEST la première fois."
On critique allègrement la gestion du PSE, les administrations et les liquidateurs judiciaires, ils sont incompétents et ils nous ont fait perdre du temps car ils n'ont pas répondu aux sollicitations de la DREEST la première fois.
À cause de ce retard, plusieurs salariés "ont failli perdre leur emploi" car "moins la date de l'homologation était précise, moins on avait une date d'arrivée précise pour nos futurs recruteurs". Sur les 72 salariés, 12 ont déjà trouvé un emploi et sont donc en "dispense d'activité". Mais des sacrifices ont dû être faits, parmi lesquels "une baisse de 500 à 1000 euros de salaire par rapport à leur rémunération chez Maxam, mais ils n'avaient pas le choix, c'était ça ou le chômage", raconte Stéphane Hugueny.
Le leurre des 7000 euros
Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit 7000 euros par salarié, au lieu des 5000 de base "car ils avaient vendu du matériel de l'usine", complète Jean-Charles Chuffart. Mais la dépense de cet argent est soumise à des conditions strictes, ce qui n'en fait pas réellement une indemnité en bonne et dûe forme. "Ils devront justifier de leurs dépenses auprès de l'entreprise, explique Pierre Dutkiewicz. C'est scandaleux."
Autre point essentiel de ce PSE : une prime transactionelle de 25.000 euros par personne, si les salariés "s'engagent à ne pas attaquer l'entreprise en justice", poursuit-il. "Si ce groupe n’avait rien à se reprocher, ils n'auraient pas fait ça, c'est un aveu de faiblesse", reconnaît Stéphane Hugueny.
Et de toute manière, selon le délégué syndical, 25.000 euros ne représentent rien pour une personne qui a trente années d'expérience. Cette somme ne réparera pas non plus "les dommages psychologiques des salariés et de leur famille".