À Arras, le centre Clotaire suit des hommes condamnés par la justice pour violences conjugales. Si des entretiens individuels et des séances de groupe permettent de faire baisser le taux de récidives, les hommes violents ont bien souvent du mal à ressentir de l'empathie pour leurs victimes.
"Elle s'est pris deux coups de poing, elle a quatre jours d'ITT (incapacité temporaire de travail, ndlr), ça fait deux ans que vous lui parlez plus, pourquoi elle voudrait retourner avec vous là ?" demande Séverine Lescoutre, éducatrice au centre Clotaire, à l'homme qu'elle reçoit dans son bureau. Lui est père de quatre enfants, marié depuis 23 ans et reconnu coupable de violences sur son épouse. Il lui répond "Parce qu'elle me connaît par coeur", comme pour expliquer l'inconséquence de ses actes.
France 3 Hauts-de-France s'est rendu au centre Clotaire à Arras pour comprendre le suivi des hommes condamnés pour des faits de violences conjugales. Des éducatrices et des psychologues tentent de leur faire comprendre leur reponsabilité, de les confronter à leurs actes.
Honte, rancoeur et choc disent ressentir les coupables lors des séances individuelles ou collectives, devant les photos de celles qu'ils ont battues, humiliées. Pour autant, impossible de savoir si ces hommes sont sincères dans leurs réponses, s'ils éprouvent des remords.
"Ce sont des monsieurs tout le monde"
"Ils racontent mais la place de Madame est peu présente", observe Séverine Lescoutre. "Pour une agression sexuelle", un homme a justifié son comportement en expliquant que "c'est normal, c'est un homme et qu'ils n'avaient pas eu de rapport sexuel depuis longtemps", déplore Roxane Amyot, psychologue, en évoquant un autre cas. "Il n'y a pas de profil type au niveau socioprofesionnel ou au niveau de l'alcool", précise Benoit Durieux, psychologue et responsable du centre. Cette diversité des profils, "Ce sont des monsieurs tout le monde" affirme-t-il, est la raison d'être de leur combat.
Ces hommes condamnés sont contraints par la justice à fréquenter le centre. En 11 ans d'existence, il a traité plus de 800 dossiers.
Des victimes qui ne souhaitent ni oublier, ni pardonner
Une victime de violences conjugales a perdu son bébé alors qu'elle était enceinte, à cause des coups de son conjoint. "J'espère que tous les jours il se couchera en pensant à mon fils, que tous les jours il se lèvera et la première pensée qu'il aura sera pour l'enfant à qui il a pris la vie", explique-t-elle. Elle ne pardonne pas non plus à son ex-compagnon de l'avoir battue sous les yeux de leur fille ainée. "J'étais adulte, j'ai pris la décision de rester, mais pour mes enfants, je ne pourrai jamais pardonner", conclut la victime.
Chaque année, 219 000 femmes sont victimes de violences conjugales selon le gouvernement. Au centre Clotaire, unique en France, le taux de récidive est de 10%, quatre fois moins que la moyenne nationale.