Témoignage d'un ancien salarié de Bridgestone : "un ouvrier pouvait gagner plus que son supérieur ou un ingénieur"

Vendredi 30 avril 2021 à midi, l'usine de pneumatiques Bridgestone de Béthune fermera définitivement ses portes. Portrait d'un ancien salarié. 

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Dans notre série de reportages consacrés à l'histoire et aux hommes de ce mastodonte industriel, voici le portait d'un ancien, Philippe Lomme.

Retraité depuis peu, Philippe a passé 41 ans dans l'usine. Il avait intégré l'entreprise à 20 ans. Beaucoup de ses souvenirs sont teintés d'amertume depuis l'annonce de la fermeture.

Dans son salon, il sort un dossier un peu jauni mais toujours en bon état. "Voici ma première feuille de paye… 30 septembre 1974. A l’époque l’Usine s’appelait Firestone. On travaillait 45 heures par semaine, payé au SMIC, l’équivalent de 200 euros mensuels aujourd’hui… Une autre époque !"

Les premiers jours ont été rudes

Ce retraité béthunois a franchi tous les échelons sur le site de Bridgestone. Une entreprise qui payait très bien selon lui. "Le mérite et le rendement de chacun était récompensé. Un ouvrier pouvait gagner plus que son supérieur ou un ingénieur !"

De la production au poste de contremaitre, en passant par l’achat des matières premières, il connaît chaque recoin du site.

J’ai même vu l’usine se construire, j’avais 5 ans. Je jouais souvent dans le coin car c’était une ancienne zone marécageuse… Je me souviens du ballet des camions et des Américains qui dirigeaient le site à l’époque. Il portait des chapeau en feutre, c’était inhabituel en France à l’époque !

Dégoût et amertume

Philippe Lomme nous accompagne pour une visite sur le site. Les véhicules des salariés sont de moins en moins nombreux, bien loin du temps où 30 000 pneus sortaient de l’usine quotidiennement. 

Il y avait à chaque prise de service des centaines de personnes qui arrivaient en même temps… C’était impressionnant. Au pic de l’activité dans les années 70, 1 800 personnes travaillaient ici.

Une époque révolue. Aujourd’hui, Philippe croise à la sortie de l’entreprise des salariés avec de gros sacs. Ils viennent de vider leurs casiers et ont effectué leur dernier jour. Il échange quelques mots avec eux. C’est le dégout. Chacun évoque la période où l’entreprise était une ruche, bien loin des couloirs vides d’aujourd’hui.

Le retraité, qui a quitté l’usine en 2015, est inquiet pour ses anciens collègues : "J’espère qu’ils pourront rebondir, c’est triste de voir une telle situation. Pourvu que le site connaisse une deuxième vie, il est en bon état et peut encore servir."

Philippe ne réalise pas trop que la fin de l'usine est toute proche. Le plus dur sera sans doute de voir le site sans aucune voiture d’ici quelques temps. Il repensera alors à son plus jeune âge, quand il cherchait à entrer en cachette avec ses amis sur le site, pour jouer au chat et à la souris avec les gardiens.

 

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