Entre tristesse et exaspération, les Calaisiens sont sonnés d'apprendre le décès de 27 migrants au large de la côte d'Opale. Au lendemain du naufrage survenu ce mercredi 23 novembre, les habitués d'un café pointent du doigt la responsabilité des autorités face à une situation "dangereuse".
Au café du Minck, on ne parle que de ça. L’établissement donne sur le quai de la colonne, à l’endroit où les corps des migrants ont été ramenés dans la nuit et pris en charge par les corbillards. Toutes les dix minutes, les flashs radios évoquent le drame. "Horreur à Calais", "effroi", "il fallait s’y attendre". "Et voilà ce qu’on va retenir de Calais", se désole Laurent, le patron du café.
Depuis 19 ans, il tient les rênes du Minck. C’est la première fois qu’autant de migrants perdent la vie en tentant la traversée de la Manche. "C’est une hécatombe. Des fois, y’a un mort ou deux et ils en parlent moins. Avant c’était pas comme ça, maintenant c’est tous les jours. C’est un malheur. S’il faut attendre ça pour que ça bouge, c’est malheureux."
"Les passeurs? On sait où ils sont à Calais. Ils n’ont qu’à tous les arrêter !
Installés à une table à l’entrée du café, Claudette et Albert lisent la presse locale. Ils habitent dans une petite commune frontalière de Calais. "Ce qui s’est passé, c’est affreux. Y’a pas de mots. Ça se passe là, devant nous, et on ne peut rien faire, déplore Claudette. Et le pire c’est que ça va encore arriver". Selon elle, les exilés ne prennent pas en compte les risques d’une telle traversée. "Quand ils arrivent ici et qu’ils voient les côtes anglaises au loin, il se disent que c’est à portée de main. Mais la mer est dangereuse."
Son mari pointe du doigt la responsabilité des autorités britanniques. "Les Anglais se foutent des Français. Ils doivent prendre une position claire. Et c’est surtout à l’Europe de s’en occuper."
Tous les politiques se sont accordés pour dénoncer les passeurs, responsables selon eux de ce drame. Réponse d’Albert : "les passeurs, on sait où ils sont à Calais. Ils n’ont qu’à tous les arrêter !" Claudette acquiesce. "Et puis comme ça ils n’ont qu’à prendre leur argent et le donner à tous les sauveteurs en mer qui sauvent des vies tous les jours."
"Le principal, c’est qu’ils ont retrouvé tout le monde"
À la table d’à côté, René, 95 ans, et son beau-fils Pierre. Ils habitent Calais depuis toujours. "Combien sont morts hier ?", demande le nonagénaire. "27", répond son gendre. "Quel malheur, c’est la misère du monde". Au-delà du rôle des passeurs, Pierre remet en cause la politique migratoire actuelle. "Les gens qui ont fait 5000 kilomètres pour venir ici : vous voyez à quel point ils sont déterminés !
Il faut prendre en charge les migrants. Il faut qu’on leur fasse un accueil, qu’on leur trouve du travail et ils pourraient obtenir la nationalité au bout de 5 ou 10 ans par exemple, après avoir fait leurs preuves. Sinon il n’y a aucune solution.
"Le principal, c’est qu’ils ont retrouvé tout le monde", conclut Claudette. Accompagnée de son mari, ils terminent leur café, se lèvent et quittent le Minck. "Une bonne journée à tous quand même", lance Albert.
"Tout le mal qui se passe, c'est ici, à Calais"
La veille, des dizaines d’habitants et d’associations présentes à Calais se sont rassemblés devant le port, mercredi 24 novembre, quelques heures après le naufrage de migrants dans la Manche. "Ça fait trente ans que l’on dit qu’il pourrait se passer ce qu’il s’est passé aujourd’hui", déplore un habitant venu protester contre les autorités.
Jean-François habite lui à quelques pas du port de Calais. "Je trouve ça honteux. Tout le mal qui se passe c’est ici, à Calais." Alors que les corbillards se succédaient pour prendre en charge les corps des 27 victimes du naufrage, cet habitant, très ému par la situation, ressent lui aussi de la colère : "Il doit y avoir des familles, ça me fait mal pour eux. Qu’on les laisse partir s’ils veulent aller en Angleterre, ils ont peut-être de la famille là-bas, je ne sais pas… Mais il faut faire quelque chose. Voir les ambulances, les convois funéraires… c’est dur".
Sur les pancartes brandies ce mercredi 24 novembre quelques heures après le naufrage des migrants dans la Manche, les dizaines de maifestants affichaient leur exaspération : "Combien de morts vous faudra-t-il ?". Pour les Calaisiens et Calaisiennes, l'histoire se répète une nouvelle fois. Ils sont invités à un rassemblement au parc Richelieu à Calais à 18h30 ce jeudi 25 novembre.