Dans le Pas-de-Calais, les communes le long de la rivière Hem sont particulièrement sujettes aux inondations. Notamment du fait des wateringues, système d'évacuation des eaux commun à plusieurs communes, de plus en plus critiqué.
Sur les bords de la Hem, à l'écluse d'Hennuin à Audruicq (Pas-de-Calais), se trouve un panneau installé depuis une dizaine d’années. On peut y lire des explications sur les installations hydrauliques racontées du point de vue de la rivière : “Lorsqu’ils ont élargi le canal ils ont cassé mon siphon. Ils ne l’ont pas reconstruit ! Impossible de rejoindre directement la mer. Depuis, je remonte le canal à contre courant pendant trois kilomètres ! Que voulez-vous ? À présent, j’embête parfois les hommes. Je sors de mon lit. Ne trouvez-vous pas qu’ils l’ont un peu cherché ?”
Le canal a été élargi pour le passage des péniches qui devaient assurer l’acheminement de matériaux lourds à Calais pour la construction du tunnel sous la Manche. Avec pour conséquences le ralentissement de l’écoulement de l’eau, la stagnation et le débordement dans plusieurs communes autour de la rivière Hem : Polincove, Recques-sur-Hem, Nordausques, Tournehem-sur-la-Hem, Clerques, Hocquinghen, Escœuilles...
Wateringues, un système dépassé ?
Un an plus tard, tous redoutent les prochains épisodes face à une problématique récurrente. “Le cours d’eau va se jeter dans les wateringues en aval. Le grand souci vient de cette évacuation des eaux régulée de manière artificielle. Quand le seuil est trop haut, l’eau qui s’écoule naturellement ne peut pas se déverser dans les petits canaux, elle stagne et se propage”, explique Arnaud Gauthier, hydrogéologue et professeur à l'Université de Lille.
Quand le seuil est trop haut, l’eau qui s’écoule naturellement ne peut pas se déverser dans les petits canaux, elle stagne et se propage.
Arnaud Gauthierhydrogéologue
Derrière le terme de wateringues se trouve un système d’évacuation des eaux créé au Moyen-Âge pour réguler le niveau des eaux des terres basses et évacuer les excédents vers la mer. Au vu des inondations à répétition, fonctionne grâce à un réseau de fossés et de canaux de 1 500 kilomètres qui couvre les territoires de Calais - Dunkerque - Saint-Omer est désormais critiqué.
Pour illustrer le système, l'hydrogéologue Arnaud Gauthier décrit un système de cascade ou de marche d’escalier “qui fonctionne en bonne intelligence mais où chacun veut maintenir un certain niveau et voudrait que l’autre fasse des efforts”, note-t-il.
Une interdépendance difficile à gérer au quotidien entre tous les acteurs. Cette problématique commune ne manque pas de créer des tensions, sans qu’aucun compromis ne soit trouvé.
Un système en cascade
“L’élargissement du canal n’est pas la cause unique, mais c’est une situation aggravante par les mains de l’homme”, déplore le président de l'association "Stop inondations - Pays du Calaisis".
"L'eau ne va plus naturellement vers Gravelines et ce détour augmente le volume d'eau sur le canal de Calais. Il peut y avoir des débordements qui reviennent en contrebas", explique encore le maire d’Andres, commune du Pas-de-Calais touchée du fait de sa situation géographique, bien qu'éloignée de la Hem. Lors des inondations en 2023, le village qui compte 1 600 habitants avait dénombré une trentaine de maisons sinistrées.
On appelle cela la solidarité de bassin mais en réalité c’est un sac de nœuds. Ce système n’est pas adéquat.
Allan Turpinmaire d’Andres
“On appelle cela la solidarité de bassin mais en réalité c’est un sac de nœuds. Ce système n’est pas adéquat”, déplore Allan Turpin, qui réclame des travaux concrets pour faire place aux “trop nombreuses études” déjà réalisées sur le terrain.
Le collectif des sinistrés de Recques-sur-Hem espère la fin de l'inertie administrative, alors que la menace des inondations grandit encore, comme le rappelle l'hydrogéologue Arnaud Gauthier : “Le système demande à évoluer parce que les conditions environnementales changent beaucoup plus vite que ce que l’on aurait pu le croire. On ne pourra pas faire grand-chose contre les précipitations.”