Du fait de sa typologie géographique, le village d'Andres, dans le Pas-de-Calais, est particulièrement sujet aux inondations de la rivière Hem. Notamment du fait des wateringues, système d'évacuation des eaux commun à plusieurs communes, de plus en plus critiqué.
Sur les bords de la Hem, à Andres (Pas-de-Calais), se trouve un panneau installé depuis une dizaine d’années. On peut y lire des explications sur les installations hydrauliques racontées du point de vue de la rivière : “Lorsqu’ils ont élargi le canal ils ont cassé mon siphon. Ils ne l’ont pas reconstruit ! Impossible de rejoindre directement la mer. Depuis, je remonte le canal à contre courant pendant trois kilomètres ! Que voulez-vous ? À présent, j’embête parfois les hommes. Je sors de mon lit. Ne trouvez-vous pas qu’ils l’ont un peu cherché ?”
Le canal a été élargi pour le passage des péniches qui devaient assurer l’acheminement de matériaux lourds à Calais pour la construction du tunnel sous la Manche. Avec pour conséquences le ralentissement de l’écoulement de l’eau, la stagnation et le débordement. Lors des inondations en 2023, le village d’Andres, qui compte 1 600 habitants, avait dénombré une trentaine de maisons sinistrées.
Wateringues, un système dépassé ?
“L’élargissement n’est pas la cause unique, mais c’est une situation aggravante par les mains de l’homme”, déplore le maire d’Andres, commune du Pas-de-Calais particulièrement touchée du fait de sa situation géographique. Un an plus tard, tous redoutent les prochains épisodes face à une problématique récurrente.
Quand le seuil est trop haut, l’eau qui s’écoule naturellement ne peut pas se déverser dans les petits canaux, elle stagne et se propage.
Arnaud Gauthierhydrogéologue
“Le cours d’eau qui passe par la commune va se jeter dans les wateringues en aval. Le grand souci vient de cette évacuation des eaux régulée de manière artificielle. Quand le seuil est trop haut, l’eau qui s’écoule naturellement ne peut pas se déverser dans les petits canaux, elle stagne et se propage”, explique Arnaud Gauthier, hydrogéologue et professeur à l'Université de Lille.
Derrière le terme de wateringues se trouve un système d’évacuation des eaux créé au Moyen-Âge pour réguler le niveau des eaux des terres basses et évacuer les excédents vers la mer. Au vu des inondations à répétition, fonctionne grâce à un réseau de fossés et de canaux de 1 500 kilomètres qui couvre les territoires de Calais - Dunkerque - Saint-Omer est désormais critiqué.
Un système en cascade
Pour illustrer le système, l'hydrogéologue Arnaud Gauthier décrit un système de cascade ou de marche d’escalier “qui fonctionne en bonne intelligence mais où chacun veut maintenir un certain niveau et voudrait que l’autre fasse des efforts”, note-t-il.
Une interdépendance difficile à gérer au quotidien entre tous les acteurs. Autour de la Hem, tous les villages sont sujets à cette problématique commune qui ne manque pas de créer des tensions, sans qu’aucun compromis ne soit trouvé.
On appelle cela la solidarité de bassin mais en réalité c’est un sac de nœuds. Ce système n’est pas adéquat.
Allan Turpinmaire d’Andres
“On appelle cela la solidarité de bassin mais en réalité c’est un sac de nœuds. Ce système n’est pas adéquat”, avance le maire d’Andres et président de l'association "Stop inondations Pas-de-Calais", Allan Turpin, qui réclame des travaux concrets pour faire place aux “trop nombreuses études” déjà réalisées sur le terrain.
Mais surtout pour répondre à la fatigue de ses administrés face à l'inertie administrative alors que la menace des inondations grandit encore, comme le rappelle l'hydrogéologue : “Le système demande à évoluer parce que les conditions environnementales changent beaucoup plus vite que ce que l’on aurait pu le croire. On ne pourra pas faire grand-chose contre les précipitations.”