Le port de Calais veut verdir la traversée de la Manche. Avec un plan ambitieux de 6,7 millions d’euros d'investissement, il veut convertir les ferries à l'électrique. Une décarbonation du trafic transmanche qui a déjà commencé.
Traverser la Manche sur un ferry sans bruit et sans fumée, C'est le pari que se sont lancé les compagnies de ferry et le port de Calais. Grâce à l'électricité, ils veulent rendre le transport maritime neutre en carbone entre la Côte d’Opale et l’Angleterre à horizon 2030.
Le ferry hybride : première étape vers le zéro carbone
La compagnie P&O a déjà fait la moitié du chemin. Deux de ses trois ferries qui relient Calais à Douvres sont des véhicules hybrides. Un investissement de 260 millions d’euros que ne regrette pas son directeur. “On consomme 40% de moins qu'un navire traditionnel, autant d'émissions de CO2 en moins et donc une empreinte carbone qui est forcément plus intéressante.” explique Laurent Schricke. Une économie donc, mais pas seulement : l’armateur y voit aussi un argument commercial à développer à l'avenir. “Aujourd'hui, tout le monde se soucie de son empreinte carbone. Un passager qui passe sur nos navires, son empreinte carbone est bien moins importante qu’ailleurs.” ajoute-t-il.
Un ferry sur batterie : comment ça marche ?
À bord du Pioneer, l’un des deux navires hybrides de la compagnie, Ludovic Delarouzée, capitaine et gestionnaire de la flotte de la compagnie, nous explique le fonctionnement de ce vaisseau innovant. “En manœuvre, le bateau fonctionne en mode hybride : les batteries sont chargées par les groupes électrogènes en même temps qu'elles alimentent les 4 moteurs de propulsion”.
À quai, le bateau fonctionne entièrement à l'électrique : fini donc les panaches de fumées qui noircissent les façades du littoral. Mais la nouvelle motorisation change aussi la manière de naviguer. “C’était un défi d’apprendre à le conduire, mais c’est beaucoup plus confortable, sécurisé et le vaisseau est aussi plus puissant, plus péchu. Je ne veux pas retourner aux bateaux conventionnels, c’est définitivement le futur.” tranche, enthousiaste, le capitaine Darius Kosecki aux manettes du Pioneer.
À terme, l'objectif serait de recharger les plus de 800 batteries du navire lors de son escale au port et de faire la traversée complète sur batterie.
Quatre gigantesques bornes de recharge en projet
Pour mener cette révolution, le port de Calais, dont la liaison avec Douvres représente 90% de l'activité, a lancé un partenariat avec RTE. Le fournisseur d'électricité s’engage à équiper quatre quais de bornes de charge rapides pour les navires. L’idée : recharger les batteries pendant l’heure d'escale du ferry. Une puissance totale de 100 MW, au total, l’équivalent de 100 000 foyers, fournie par la centrale nucléaire de Gravelines. Une électrification qui ferait économiser l’émission de 400 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
Le prix de l'électricité : principal obstacle au ferry zéro émission de CO2
Mais en l’état, il est plus économique pour les compagnies de ferry de continuer à
l’hybride que de se recharger à quai. “La France a la chance d'avoir un parc nucléaire qui produit de l'électricité très peu chère, mais malheureusement, on la vend très chère à cause du marché européen et ses obligations ce qui handicape le développement industriel d'entreprises comme la nôtre.” tranche, Ludovic Delarouzée de l’armateur P&O. “On cherche à être le plus vertueux possible, mais il faut que ce soit économiquement viable.” ajoute-t-il.