Migrants : le déplacement de Gérald Darmanin à Calais, prétexte à la surenchère sécuritaire

Presque un an jour pour jour après sa dernière visite, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est de nouveau à Calais, mobilisé sur la question des migrants. Mais ce déplacement est surtout l'occasion de vanter une politique toujours plus sécuritaire, à contresens des recommandations du terrain.

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"Ce sont des conditions dramatiques, c’est vrai, de gens arrachés à leurs racines, et personne ne pense que les migrants font ça par plaisir. Et je veux partager leur détresse." Dans un entretien exclusif donné à la Voix du Nord, à la veille d'un déplacement officiel à Calais, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a eu quelques mots d'empathie pour les réfugiés arrivés jusqu'à nos côtes. Avant de discuter, en détail, des manières de les dissuader d'arriver à Calais. 

En 2016, Bernard Cazeneuve annonçait le démantèlement de ce qu'on appelle alors la "jungle" de Calais. Près de 10 000 personnes, qui attendent leur chance de tenter l'Angleterre, y vivent alors, dans des conditions déplorables. En juin 2021, c'est un camp de 500 personnes, jouxtant des entrepôts désaffectés, qui était cette fois démonté. Le risque politique de voir se reconstituer un camp de réfugiés de la même ampleur, à un an de la présidentielle, est plus que conséquent.

Drônes, caméras thermiques : une frontière à l'américaine

Le Tourquennois Gérald Darmanin est d'ailleurs près à mettre les moyens pour déplacer les réfugiés : "nous renforçons la frontière, grâce à un accord financier historique [avec le Royaume-Uni, ndlr] : plus de gendarmes, notamment réservistes, mais aussi la surveillance aérienne, et plus technique, comme l’usage de drones, de caméras thermiques, des jumelles nocturnes, des véhicules adaptés…" Une armada qui rappelle fortement la mobilisation américaine à la frontière du Mexique, qui a été pionnier dans cette militarisation des frontières en temps de paix. L'annonce, surtout, a un goût de déjà-vu : ces nouveaux équipements, la police et la gendarmerie du Nord-Pas de Calais les ont déjà reçus en 2019. Le matériel sera peut-être renouvelé, ou sa distribution renforcée, mais rien n'est nouveau.

La mention des drones pourrait ne pas être si anodine : Gérald Darmanin est un grand partisan de l'utilisation de drones par les forces de police, notamment lors des manifestations. L'article de la loi sécurité globale visant à le permettre a été retoqué presqu'intégralement par le conseil constitutionnel mais le ministre de l'Intérieur n'a pas prévu de se plier à cette décision. "Ce qui est certain, c'est que je vais proposer au Premier ministre (...) un nouveau texte nous permettant de faire voler ces drones" persiste-t-il dans les colonnes du Parisien. Calais ne serait-il qu'un terrain d'expérimentation ? 

Sur place, les autorités locales tentent également d'éviter qu'une deuxième "jungle" ne s'installe, mais aussi que les morts d'exilés cessent de s'amonceler sur le littoral. En 2020, selon l'AFP, "plus de 9 500 traversées ou tentatives de traversées de ce type ont été recensées, soit quatre fois plus qu'en 2019, selon un bilan de la préfecture maritime. Six personnes y ont trouvé la mort et trois ont disparu, après quatre morts en 2019." Ce 20 juillet à lui seul a marqué un record : 430 personnes aurait traversé la Manche pour se rendre au Royaume-Uni en une seule journée. C'est d'ailleurs le décompte qui a motivé la rencontre en Gérald Darmanin et son homologue britannique, Priti Patel tout aussi inflexible. Pour elle aussi, l'enjeu est de taille : les pro-Brexit ont en parti été élus sur leurs arguments anti-immigration. 

"Zéro point de fixation" : une politique qui fait des dégâts

Pour les associations de défense des droits de l'homme, cette surenchère sécuritaire passe à côté de l'essentiel : la mise en place d'une solution pérenne, pour des migrants qui vont continuer d'emprunter la route de Calais ou de Grande-Synthe. Pour la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH), qui a rendu un avis en février 2021, "il faut mettre un terme à la politique sécuritaire dite du "zéro point de fixation", dont les conséquences sont désastreuses tant pour les aidants, que pour les personnes exilées victimes d’expulsions de plus en plus récurrentes, massives et répressives." La dégradation des effets personnels, notamment, est très fréquente d'après les recensements des associations de terrain. 

Le Secours Catholique va même plus loin, affirmant que la récente tentative d'intrusion d'une centaine de migrants dans le port même de Calais serait "la conséquence du renforcement de la politique sécuritaire et du fantasme d’une frontière "hermétique", de l’absence de propositions concrètes pour s’installer en France."

Malgré le "socle humanitaire" promis en 2018 par Emmanuel Macron, "l’accès à l’eau potable, à la nourriture, aux douches et aux sanitaires, aux premiers soins d’urgence et aux services hospitaliers n’est pas garanti, portant des atteintes graves à la dignité des personnes" rappelle la CNCDH, qui pointe aussi que des mineurs font partie de cette population, en contradiction totale des textes internationaux sur les droits de l'enfant.

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