"Mr Darmanin n'est pas le premier humaniste de France" : le titre de séjour métiers en tension critiqué par des associations

Certaines associations oeuvrant auprès des exilés de Calais et de Loon-Plage accueillent frileusement les dernières annonces du ministère de l'Intérieur. Si elles défendent de longue date l'intervention par le travail, la formule choisie peine à convaincre.

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"Pas à la hauteur", "vraiment frileux"... Les associations qui viennent en aide aux exilés présents sur le littoral à Calais et Loon-Plage jugent sévèrement l'ébauche de la future loi immigration du gouvernement. Dans un entretien commun, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le ministre du Travail Olivier Dussopt ont notamment annoncé leur souhait de créer un titre de séjour "métiers en tension".

Celui-ci garantit une protection sociale mais est révocable au bout d'un an, avec la possibilité d'être exclu du territoire si le secteur d'activité n'est plus considéré comme en tension. Cette disposition exclut également le droit à la vie privée et familiale.

Ces propositions visent, selon les deux ministres, à protéger les travailleurs immigrés de l'exploitation de certains employeurs, qui jusqu'à présent étaient seuls à pouvoir demander la régularisation d'un salarié. Elle permettrait aussi, selon Gérald Darmanin, de "mettre fin à une hypocrisie" qui mène à la construction de toute une filière d'emploi illégal. 

Ces annonces ont mis le feu à l'opposition politique, à droite comme à gauche, les uns craignant un appel d'air et une immigration plus massive, les autres dénonçant une formule "d'immigration jetable".

A Calais comme à Grande-Synthe, les associatifs qui travaillent chaque jour auprès des exilés sont eux "tiraillés" comme l'explique William, engagé auprès de l'Auberge des Migrants. "Cette annonce n'est pas à la hauteur. Evidemment on ne peut pas s'opposer à une forme de régularisation du travail au noir, qui est bonne à prendre, mais derrière ça, ce n'est pas accompagné par des vraies mesures sociales. Cette mesure n'a pas de sens, mais ce n'est pas étonnant. Mr Darmanin n'est pas le premier des humanistes de France..."

Pour l'association, "il faut se souvenir qu'aucun titre de séjour n'est donné. Il faut montrer patte blanche dans son pays d'accueil et c'est tant mieux. Mais si ce pays vous considère ensuite comme du bétail, il n'y a pas de réciprocité. Quand on propose un titre de séjour révocable au bout d'un an, on entretient cette vision raciste où le travailleur étranger est vu comme une variable d'ajustement. On lui donne un travail éprouvant, payé une misère, et ça lui suffit."

La question de l'intégration par le travail est une vraie question qui demande d'être prise au sérieux. 

William, bénévole pour l'Auberge des Migrants

L'Auberge des Migrants soutient qu'avec cette mesure, le gouvernement s'épargne l'effort de revaloriser ces métiers en tension, comme le bâtiment ou l'hôtellerie-restauration. 

Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam, abonde en ce sens. "On analyse, on observe, on ne veut pas systématiquement rejeter tout ce qui est proposé, mais c'est un premier pas extrêmement frileux. Non seulement ce délai d'un an ne peut pas permettre une intégration, mais le sujet des emplois non-pourvus en France mériterait d'être traité autrement."

Salam soutient depuis de nombreuses années la mise en place de dispositifs d'accès à l'emploi, dans une toute autre formule. "Les contours du dispositif sont encore flous, il semblerait que cela s'oriente vers des gens déjà employés au noir. Nous pensons que toutes les personnes éligibles à l'asile devraient disposer d'une carte de séjour temporaire, mais de 3 ou 5 ans, pour pouvoir travailler et s'intégrer. Au bout de ce délai, là il pourrait y avoir un bilan sur la manière dont ça se passe et discuter d'une prolongation ou d'un statut de réfugié. Cela aurait l'avantage de vider les campements et les rues de ce public. Ce sera déjà plus facile à gérer pour les collectivités !"

D'après le militant associatif, les courts séjours pourraient s'avérer utiles pour les personnes non-éligibles à l'asile en France, "le temps de trouver une solution". 

Proposer un an aux demandeurs d'asile, mais c'est quoi cette histoire ? Ils vont sauver l'économie pour être renvoyés ? Ça n'a aucun sens. Tel que c'est exposé, ça fait plus électoraliste qu'autre chose. 

Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam

Salam rappelle également la stratégie payante de nos voisins allemands. "Quand Mme Angela Merkel a accueilli un million de migrants, elle ne les a pas pris pour leur faire plaisir. Elle les a pris parce que l'Allemagne, comme la France, est un peuple vieillissant qui en avait besoin. On le voit avec la fragilité de notre système de retraites, il faut trouver des populations jeunes", enjoint-il.

L'Allemagne d'Angela Merkel avait en effet choisi une politique d'accueil massif dès l'aube de la crise migratoire de 2015. Une manière de retrouver un équilibre entre retraités et actifs et de continuer ainsi de financer le modèle de la sécurité sociale. Outre-Rhin, en 2019, le gouvernement envisageait d'ailleurs de doubler le nombre de réfugiés accueillis sur son sol. 

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