Des gites et des chambres d'hôtes pour les aidants avec leurs proches dépendants : "ce sont des séjours de répit dans un milieu ordinaire"

Les Bobos à la ferme est un lieu de répit près de Montreuil-sur-Mer qui accueille des aidants avec leurs proches dépendants. Il est né d'une initiative d'Élodie Dransart et son mari, Louis, pour permettre aux familles - mais pas que - de retrouver un semblant de "normalité" et d'arrêter de devoir "s'adapter" à la société.

Les Bobos à la ferme est une initiative d'Élodie Dransart et de son mari, Louis, dont la fille a été diagnostiquée du syndrome de Codas, une maladie neurodégénérative à cinq mois seulement. 

"La maladie de notre fille nous est tombée dessus, à un moment donné, il n'y a pas eu une impulsion qui nous a dit : on va aller créer les Bobos à la ferme. On a réagi sans réfléchir", lance Élodie Dransart.  

Au départ, "un corps de ferme en ruine"

Face à cette maladie, c'est un monde qui s'effondre pour des parents et qu'il a fallu reconstruire brique par brique. "Au sens propre comme au sens figuré parce que finalement, je n'ai jamais réussi à reprendre mon travail quand j'ai eu Andréa. Quelques mois après, Louis a arrêté de travailler."

Les deux se sont retrouvés sans emploi ni logement parisien, car "à l'époque, on vivait à Paris". Ils ont alors décidé de revenir dans la région d'origine de Louis "dans le Pas-de-Calais, la Côte d'Opale" et ont acheté "un corps de ferme en ruine."

Une reconstruction a eu lieu, aussi bien du point de vue physique que symbolique. "Cette reconstruction d'un corps de ferme pour y recréer un projet, c'était aussi une reconstruction de nous-mêmes puisque le monde d'avant n'est plus, puisque quand la maladie, le handicap arrive dans votre vie, tout s'écroule, mais il n'y a pas un pan de votre vie d'avant qui reste comme avant."

Ce lieu de répit n'a pas tout de suite été pensé tel qu'il est aujourd'hui. "On a d'abord imaginé garder notre fille au plus près de nous, le plus longtemps possible puisqu'on nous a annoncé très tôt qu'elle avait un pronostic vital engagé et donc on a imaginé recréer nos activités professionnelles en l'ayant à domicile", à la Madeleine-sous-Montreuil, "un village qui est magnifique", près de Montreuil-sur-Mer. 

Le couple a décidé de créer "des gites et des chambres d'hôtes puisque finalement, en restant à domicile, avec nos compétences, métiers, il n'y avait grand-chose d'autre qu'on ne pouvait faire, et on a entendu à la radio le 6 octobre 2016 le mot aidant pour la première fois. En cherchant un petit peu, on a découvert le droit au répit."

C'est à ce moment qu'ils se sont dits : "et si on intégrait au sein des gîtes et des chambres d'hôtes, la possibilité d'accueillir des gens avec leurs proches dépendants, mais dans toutes les formes de ces dépendances, de ces vulnérabilités ? Et c'est là-dessus qu'on est allé, c'est là-dessus qu'on a présenté notre projet à un concours en 2016", dont ils ont remporté le premier prix de 7500 euros. "Ça a servi à lancer le projet."

Pour "tout aidant, tout handicap, toute maladie, de tout âge"

Élodie et son mari ont voulu faire des Bobos à la ferme des "séjours de répit" dans "un milieu ordinaire" en précisant qu'ils ne sont "pas un établissement médico-social". Ils s'appuient sur "le droit au répit qui est inscrit dans la loi de 2005 (lien PDF). Donc finalement, vous confiez votre proche à un établissement pendant que vous allez prendre du répit et c'est un droit à 120 jours par an."

Et finalement, où va-t-on en séjour familial ? Dans peu d'endroits, trop peu d'endroits en France.

Elodie Dransart

Elle note que les Bobos à la ferme est "le seul endroit en France qui est ouvert toute l'année, à tout aidant, tout handicap, toute maladie, de tout âge et ça n'a l'air de rien, mais c'est labelliser une innovation sociale, d'avoir un public mixte, on va être sur les grandes plateformes de réservation que tout le monde connaît."

Élodie ajoute qu'ils accueillent "des gens qui vont très bien" mais aussi et surtout "des familles avec un proche en situation de dépendance de 0 à 99 ans", "des personnes polyhandicapées, des personnes autistes, des personnes qui ont la maladie d'Alzheimer, de Charcot, des personnes en fauteuil roulant qui ont un handicap moteur."

Les Bobos à la ferme accueillent aussi des établissements qui viennent en séjour avec leurs résidents pour faire "un break". 

"Je me suis sentie complètement normale dans notre différence"

De nombreuses activités sont proposées : salle multisensorielle, une balnéothérapie qui va ouvrir prochainement... L'objectif, en somme, est de proposer "un vrai tiers-lieu avec une large offre sur place, et les aidants peuvent se saisir de tout ou de très peu. Tout est à disposition."

Sandra Van Haaften, ancienne locataire du gite, était venue avec sa fille Emma, âgée de 12 ans, pour un séjour de 5 jours, en mai dernier. "C'est vrai que ça fait plusieurs années qu'on n'arrivait plus à avoir de vraies vacances et je me suis dit qu'il nous fallait un endroit où on pourrait prendre de vraies vacances avec une équipe qui prendrait un peu de relais avec Emma", qui est atteinte de troubles du comportement. 

Elle s'est mis à chercher un lieu qui lui convenait. "Je regardais si ça existait et moi, justement, je ne voulais pas confier ma fille à un organisme, je voulais passer des vacances avec ma fille". Elle suivait déjà depuis un moment Élodie sur les réseaux sociaux "et là je me suis dit : c'est le moment d'y aller, c'est le moment de tester."

Sandra Van Haaften qualifie son séjour de "super" avec "plein d'activités". "Et ce qui m'a fait beaucoup de bien, c'est que ça a été un appui physique, mais aussi mental puisque je me suis sentie complètement normale dans notre différence."

"Elle déploie une force extraordinaire

Pour Sandra Van Haaften, sa rencontre avec Élodie Dransart a été "un vrai coup de cœur". "Élodie, c'est un peu mon influenceuse à moi sur les réseaux, je trouve qu'elle déploie une force extraordinaire, elle a su faire d'une vraie épreuve de la vie une force et elle a su la mettre au service des autres."

Elle se dit également "très admirative" car même "en suivant sa vie sur les réseaux sociaux, on ne se rend pas compte de ce qu'est le quotidien."

J'ai pu rencontrer Andréa, j'ai été très touchée de pouvoir la rencontrer en vrai et on a eu un super moment de partage avec Emma. On a pu parler en tant que mamans d'enfants handicapés mais entre femmes aussi, parce qu'on s'est tout de suite comprises.

Sandra Van Haaften

L'ancienne résidente décrit également un séjour "très facile à organiser puisque l'équipe du laboratoire de répit nous a accompagnés plusieurs semaines à l'avance", pour organiser les activités. 

"On a fait notre choix d'activités et après on ne s'est occupé de rien et ça fait aussi beaucoup de bien", admet Sandra Van Haaften. Sa fille Emma "a pu faire du cheval, de la médiation animale, de la musicothérapie". Et lorsqu'elle "pouvait avoir des troubles du comportement et s'agiter, on pouvait tout de suite lui proposer une activité et je l'ai vu complètement apaisée."

Ce séjour leur a permis de retrouver "des moments complices ensemble et je voyais sur son visage qu'elle était heureuse, il n'y a rien de plus beau et c'était de vraies vacances."

"S'adapter aux familles"

Quand Élodie Dransart entend les témoignages, comme celui de Sandra Van Haaften, et lit les commentaires laissés par ses anciens résidents, elle a l'impression que "c'est ce qu'on aurait pu écrire sur un graal qu'on devait atteindre."

Finalement, le secret de cette réussite réside dans la capacité du lieu à "s'adapter aux familles parce que toute l'année, ce sont les familles qui s'adaptent à la société, qui rencontrent des freins, des barrières, des murs." Celles-ci doivent déployer "des trésors de créativité pour les surmonter, elles doivent aller chercher au plus profond d'elles-mêmes de l'énergie" car être aidant, "c'est épuisant" et "on n'en peut plus de devoir toujours se battre, se justifier, expliquer, mettre des mots."

C'est pourquoi Les bobos à la ferme a été conçu comme étant "un lieu simple" qui permet d'insuffler à nouveau de la simplicité, de la "normalité de nos vies d'avant pour que les familles se sentent libres de ne pas dire, d'être elles-mêmes, de ne pas avoir envie d'expliquer", conclut Élodie Dransart. 

durée de la vidéo : 00h13mn00s
Emission Hauts Féminin du 4 juillet 2023 ©France Télévisions

Retrouvez l'intégralité de l'émission Hauts féminin avec Élodie Dransart ci-dessus et sur france.tv.

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