Une vingtaine de villes sont concernées en France. Ce mardi 19 mars 2024, les infirmiers libéraux ont décidé de se faire entendre. Une mobilisation pour exprimer leur épuisement, leurs difficultés face à l'inflation, la pénibilité de leur travail. Ils en appellent au Ministère de la santé.
Il nous répond entre deux patients, au beau milieu de sa tournée matinale. C’est ainsi quand on est infirmier libéral. Une vie entre parenthèses. "Il y a beaucoup de divorcés dans la profession", regrette Nicolas Mallet. "Moi, je travaille environ 50 heures par semaine. 60 heures si l'on compte la paperasse"
Nicolas a 46 ans. Son métier, il l'a choisi très jeune. Il était collégien, sa mère était malade. Une infirmière s'occupait d'elle. "J'ai été témoin de ce contact avec les gens. Le fait de faire quelque chose pour les autres. J’avais besoin d'aider des gens en détresse".
Manifester entre deux patients
Infirmier libéral à Calais, l'homme a un sens aigu de sa mission. Il se mobilisera pourtant ce mardi 19 mars pour exprimer son épuisement. Les infirmiers libéraux bloqueront l'autoroute A16 en direction de Calais. "Une manifestation entre deux tournées, il faut le faire. C'est dire si on est motivés", poursuit Nicolas Mallet.
Les revendications sont multiples. Toutes tournent autour du même problème : les infirmiers libéraux se sentent à bout. Étranglés financièrement d'abord. "L'acte médical infirmier n'a pas été revalorisé depuis 2009". Cet AMI est actuellement payé 3,15 euros. C'est une cote. "Un simple pansement par exemple est classé en AMI 2". En clair, on multiplie l'AMI par deux. L'acte rapporte donc 6,30 euros à l'infirmier.
À cela, il ajoute 2,75 euros de déplacement, quel que soit le kilométrage. Mais face à l'inflation, cela devient insuffisant. Essence, matériel médical… Tout coûte de plus en plus cher. En parallèle, les besoins en soins à domicile se multiplient : "Les hospitalisations sont de plus en plus courtes. On a de plus en plus de surveillance postopératoire". Et donc de nouvelles sources de rémunération potentielles, mais là encore insuffisantes selon l'infirmier. "Elles ne compensent plus l'inflation".
Une retraite à 62 ans ?
L'autre grand sujet d'inquiétude pour les infirmiers libéraux, c'est la retraite. "Si on veut notre retraite à taux plein, pour le moment, c’est 67 ans. Et après tout ça, je peux espérer 1500 euros au mieux à la retraite". Les infirmiers libéraux veulent donc une reconnaissance de la pénibilité de leur travail. "On voudrait pouvoir s'arrêter à 62 ans".
Face à cet épuisement, les infirmiers libéraux ont donc décidé de s'organiser. Ce mardi, un convoi partira de Grande-Synthe, un autre de Boulogne-sur-Mer. Ils se retrouveront devant la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Calais. Le mouvement a même pris une dimension nationale. Une vingtaine de villes sont concernées en France métropolitaine, trois en Outre-Mer. Un moyen de se faire entendre par le Ministre de la santé.
À ceux qui suggèrent aux infirmiers libéraux de prendre moins de patients pour alléger leur rythme, ils répondent avec une pointe d'agacement : "Il faut bien soigner les gens". Et l'infirmier de Calais, Nicolas Mallet, de conclure : "Certains sont à bout et comptent arrêter si ça n’évolue pas. D'autres le font déjà. Après le désert médical, on risque le désert paramédical".
En attente d'annonces concrètes du gouvernement, les infirmiers libéraux se mobiliseront tous les 15 jours jusqu’aux Jeux olympiques.