Onze ans après la liquidation judiciaire de leur entreprise dans des conditions douteuses, le combat des ex-salariés de Samsonite n'est toujours pas terminé. Après une nouvelle audience judiciaire au Tribunal de Grande Instance de Paris ce lundi, retour sur une décennie de combat judiciaire.
Elles ont passé ces grilles chaque matin pendant près de 25 ans. Aujourd'hui, elles observent à distance les portes condamnées de l'usine Samsonite de Hénin-Beaumont.
Depuis plus de dix ans, un groupe d'anciens salariés se bat pour faire reconnaître le caractère illicite de leur licenciement. Une nouvelle audience s'est tenue devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, ce lundi 2 juillet 2018, avec de nouvelles indemnisations en jeu.
L'installation de Samsonite dans cette commune du Pas-de-Calais remonte à 1984. Plus de 300 emplois sont créés et jusqu'à 1200 bagages sortent chaque jour de l'usine. C'est l'âge d'or pour la marque jusqu'aux attentats du World Trade Center, en 2001.
Après l'attentat, les gens voyagent moins et n'ont plus besoin de valises, l'usine est donc revendue à un repreneur : HB Group. On parle alors d'une reconversion dans le photovoltaïque, mais aucun panneau solaire n'en sortira jamais. Début 2007, le couperet tombe : il n'y a plus assez d'argent dans les caisses pour payer les salaires.
"On a arrêté de travailler parce qu’ils ne nous payaient plus. Vous ne pouvez pas faire plus mal à quelqu’un, et même à des couples car il y avait des couples chez nous, que de leur dire : « continuez à travailler mais on ne vous paye plus à la fin du mois »", clame Brigitte Petit, ancienne salariée de Samsonite.
Cette ancienne syndicaliste CGT s'occupait du contrôle-qualité des valises et est devenue, dans la lutte, le visage du combat.
Pendant près de six mois, l'usine est bloquée par les 200 salariés de l'usine. Mais rien n'empêche la liquidation : ils sont tous licenciés. C'est le début de l'épopée des ex-Samsonite.
Les anciens salariés attaquent le fond d'investissement américain qui a repris l'usine, dirigé par un certain Mitt Romney, candidat à l'élection présidentielle en 2012. Ils se rendent aux procès, à Béthune, Douai, Paris, et même aux États-Unis. A chaque nouvelle audience, Brigitte Petit revit encore et encore son licenciement.
"Quand les avocats de Samsonite commencent à parler c’est affreux. Je suis retournée. Je suis encore plus méchante envers eux, j’ai encore plus envie de continuer", poursuit l'ancienne employée.
Les repreneurs sont condamnés en 2009 et la vente de l'usine déclarée frauduleuse en juin 2018. Des petites victoires qui laissent espérer à Brigitte de nouvelles indemnisations, lors du procès qui s'ouvre à Paris. Pour elle mais aussi ses ex-collègues qu'elle représente en tant que présidente de l'association des anciens salariés.
Onze ans après leur licenciement, ils ont déplacé la salle de pause de l'usine dans les locaux de leur association, où ils se retrouvent encore au moins une fois par mois.
"C’est un peu comme de la famille. Vous arrivez à 8h vous repartez à 16h30 pendant autant d’années. Ça marque", assure Renée Marlière, également ancienne salariée.
Le combat judiciaire touche peut être bientôt à sa fin, mais le message reste le même après toutes ces années : ne nous oubliez pas. Pour faire résonner leur lutte, sept anciennes employées sont allé jusque sur les planches du festival d'Avignon, l'an passé. Dans une pièce, elles y ont fait revivre leur longue épopée judiciaire.
Le jugement sera rendu le 21 septembre.