Le week-end de Pâques a lancé la réouverture des campings de la région. Si certains ont, presque, tourné la page des inondations, d'autres doivent encore réaliser de nombreux travaux.
Une pince dans la main droite et quelques grognements suffisent à comprendre la difficulté d’Alain Lecocq pour raccorder le réseau d’eau courante à son mobile home. Chaque année, c’est le geste qui lance la saison. D’avril à septembre, les Lecocq se rendent ici, au camping Le Vivier d'Ardres, dès que possible. En serrant un joint, Alain raconte : “ça fait 3 ans qu’on vient et on a jamais manqué une réouverture.” Pourtant, cette année, les Lecocq ont eu peur. Marie, sa femme, est à l’intérieur. Elle vide les cartons, fait un peu de rangement. “On est soulagé, on a eu peur que ça ne rouvre pas. C’est notre plaisir de venir ici depuis trois ans, vous savez, on est retraité. On va pouvoir aller à la friterie, à la pêche…” Depuis Lens, leur résidence principale, ils ont vu l’actualité autour des inondations déclinées presque chaque jour des mois de novembre et janvier. Par chance, l’eau n’est pas montée jusqu’à leur emplacement. Elle a, en revanche, submergé les infrastructures du camping Le Vivier. Salle de restaurant, cuisines… Rien n’a été épargné, près de 50 cm d'eau par endroits.
“Regardez, c’est la dernière trace encore visible de ce mauvais souvenir. Nous, on veut vite oublier” raconte Noémie, la propriétaire, en montrant un meuble en bois marqué à sa base par un trait causé par l'eau stagnante. “L’eau est restée comme ça près d’un mois” se souvient Noémie en faisant défiler des photos de la catastrophe sur son téléphone. “Psychologiquement, ça a été dur.” Avec l’aide de la mairie, de clients et d’habitants solidaires, les propriétaires ont entamé des travaux, de fond en comble, pendant quatre mois. “On a relevé nos manches et on s’est lancé dans les travaux. Tout a été remis à nu, le bois, les murs, les peintures, on a tout refait, même l’électricité. Il y a deux semaines, on a fini tout le gros œuvre et on s’est laissé 15 jours pour les finitions et tout nettoyer” décrit Noémie. Son mari, Laurent, admet avoir douté. “Le plus dur c’était de ne pas pouvoir travailler. Quand on a commencé les travaux, c’était sans savoir quand on allait pouvoir rouvrir. Puis finalement, on s’est donné le lundi de Pâques comme objectif.” Par chance, le deuxième épisode d'inondations, début janvier, a relativement épargné le camping.
Des frites et du Potjevleesch pour fêter les retrouvailles
À l’heure du déjeuner, la salle du restaurant attenante à la friterie se remplit. Noémie accueille certains clients par une bise amicale. “Ce sont des habitués” glisse-t-elle avec un sourire. “Vous voulez combien de Potjevleesch ?” lance-t-elle à l’unisson. “Ça faisait près de six mois qu’on attendait ça, ça nous avait manqué d’être ici” raconte Alexandre, un client, tout sourire en dégustant une frite avec sa compagne au bord de l’étang situé juste derrière le camping. “Ça fait vraiment plaisir de retrouver nos clients et de lancer la saison. Certains nous ont soutenus au mois de novembre et pour les travaux, je veux les remercier. Voir que ces gens sont au rendez-vous aujourd’hui ça me va droit au cœur” s’émeut Noémie, une main sur la poitrine.
A une vingtaine de kilomètres de là, à Eperlecques, certains habitués des mobile homes du camping "Le Ranch Car" sont aussi revenus. L’activité reprend peu à peu, en témoigne les emplacements ouverts, où s'entassent quelques vélos. En revanche, pas de quoi accueillir des campeurs plus traditionnels, en caravanes ou en tentes. Les emplacements libres sont vides et risquent de le rester encore quelques semaines. “Début avril, c’est le moment où la saison se lance et cette semaine j’ai déjà refusé environ six campeurs” se désole Marc Denis, propriétaire du camping depuis trois ans. Et pour cause, toutes les infrastructures "en dur" sont encore dévastées. “Voilà, ici c’est la partie accueil” montre Marc en désignant des morceaux entassés de ce qui fut une cloison. “Tout est démoli”, jusqu’à la pièce qui servait de bar. “Regardez, même le billard a pris l’eau.”
Les assurances tardent et l'humidité demeure
Près de trois mois après le dernier épisode d'inondations, il y a urgence. Pourtant, impossible de commencer les travaux. Marc prend un morceau de brique au sol, rendue friable par l’eau. “Voilà, tout est encore bien trop humide. Un artisan peintre est venu faire un constat. Il m’a affirmé que s’il repeignait aujourd’hui, la peinture formerait des cloques à cause de l’humidité, en même pas un mois. Pour l'instant, ça ne servirait à rien de repeindre.” Car ici, l’eau a stagné plusieurs semaines. Par endroits, le niveau est monté à 50 cm. Le camping a été touché par deux fois, en novembre puis janvier. “Il fallait faire un kilomètre de barque pour rejoindre la route” ironise Marc. Les sanitaires et les douches collectives sont aussi hors d’usage et sont, pour l’heure, laissés en l’état. Car en plus de l'humidité, les indemnités tardent à arriver. “Je ne peux rien faire. Les dégâts sont estimés à 150 000 euros. Pour le moment, les assurances nous ont versé 20 000 euros seulement, à peine de quoi couvrir nos frais généraux.” Marc espère recevoir un nouveau versement dès la semaine prochaine. Mais d’ici là, il pourrait continuer à refuser des clients, faute de capacités d’accueil. “Avec les beaux jours qui arrivent, on estime une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 5 000 euros environ par mois. Surtout sur la partie bar, qui engrange le plus de recettes." Alors Marc s’impatiente de l’arrivée d’un nouveau versement des assurances. Il reste aussi à l’affût du moindre rayon de soleil, signe que de nouveaux clients arriveraient. “Il est évident que les travaux de réparation ne seront toujours pas finis à ce moment-là, mais on espère tout de même rouvrir tous nos emplacements au 1er juin.” De quoi entrevoir, enfin, une éclaircie après plusieurs mois de grisaille.