Champs recouverts par les eaux, coupures d'électricité, bêtes dans l'eau... les crues des lundi 6 et mardi 7 novembre 2023 n'ont pas épargné les agriculteurs, qui redoutent de nouvelles intempéries.
"J'ai entre trois et quatre hectares de champs de blé qui ont été recouvert par les eaux" témoigne Julien Duchateau, responsable du canton boulonnais des Jeunes Agriculteurs. Pour l'instant difficile de dire s'il pourra récolter tout le blé semé. Lorsqu'il interroge ses confrères, le constat est le même, ils n'ont rien pu faire face à la montée des eaux.
Le préfet nous avait prévenu ce matin, mais on ne peut pas vraiment se préparer à ça. On avise au moment où l'eau arrive
Yannick HarléAgriculteur à Hesdigneul-lès-Boulogne, commune qui longe la Liane
Lorsqu'il interroge ses confrères, le constat est le même, ils n'ont rien pu faire face à la montée des eaux.
Peu importe le type d'exploitation, les dégâts restent importants
Chez les producteurs céréaliers ainsi que chez les maraîchers, le recouvrement de leurs exploitations par plusieurs dizaines de millimètres d'eau met en péril la qualité de leurs récoltes. Jérémy Dumont, président de la FDSEA dans le comté de Boulogne, raconte : "les champs inondés sont impraticables. Même si on a récolté, il est impossible de semer sur ces champs, ou alors les céréales pourriront."
Les crues ont aussi mis en danger les agriculteurs possédant du bétail. Si certains ont perdu des bêtes dans les inondations, explique Jérémy Dumont, d'autres ont du composer avec des coupures de courant. "Pour les exploitations qui produisent du lait, sans courant, impossible de faire la traite", ajoute-t-il. Il rappelle également qu'il faut prendre en compte l'accès des camions à l'exploitation : "si les camions ne peuvent pas venir chercher le lait car la route est impraticable, il faudra alors tout jeter. Le lait se stocke maximum 3 à 4 jours."
Benjamin Szymanowicz, pépiniériste, a quant à lui eu la surprise de retrouver ses plants dans la ferme du voisin. Il estime ses pertes à un tiers de sa pépinière, soit "3 000 à 4 000 euros".
Une entraide spontanée
"Face à cette situation exceptionnelle, de nombreuses opérations de solidarité et d'entraide se mettent en place dans les villages sinistrés. Les agriculteurs se sont mobilisés pour apporter leur soutien aux habitants des villages touchés, que ce soit en assurant le transport des enfants ou encore des soignants avec leurs engins agricoles…" a annoncé la FDSEA du Pas-de-Calais dans un communiqué.
Que cela soit par des conversations Whatsapp ou par le bouche à oreille, l'entraide s'est rapidement organisée entre les agriculteurs. Benjamin Szymanowicz, le pépiniériste, n'a pas hésité à mettre ses outils à la disposition de ses confrères. "J’ai un téléscopique au dépôt pour charger les cailloux, j’ai fermé le dépôt pour aider un agriculteur à côté, ses tracteurs sont sous l’eau et il n'a plus d’électricité pour la traite" témoigne-t-il.
Une situation qui était déjà compliquée
Ces crues interviennent après plusieurs saisons compliquées pour les agriculteurs du Pas-de-Calais. Après la tempête de 2021 et les sécheresses estivales, "il y a une forme d'abattement. C'est une goutte d'eau supplémentaire dans un vase qui a déjà débordé", raconte Elodie Prouvost de la Confédération Paysanne du Nord Pas-de-Calais.
Il est à noter que les systèmes actuels de gestion de l'eau datent des années 80 et ne sont plus adaptés aux besoins actuels.
Communiqué de presse de la FDSEA du Pas-de-Calais
Ces événéments climatiques sont toujours plus récurrents, et le matériel pour les gérer est vieillissant, ajoute la FDSEA dans son communiqué. "L'efficacité de l'évacuation gravitaire des eaux douces vers la mer dépend en grande partie de l'amplitude des marées. (...) Il est à noter que les systèmes actuels de gestion de l'eau datent des années 80 et ne sont plus adaptés aux besoins actuels." Pour que cela ne se reproduise plus, la FDSEA du Pas-de-Calais appelle à la mise en place de mesures concrètes pour moderniser le système de gestion de l'eau.
Dans l'attente de la décrue, les agriculteurs redoutent de nouvelles intempéries, et ne peuvent se projeter sur le futur de leurs exploitations : "Pour l’instant c’est trop vague, on n'a pas assez de recul. On espère que l’eau ne stagnera pas trop longtemps"n s'inquiète Jérémy Dumont.