Défenseur du patois et des mineurs, Guy Dubois a quitté ch’terril à 86 ans

Toute sa vie, il a œuvré pour la défense du patois picard et le ch'ti mi. Langue populaire de moins en moins présente dans les conversations. Chansons, livres, école, mineurs, Guy Dubois était un passionné des mots, de la région et de son histoire. Surtout, il cultivait l'humour. Abécédaire de ses engagements.

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A comme Auchy-les-Mines, dans le Pas-de-Calais. C'est là qu'il habitait, boulevard de la fosse 8, au cœur de ce Bassin minier qu'il affectionnait tant. Ses obsèques se dérouleront vendredi 13 septembre à 15h45 à Herlies.

B comme Bertrand Cocq. Amis pendant plus de cinquante ans, Bertrand Cocq n'a pas de mots assez forts pour dire sa peine. À la naissance des radios libres, dans les années 1981-1982, ils ont été les premiers à avoir une émission de radio en langue locale, le patois picard, bien sûr. Bertrand Cocq aime se souvenir de son ami : "C'était un puits de sciences, de connaissance sur notre région. Il a collecté chez les particuliers, en 1985, des poèmes, des chansons disparues avec son magnétophone et son calepin, il en a fait un trésor documentaire. Il en a fait des recueils. Et puis, il y a quelques années, l'âge avançant, il a reversé des centaines de documents aux Archives du Pas-de-Calais. C'était quelqu'un qui aimait le partage."

Tous les deux aussi avaient "monté les dégustations de patois. C'était des soirées patoisantes autour de conteurs, de poètes, d'écrivains que nous invitions. Guy était à l'initiative de ça. Il a écrit une pièce que l'on a jouée sur les scènes du Nord-Pas-de-Calais qui faisait revivre les écrivains et poètes de la Région".

C comme Chansons. Des chansons qui évoquent souvent le dur labeur, la vie et les souffrances des "gueules noires". Il en a écrit notamment pour Simon Colliez ou Patrick Collon. Ce dernier se souvient : " je l'ai rencontré lors d'une fête du livre, il était là comme auteur. J'animais et chantais une chanson en patois sur Jules Mousseron "Le poète des corons". Et, il m'a proposé des chansons que Simon Colliez ne voulait pas dont "j'te reconno, t'es d'm'in coin". Mes musiques lui ont plu alors, il m'a écrit plusieurs textes. J'en ai fait un album dans les années 1995. Et c'est avec lui que je me suis fait connaître. Je connais aussi tous ses livres, je m'en inspirais pour les textes de mes spectacles."

Attristé, il poursuit : "Je savais qu'il était malade, mais c'était mon père spirituel. C'était un camarade sincère, honnête, touchant. Ça me touche profondément, on perd un pilier du savoir et de la bonne humeur. Il m'a poussé à en faire un métier. Avant lui, je faisais de la chanson française". 

D comme Défenseur. Guy Dubois était un homme engagé. Un défenseur du patois, mais aussi des mineurs, du Bassin minier.

E comme École. Il en a créé une à Haisnes-lès-la-Bassée. Forcément, une école pour apprendre le patois picard. Une école qui réunissait les passionnés de l'école primaire aux retraités. 

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Une école du patois à Haisnes (Pas-de-Calais) ©INA

F comme la Fosse 6 de Haisnes. Probablement un de ses plus grands regrets, selon ses proches. Il s'est battu pour qu'elle soit sauvée, restaurée. Le chevalement en béton est le dernier du Nord-pas-de-Calais et pourtant, il tombe en ruines. Un projet existe bien, soutenu par la mairie, mais Guy Dubois ne le verra pas aboutir. Télé Gohelle a consacré un reportage à son association Mémoire de Fond pour la défense de la Fosse 6, en avril 2013. 

G comme Grind vinteu, p'tit féseu ! Ce qui n'était pas le cas du professeur Guy Dubois, toujours par monts et par vaux pour défendre sa langue, ses livres, ses chansons, partager des bons mots. Grand vantard, petit faiseur. Vraiment pas lui.

H comme Haisnes. C'est là qu'il a créé une école de patois. Ouverte aux enfants et aux adultes. Un lieu de partage, d'apprentissage et de chansons, forcément. Les cours se terminaient régulièrement par le classique "eun goutt' ed jus". 

I comme "i va quer eud din". Une expression ch'ti parmi les plus connues : "Ferme eut bouque, tin nez i va quer eud din" que l'on peut traduire par "Ferme ta bouche, ton nez va tomber dedans". Une expression que Guy Dubois employait régulièrement devant ses élèves.

J comme José Ambre. Forcément, un ami de longue date. Le conteur patoisant, chroniqueur à la radio depuis 44 ans raconte : "C'était un des derniers grands défenseurs de notre langue picarde, un homme d'engagement. Toute sa vie, il a défendu la langue, les mots picards." Puis : "On était très amis, dans un de ses bouquins, il m'a consacré un chapitre ! On se connaissait depuis une cinquantaine d'années. On s'est rencontrés lors de spectacles en patois". 

L comme Livres. Guy Dubois a beaucoup écrit dans sa vie. Comme professeur des écoles, son métier, comme auteur de livres et comme parolier. Il a publié une vingtaine d'ouvrages. Sur le patois, le patrimoine, le Nord-pas-de-Calais, des cafougnettes, des dictionnaires du "parler ch'ti"... 

M comme Mineur. Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de mineurs, Guy Dubois était extrêmement attaché au Bassin minier. Un territoire qu'il faisait aussi découvrir à travers ses chansons, un blog qu'il a longtemps alimenté, ses émissions de télévision sur Télé Gohelle, ses textes sur le quotidien des mineurs. 

N comme Nuls. Il est l'auteur d'un livre "Le Nord-pas-de-Calais pour les Nuls".

O comme Outils. Les outils des mineurs, agriculteurs, travailleurs qui ont donné beaucoup de mots au patois. Mais aussi les outils de transmission du savoir créés par Guy Dubois. Olivier Engelaere, directeur de l'agence régionale du Picard, raconte : "J'ai rencontré la langue picarde à travers ses livres, ses lexiques. Dès les années 70, il a montré la richesse de cette langue qu'on considérait comme du français déformé. C'est une langue qui a son vocabulaire, sa grammaire. Son livre, "2000 mots du patois de chez nous", c'était un moyen de rencontrer la langue sur un grand territoire, on appartenait à une communauté, on n'était pas seul."

"À travers ses lexiques, il a envisagé la transmission de la langue. Et a créé aussi une méthode d'apprentissage. Elle n'a jamais vraiment été utilisée mais il a eu cette démarche de transmettre et de créer des outils pour la transmission, avec notamment "Le BaBa du patois de chez nous". Chez nous, c'est le bassin minier. 

C'était aussi un rassembleur, il était à l'initiative d'une fédération des associations de la langue picarde. Et puis, on était toujours le bienvenu chez Guy, c'était quelqu'un de bienveillant. C'était quelqu'un qui donnait. Il a d'ailleurs donné ses archives personnelles, ses livres aux Archives du Pas-de-Calais, de son vivant. On voit l'enseignant, cette envie de transmettre."

Enfin, il conclut : "Guy est une figure qui a soutenu la langue à un moment où elle aurait pu disparaître". 

P comme Passion pour le Patois Picard. Valérie Lannoy, directrice de Télé Gohelle décrit "quelqu'un de sympa, volontaire, qui aimait jouer avec les mots, "il avait une vraie passion pour les mots et aimait transmettre aux plus jeunes".

José Ambre poursuit : "Guy Dubois a beaucoup défendu la langue, qui, il y a 2 ans a été reconnue Langue régionale par le gouvernement. Elle se fait rare, mais depuis, des instituteurs reprennent l'étude du Picard" poursuit le conteur, optimiste. Avant de raconter les origines de cette langue vue comme populaire, "Elle remonte à 53 avant JC, quand Jules César 53 envahit La Gaule. Il impose aux vaincus la langue du vainqueur, la langue du latin vulgaire. Des romains vont venir s'installer. Et tous ces mots latins vont subir des transformations avec les Gaulois germaniques ou celtiques qui peuplent le Nord d'alors. Pourquoi est-ce qu'on dit une glaine en Picard ? Et bien, ça vient de "gallina" en latin, la poule qui a donné aussi galinacé..." 

Q comme Quaind in ravîsse quécun, in' in voit qu'eul mitan ! Que l'on pourrait traduire par : Quand on regarde quelqu'un, on en voit que la moitié. C’est-à-dire, il ne faut pas se fier aux apparences. Une expression ch'ti, qui colle bien au personnage sérieux de Guy Dubois, un travailleur qui aimait aussi beaucoup blaguer et surprendre. 

R comme Renaud, cante el' Nord. Alors qu'il tourne Germinal dans le Nord, le chanteur découvre les chansons du Bassin Minier, il en fait un album qui sort en 1993. Sur cet opus, deux titres sont des chansons de Simon Colliez dont Guy Dubois a écrit les textes : Adieu Ch’terril d’Rimbert ou Du qui sont.

S comme Simon Colliez. Un ami, chanteur rencontré au début des années 80, les deux hommes ne vont plus se perdre de vue tant la volonté de sauvegarder le "parler picard" les animait. Guy Dubois va même écrire deux textes qui deviendront des classiques du répertoire de Simon Colliez. Il raconte : "...."

T comme Télé Gohelle. Sur la chaîne télé du Bassin Minier, il racontait l'histoire des mots en ch'ti. Entre 2009 et 2013, il a enregistré une centaine d'émissions courtes, "Leçons d'Patois" avec des mots comme bertonner, gindarme, bernatier, païelle, agosil, porion, boquillon, flamique...  

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Les leçons d'patois à Guy Dubois - La wassingue ©Télé Gohelle

Christophe Billoir, qui filmait pour Télé-Gohelle, se souvient : "On tournait dans la salle de classe de l'écomusée à Noyelles-sous-Lens. Avant les tournages, on racontait des "cafougnettes" comme il disait, on rigolait en faisant les émissions. Il aimait les blagues, un peu graveuleuses, façon c'hti. Je me souviens aussi qu'il reprenait les gens sur leur prononciation du ch'ti !"

U comme D'ù qui sont. Une de ses chansons reprise par Renaud Hommage aux mineurs de fonds avec des paroles telles que "I sont rintrés dins l'légende ed' nou sièque, A l'fosse nou pères ont souffert, ont péri, Leu durts misères méritent qu'in les respecte,Conservons leu chevalets, et leu terrils". 

V comme vivante. Assurément, pour Guy Dubois, le ch'ti est bien vivant. D'ailleurs, un de ses derniers livres était un appel à la transmission de la langue régionale. Son titre : Parlez ch'ti ?

W comme Wassingue. Un des mots qui a fait l'objet d'une de ses leçons d'patois sur Télé Gohelle. Un mot qui vient du flamand, de l'époque des Pays-Bas espagnols, du mot waschen, laver. Pour les puristes, on dirait "une loque à reloquer" précise José Ambre.

Z comme Zyeuter. Regarder en patois, et la curiosité était essentielle dans la vie de Guy Dubois.

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