PORTRAIT. Qui est Mathias Mlekuz, le réalisateur de "Mine de rien" tourné dans le Pas-de-Calais ?

Mathias Mlekuz est petit-fils de mineur. C'est son enfance qui l'a inspiré pour tourner son premier film en tant que réalisateur, "Mine de rien". Une histoire dont il a eu l'idée il y a dix ans et qui, avant même sa sortie en salle, a déjà conquis le public.

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Quand Mathias Mlekuz se met à parler de son film, et de l'accueil qu'il a reçu auprès du public, aussitôt il baisse d'un ton, comme pour ne pas le dire trop fort, comme s'il n'y croyait pas encore. Sourire aux lèvres, yeux brillants, il a l'air étonné de tant d'intérêt pour son travail. Etonné, mais heureux, et ému surtout, de voir que son premier film, son "bébé" comme il dit, plaît au public.

"Un film, c'est un travail qu'on fait en solitaire pendant très longtemps. Ensuite on le tourne, ça devient très collectif. Le montage est à nouveau solitaire. Enfin, on l'offre au public, et là c'est très émouvant. C'est comme un bébé qu'on montre au monde pour la première fois."
 

Prix du public à L'Alpe d'Huez

 


Une première fois réussie puisque "Mine de rien" a obtenu en janvier le Prix du public au festival de l'Alpe d'Huez, après avoir été ovationné par les spectateurs dans la Grande Salle, le soir de la projection. Le réalisateur nordiste avait envie de faire une comédie et s'était donné comme objectif de faire rire les gens. Finalement, le public est au moins aussi ému qu'amusé. "Pour un premier film, à 50 balais, c'est une reconnaissance extra ! Par contre, ça fait pleurer. J'ai vraiment été très ému, avoue-t-il. De toute façon, déjà en visionnant le film dans la salle, j'ai pleuré face aux réactions des gens."

Emotif, Mathias Mlekuz ? Pas spécialement. Mais là, on touche à son histoire, celle de sa famille. Né à Lens, il a grandi à Sallaumines et vécu dans les corons. Il se souvient avec tendresse de son grand-père, immigré yougoslave arrivé dans la région en 1923 et devenu mineur de fond. "Il est descendu au fond à 13 ans, en 1928. Dans la famille, on parlait toujours des mineurs, de ce qui se passait en bas, confie-t-il dans Vous êtes formidables. Mais moi, je ne suis jamais descendu. Donc j'ai fantasmé un peu tous ces petits wagonnets, avec les trains, et j'ai toujours eu envie d'en faire quelque chose."
 

Une nuit, avec deux copains, Mathias Mlekuz visite "par effraction" la fosse du 11/19, deux ans après sa fermeture. "Les copains voulaient en faire un théâtre... D'ailleurs ils l'ont fait ! Alors, pourquoi pas un parc d'attractions ?" Lui aussi voulait en faire quelque chose, sans bien savoir quoi. Puis l'idée du film est née, il y a une dizaine d'années déjà.

Mais on ne fait pas un long-métrage en claquant des doigts. Il y a huit ans, il a commencé à travailler sur le projet. Puis le film est entré en production. Ont suivi un long parcours de financement et un long parcours d'écriture, avec Philippe Rebbot, coscénariste. Pour ce dernier, qui joue également l'un des deux personnages principaux aux côtés d'Arnaud Ducret (Parents mode d'emploi), "c'est un film sur nos gentillesses, sur nos solidarités, sur notre bienveillance." Sur les gens qui peuplent le bassin minier, aussi.

D'ailleurs, 450 figurants ont participé au tournage pendant cinq semaines, parmi lesquels d'anciens mineurs et des supporters du RC Lens. Tous ont été séduits par le pitch, l'histoire de deux chômeurs de longue durée qui décident de construire un parc d'attractions sur une ancienne mine désaffectée.
 


Là encore, c'est son aïeul qui a inspiré Mathias Mlekuz. "Il avait le génie des mains, c'était un ouvrier. Il avait son intelligence dans ses mains. Il faisait toujours toutes sortes d'objets pour ses petits-enfants. Il n'a jamais fabriqué de manège, mais il aurait pu." Quant au lieu, il s'est imposé de lui-même. Toutes les scènes ont été tournées entre Loos-en-Gohelle, Lens et Oignies. Le Pas-de-Calais, comme une évidence.

"Moi, je suis d'ici. Mon nom est à consonnance étrangère, mais souvent je dis que je suis du Pas-de-Calais, et pas yougoslave comme mon nom l'indique." Un nom imprononçable. A moins de connaître l'astuce que Mathias divulgue de lui-même, en riant : "Il faut penser à une vache. Meuh et lait. Meuh-lait-kuz. Facile."

Maintenant que vous savez dire son nom, reste à mettre un visage dessus. Facile aussi. Vous l'avez forcément déjà vu en tant qu'acteur, au cinéma dans Brice de Nice ou Divorces, mais aussi dans de nombreuses séries télé, Avocats et associés sur France 2, Nicolas Le Floch ou encore, plus récemment, Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux avec Lorant Deutsch. 
 

"Les cendres de mon père ont été dispersées sur ce terril."

 

A cinquante-trois ans, cet habitué des caméras vient donc de passer de l'autre côté. A la maison, sur la terre qui l'a vu grandir. "Les terrils jumeaux de Loos-en-Gohelle, c'est tout un symbole. Pas seulement parce qu'ils sont les plus hauts d'Europe. Non, si ça compte tellement pour moi, raconte-t-il, les larmes aux yeux sur le plateau de VEF, c'est que les cendres de mon père ont été dispersées sur ce terril."

On voit alors d'un autre oeil les cendres que la mère d'Arnault (Arnaud Ducret) trimballe partout avec elle dans le film. Emouvante Hélène Vincent, grande habituée des plateaux de télé et de cinéma, elle qui avait été meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation de Marielle Du Quesnoy dans La vie est un long fleuve tranquille, autre film culte tourné... dans la région !
 


De ces souvenirs parfois lourds, Mathias Mlekuz a voulu faire quelque chose de léger. Notamment grâce aux musiques. Douces, pour la plupart ; émouvantes, elles aussi. "J'aurais voulu Les Corons de Pierre Bachelet dans mon film, mais les droits étaient beaucoup trop chers", regrette-t-il dans son interview Bière Gaufre Maroilles., avant de pousser la chansonnette.
 


Finalement, la poésie s'est invitée d'elle même sur le tournage, un jour où il s'est mis à neiger. "Ça a été complètement féérique d'un seul coup ! Ca a donné de la poésie au film." Alors quand en visitant le Louvre Lens, Mathias a repéré dans la boutique une boule à neige avec l'inscription "Bassin minier", il s'est tout naturellement dit que ce serait un souvenir de tournage idéal et il en a acheté plusieurs. "Encore un symbole ! Le Louvre Lens est sur une ancienne mine, et je pense que mon grand-père est descendu dans cette mine."
 


Une histoire de famille


"Mine de rien" est une vraie belle histoire de famille. Jusqu'au bout. Pendant le tournage, Mathias a ainsi pu diriger son fils aîné, Josef Mlekuz (la vache, meuh, le lait, comme le père), qui joue le rôle de Kevin, un jeune dealer attachant. Et il a adoré ça. "Eh oui, je suis quelqu'un de très familial, reconnaît-il. J'avoue, j'ai adoré travailler avec lui. J'ai adoré diriger tout court d'ailleurs. J'espère que le film aura beaucoup de succès pour me permettre d'en faire un deuxième !"

Vus les délais, autant dire que Mathias Mlekuz tient déjà sa prochaine (bonne) idée. Il voudrait travailler sur le jeûne et les randonnées. Ca tombe bien, il randonne, souvent, et jeûne une fois par an, parfois jusqu'à 58 jours. "Je perds 25 kilos sur cette période. Bon, là, avec la tournée de promo, je mange plein de pâtisseries, j'ai tout repris donc je vais jeûner à nouveau." De quoi se mettre en immersion pour son prochain scénario ! Pour l'heure, le néo-réalisateur ne boude pas son plaisir lors des avant-premières dans la région, en attendant la sortie officielle dans les salles, le 26 février et, à coup sûr, quelques larmes supplémentaires. 

 

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