Le naufrage d'une embarcation de fortune transportant des migrants tentant de rejoindre le Royaume-Uni par la Manche a fait au moins quatre morts mercredi 14 décembre, rappelant les dangers de ces traversées risquées mais toujours plus nombreuses.
A un moment où l'Angleterre et le nord de la France connaissent des températures très basses, la vaste opération coordonnée par les garde-côtes britanniques avec l'assistance de la Marine française a permis de secourir plus de 40 personnes, ont précisé les médias britanniques citant une source gouvernementale.
Un peu plus d'un an après un naufrage dans lequel 27 migrants avaient péri, le drame pose une nouvelle fois la question de la coordination et des responsabilités du Royaume-Uni et de la France sur ce dossier, au coeur de fréquentes tensions entre Londres et Paris.
"Quatre décès ont été confirmés à la suite de cet incident", a déclaré un porte-parole du gouvernement britannique tandis que le Premier ministre Rishi Sunak a exprimé son "chagrin" après cette "perte tragique de vies humaines".
Le porte-parole a souligné que les autorités avaient été alertées à 3h05 GMT. Des images diffusées sur la chaîne de télévision Sky News montrent des migrants dans un canot pneumatique noir, visiblement bien trop petit pour transporter des dizaines de passagers, en train d'être secourus en pleine nuit.
Risque d'hypothermie
Depuis le début de l'année, près de 45.000 migrants ont effectué la dangereuse traversée dans ces eaux froides et très fréquentées, contre près de 30.000 l'année précédente. Des bateaux et des équipes de sauvetage de plusieurs villes du sud-est de l'Angleterre ont été mobilisés ainsi que deux hélicoptères britanniques et un hélicoptère de la Marine française, selon les garde-côtes.
L'association française d'aide aux migrants Utopia 56 a dit avoir été contactée dès 2h53, soit 1h53 GMT, au sujet d'un bateau en détresse par un message vocal avec une localisation dans les eaux françaises.
"A 3h40 (02h40 GMT), les garde-côtes français nous ont dit que c'étaient les Anglais qui s'en chargeaient", a raconté Nikolaï Posner, un responsable d'Utopia 56, précisant qu'on ne "pourra jamais être réellement sûr" qu'il s'agit du bateau ayant fait naufrage.
"Le risque d'hypothermie qui est suivie de la mort est extrêmement grand. Quand il y a ce genre de drame, on n'a pas le luxe d'attendre pour intervenir", a-t-il ajouté.
Système d'asile débordé
Dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021, 27 migrants âgés de sept à 46 ans avaient péri dans le naufrage de leur bateau pneumatique en tentant de rejoindre l'Angleterre. Alors que l'enquête se poursuit, des documents dévoilés par le quotidien français Le Monde mettent en cause les secours français et britanniques, qui se sont renvoyé la balle sans porter assistance à l'embarcation.
Selon le Monde, ses passagers ont appelé à l'aide à une quinzaine de reprises les autorités françaises, en vain, suggérant que les secours français avaient attendu que les naufragés dérivent jusqu'aux eaux anglaises.
Un an plus tard, ce nouveau naufrage intervient au lendemain de l'annonce par le Premier ministre britannique d'un vaste paquet de mesures destinées à lutter contre l'immigration illégale. Le dossier est hautement sensible pour les conservateurs qui promettent depuis le Brexit de "reprendre le contrôle" des frontières alors que le nombre de ceux qui tentent de traverser la Manche n'a jamais été aussi élevé, débordant complètement le système des demandes d'asile.
Paris et Londres ont signé un accord mi-novembre qui prévoit notamment une enveloppe de 72,2 millions d'euros que devront verser les Britanniques en 2022-2023 à la France pour augmenter de 800 à 900 le nombre des policiers et gendarmes sur les plages françaises, d'où partent de nombreux migrants.
"Le fait de faire ce voyage par ces températures montre à quel point les gens sont désespérés", a réagi Alex Fraser, un responsable de la Croix Rouge britannique. "Tant que nous n'aurons pas plus d'itinéraires sûrs et accessibles pour les personnes demandant l'asile, nous risquons de voir davantage d'incidents de ce type".
Au moins 205 migrants sont morts ou ont été portés disparus en traversant la Manche depuis 2014, selon le Missing Migrants Project de l'Organisation internationale pour les migrations.
Avec AFP