Âgé de 23 ans, Thomas Liénard, charpentier de marine à Audresselles, est obsédé par la conception d'un bateau de pêche disparu de la Côte d'Opale depuis une cinquantaine d'années : le flobart. En septembre 2021, il livrera deux modèles commandés par les organisateurs de la Route du poisson.
Sa marotte à lui, c'est les flobarts. À 23 ans, Thomas Liénard passe de longues heures dans son atelier, à Audresselles. Lunettes rondes, petite barbe, le jeune charpentier de marine façonne le bois avec envie pour fabriquer ces bateaux traditionnels. Alors forcément, quand les organisateurs de la mythique Route du poisson lui commandent deux modèles pour la 30e édition, c'est une fierté.
"J'ai cru que c'était une blague"
Pourtant, au début, il n'y croyait pas : "Quand j'ai eu le message de la Route du Poisson, j'ai cru que c'était une blague. Puis, j'ai rencontré le président de l'association et c'est devenu concret." C'était en juin 2020. Depuis, le jeune entrepreneur, à son compte depuis deux ans, s'est mis à l'ouvrage avec coeur.
Il devrait bientôt livrer d'ici une quinzaine de jours son premier flobart, qui servira à l'épreuve de traction sur la plage de Boulogne-sur-Mer en amont de la Route du poisson. Après neuf ans d'absence, la célèbre course de chevaux de trait entre la ville portuaire et Paris fera son grand retour en septembre prochain.
Son premier flobart à 16 ans
Thomas Liénard et les flobarts, c'est une histoire d'enfance. Adolescent, le garçon originaire de Roubaix, arrivé à l'âge de 12 ans à Ambleteuse, passait ses après-midi dans l'atelier de son grand-père, menuisier. Il assiste alors à la construction de divers bateaux et lui donne un coup de main comme il peut.
Puis, le déclic vient au retour d'une sortie en mer sur le flobart Notre-dame-de-la-Mer. Thomas Liénard, en Bac pro menuiserie au lycée Giraux Sannier de Saint-Martin-Boulogne, rêve d'une chose : concevoir son propre bateau. "C'était juste pour m'amuser au début, raconte-t-il. Puis j'en ai fait mon métier..."
Une formation de charpentier en marine en Bretagne
Ce bateau, ce sera un flobart. "C'est beau et ça navigue bien, les vieux gréements m'ont toujours attirés, explique le jeune homme. Même si ça n'a pas la performance d'un Imoca bien sûr." Utilisées jusqu'à la fin du XXe siècle par les pêcheurs de la Côte d'Opale, ces coques en bois flotantes avaient disparues, leurs secrets de fabrication avec.
"Un flobart c'est beau et ça navigue bien. Les vieux gréements m'ont toujours attirés, même si ça n'a pas la performance d'un Imoca bien sûr.
Quand il entame le chantier de son premier flobart en 2013, à 16 ans, il n'imagine pas encore qu'il planchera dessus durant près de six ans. Il se frotte à la difficulté de trouver des plans de conception. Pourtant, il suit une formation de charpentier en marine au CAP du lycée Jean Moulin à Plouhinec, en Bretagne. Mais cela ne suffit pas. "Et tout n'est pas expliqué dans les traités de charpentier."
Une rencontre déterminante
C'est là que le jeune passionné fait une rencontre décisive avec Pierre Lamarche. Cet artisan, diplômé des Chantiers de l'Enfer de Douarnenez, a connu les anciens charpentiers, fabricants de flobarts, à qui il a tiré "quelques tours de main, quelques secrets." Thomas Liénard est formel : "Sans lui, je ne l'aurai jamais fini ce bateau." L'élève est reconnaissant du maître : "Aujourd'hui encore, il continue à m'aiguiller."
Le bois massif est au centre du métier de Thomas Liénard. "C'est un matériau noble, dit-il. C'est vivant, ça bouge, j'aime ça." La coque de ses flobarts sera façonnée dans du mélèze. Et du chêne pour les autres parties du bateau.
La Route du poisson, une vitrine pour son travail
Après avoir terminé son premier modèle pour la Route du poisson, utilisable seulement pour l'épreuve de traction, il devrait s'atteler à la construction du second flobart, avec gréement et moteur, qui servira à transporter des personnalités sur la Seine, à Paris, à l'arrivée de la course. Toutefois, la fabrication de ce dernier reste conditionnée à la réussite d'un financement participatif. Un flobart coûtant environ 30 000 euros.
Ces commandes offrent un coup de projecteur au travail du charpentier d'Audresselles. "C'est l'attraction du coin ici, mes clients et mes amis passent souvent me voir pour suivre la fabrication. Ca attire du monde, livre-t-il. J'aimerais que ça donne envie à certains de se remettre au bateau en bois."
Avec son entreprise jeune de deux ans, Thomas Liénard participe donc à la renaissance du flobart, ancêtre de la Côte d'Opale bientôt remis au goût du jour pour la Route du poisson.