Un chef d'oeuvre architectural est actuellement en vente à Mondicourt, dans le Pas-de-Calais.
Offrez-vous une icône de l'architecture moderne pour un peu plus de 300 000 euros ! Une somme modique pour une des plus belles et des plus grandes villas construites par l'architecte lillois Jean-Pierre Watel, aujourd'hui en vente. Une condition est toutefois requise : ne pas craindre de s'isoler à la campagne. Cette maison extraordinaire est en effet située à la sortie du village de Mondicourt, entre Arras et Doullens, à la limite des départements du Pas de Calais et de La Somme. Mais le plaisir de vivre au quotidien dans une oeuvre d'art, un morceau de patrimoine, en vaut certainement la peine.
Des lignes épurées. Des volumes. De la lumière. Cette villa Watel est un plein-pied de 220 m2 posé sur un immense jardin de près d'un hectare. Trois chambres. Un bureau. Totalement atypique dans ce bout du bout de l'Arrageois. Son histoire, tout aussi étonnante, est d'abord liée à une saga industrielle : celle de la famille Ibled, de Mondicourt. Au début du XIXème siècle, Christophe Ibled crée une recette de pâte à tartiner et ouvre un atelier artisanal puis une chocolaterie dans son village natal. Une usine que son fils Henri, à partir de 1879, modernise. La marque Chocorêve est créée en 1920 et va inonder, grâce à un marketing très habile, tout le marché français. Le chocolatier du Pas-de-Calais rêve alors de conquérir le monde et de s'ouvrir à l'international. Ce qui est fait en 1973. L'anglais Rowntree-Mackintosh (Kit-Kat, Smarties, Quality-Street) entre au capital. Et c'est là que Jean-Pierre Watel entre en scène.
Car pour l'usine de Mondicourt, les Anglais affirment avoir de grands projets. Et pour diriger cette usine, il leur faut un grand directeur. Hélas, Mondicourt, village de 700 habitants, loin des villes, ne fait pas rêver. D'où l'idée de construire un magnifique logement de fonction, juste à côté de l'entreprise, pour attirer ce futur cadre dirigeant. L'architecte lillois est sollicité.
Jean-Pierre Watel est déjà très connu. Il a transféré son cabinet de Paris à Villeneuve d'Ascq pour participer au vaste chantier d'urbanisation de la ville nouvelle. Il commence à recevoir des invitations du monde entier pour dispenser des cours dans des établissements prestigieux. Il s'est fait un nom dans la haute bourgeoisie pour ses villas d'inspiration danoise, qu'il a profondément renouvelées par ses recherches. Ses maisons d'un seul niveau, largement vitrées, utilisant le bois, ont deux immenses qualités. Elles préservent l'intimité de la cellule familiale. "Plus on subit ses voisins, moins on a envie de les voir",disait-il. Et elles sont incroyablement fonctionnelles. "Je commence par dîner chez mes clients pour comprendre comment vit la famille", disait-il aussi.
"Elle est dans son jus"
En 1976, Jean-Pierre Watel dessine donc la villa de Mondicourt, la seule qu'il construira en pleine nature, avec un parc spécialement aménagé. Mais l'aventure Chocorêve est sur le point de prendre fin. Les Anglais ferment la chocolaterie en 1979. La villa est occupée durant deux ans par un des membres de la famille Ibled.
Elle est rachetée et son nouvel occupant y vivra une vingtaine d'années. Jusqu'en 2000, date à laquelle elle devient la propriété d'Eugène Mergez, décédé l'an passé. "Je connais la villa depuis que je suis gamin, raconte Dominique Mergez, agriculteur dans la commune voisine de Lucheux, qui met en vente aujourd'hui la maison de ses parents. Ma cousine y travaillait comme garde d'enfants. C'est surtout ma mère qui rêvait de cette maison. Elle y a été très heureuse. D'ailleurs, je m'en rends compte lors des visites : ce sont surtout les dames qui en tombent amoureuses."
Malgré ses 45 ans et ses différents propriétaires, la villa Watel n'a pas subi de grands bouleversements. L'esprit originel voulu par l'architecte est toujours là. "Elle est dans son jus, reprend Dominique Mergez, même si je dois reconnaitre que mon père a procédé à quelques travaux "pas très heureux". Le parc a perdu de son lustre. Mais elle garde tout son cachet. Ses placards, ses penderies, ses aménagements intérieurs d'origine sont préservés. Elle est extraordinaire."
Le souhait de Dominique Mergez, c'est qu'un connaisseur avisé en tombe lui aussi amoureux, la rachète et entame sa restauration en respectant au mieux le travail de son concepteur. Jean-Pierre Watel est décédé en 2016.