Chaque année, des centaines de personnes tentent de traverser la Manche à la nage depuis l'Angleterre jusqu'en France. L'explorateur et nageur français Arnaud Chassery revient sur cette traversée considérée comme la plus difficile au monde.
La saison de la traversée de la Manche à la nage est en cours. Chaque année, des centaines de nageurs tentent de se lancer dans cette aventure. C'est le cas de l'explorateur et nageur français Arnaud Chassery. En juillet dernier, l'auteur de A contre-courant: Traverser la Manche à la nage à la conquête de ses rêves a effectué un aller de l'Angleterre à la France. Il n'a pas pu effectuer le retour.
"Je m'étais lancé dans une tentative de double traversée mais à la quatorzième heure, mon épaule a lâché, j'avais le bras inerte, raconte-t-il. Il m'a fallu 3 heures pour faire les deux derniers milles, dont une heure et demi à 300 mètres des côtes françaises à cause des courants du Cap Gris-Nez".
Mais le nageur n'a pas tout à fait de quoi être déçu. Il peut se targuer d'avoir réussi cinq traversées de la Manche : deux fois en relais et trois fois en solitaire. Mais pour arriver à ce palmarès, il lui a fallu plusieurs années de "préparation lourde". Car la traversée de la Manche à la nage n'est pas une tâche facile, loin de là. "C'est très très très dur, insiste-t-il. Ça demande un entrainement quotidien".
L'Everest de la natation
Arnaud Chassery n'est pas le seul aventurier. A cette période de l'année, "de mai à octobre", des centaines de nageurs se jettent à l'eau. Sur Facebook, le groupe Channel Swimmers rassemble plus de 8000 personnes des quatre coins du monde. Ils y partagent leurs traversées, entrainements et conseils pour franchir "l'Everest de la natation".
La Manche détient ce surnom car elle est la traversée maritime la plus dure au monde. Turbulences, courants giratoires... "Il faut des années pour réussir à atteindre les 3km/heure" en tant que nageur, "notamment à cause des barrières de courant dues à plusieurs rivières du Nord comme l'Aa ou encore la Canche". Si la distance entre Douvres et Wissant est de 34 kilomètres, les courants allongent la traversée. "J'ai parcouru le double la dernière fois", explique Arnaud Chassery.
Pendant la saison, il y a 400 nageurs qui passent par Douvres et attendent une fenêtre météo. On ne choisit pas son jour de départ. Le pilote se fie à la météo.
Arnaud Chassery
La première traversée de la Manche à la nage a eu lieu en 1875. Depuis, "2500 nageurs y sont parvenus, comme pour le sommet de l'Everest, mais on ne compte qu'une trentaine de Français", regrette-t-il. En cause, le manque de communication de la France sur cette traversée très populaire à l'international. En effet, le pays capitalise peu dessus et, depuis 1996, les départs ne se font plus que du sens Angleterre - France, de Samphire Hoe au Cap Gris-Nez. "Officiellement, ça a été arrêté à cause du trafic maritime qui est trop dense".
Une traversée très réglementée
Aujourd'hui, ce sont deux associations britanniques, la Channel Swimming Association et la Channel Swimming & Piloting Federation qui régissent et réglementent cette traversée.
Les nageurs sont accompagnés par des pêcheurs "accrédités par une des deux associations, des pilotes anglais" et un observateur qui surveille l'état de santé et valide la traversée. Les règles sont strictes et millimétrées. "Pour valider la traversée, il ne faut pas toucher le bateau, sortir de l'eau par ses propres moyens, toucher le sable sec. Si on a encore les pieds dans l'eau, le chronomètre continue de tourner."
Tant qu'il n'est pas à une centaine de mètre des côtes, on ne sait pas où le nageur va exactement arriver. C'est une course contre la montre pour les familles et supporters pour le repérer.
Arnaud Chassery
"Une histoire d'amour avec la mer"
Mais qu'est-ce qui pousse les nageurs à se lancer un tel défi physique ? Au delà du "dépassement de soi", il existe un lien particulier, difficilement explicable et presque spirituel entre les nageurs et l'eau, qui trouve ses fondements dans "la matrice originelle de la mer".
"Même quelqu'un qui n'est pas nageur ressent un bien-être dans l'eau", constate le nageur qui ajoute que cette sensation est également partagée par les personnes en situation de handicap. "On ne sent plus son corps, ni son handicap."
Au final, cette aventure n'est pas qu'une simple traversée, "c'est un voyage initiatique", conclut Arnaud Chassery qui propose d'ailleurs le Défi des 2 Caps pour préparer les nageurs qui le souhaitent à s'entrainer ou tout simplement apprécier la mer le temps d'une traversée entre le Cap Blanc-Nez et Gris-Nez