L'épisode caniculaire de la semaine dernière, l'un des plus violents jamais relevés dans la région, a provoqué de nombreux départs d'incendie dans les champs. L'heure est désormais au bilan alors que le jeu des assurances se met doucement en place.
La semaine dernière, la Picardie subissait une vague de chaleur sans précédent, caractérisée par une alerte rouge canicule en milieu de semaine. Alors que la moisson battait son plein, les feux de champ se sont multipliés, avec parfois des conséquences tragiques.
Plus de 3700 hectares partis en fumée
Dans des conditions climatiques aussi violentes, le moindre échauffement d'une machine agricole ou la moindre étincelle peut déclencher un départ de feu et mener à la destruction de parcelles entières. Mardi 23 juillet, un feu de récolte ravageait plus de 350 hectares à Saint-Crépin-Ibouvillers, un triste record pour le département de l'Oise. Le même jour, un agriculteur était retrouvé partiellement brûlé sur son tracteur, près de Blicourt. C'est pour éviter ce genre de tragédies que le préfet de l'Oise ordonnait jeudi 25 l'arrêt immédiat des moissons, pour la sécurité des pompiers comme des agriculteurs.Incendies: En vidéo, @NadegeLefebvre, présidente de @CD_oise, ainsi qu’Eric de Valroger, président du Sdis60, reviennent sur une semaine qui restera marquée dans l’histoire de notre département.https://t.co/NuUJiFUACC @PompiersFR @SoldatsdufeuMag pic.twitter.com/GsCF3tq4wl
— SDIS de l'Oise (@SDIS60) July 29, 2019
"Chaleur, sécheresse : cette semaine, tout s'est cumulé de façon inédite", constate Nicolas Mougin, en charge de la communication du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Oise. "C'est du jamais vu." Entre le lundi 22 juillet et le vendredi 26, ce sont plus de 3 700 hectares de champs qui ont brûlé en Picardie, soit une surface équivalente à 5 300 terrains de football, mobilisant plusieurs centaines de pompiers sur environ 420 départs de feu. Des chiffres jamais vus en un laps de temps si court (seulement cinq jours).
Des indemnités selon le cours du blé
Si le traumatisme des agriculteurs est grand, ces derniers sont assurés contre ce genre de dégâts. "Nous indemnisons nos sociétaires selon la valeur estimée de leur culture, explique Denis Pype, président de Groupama dans l'Oise. On recherche d'abord la cause de l'incendie, puis on se reporte contre le responsable." Car bien souvent, le feu se propage d'une parcelle à l'autre. En revanche, pour ceux qui ont décidé de moissonner malgré l'interdiction du préfet, les choses sont plus compliquées en cas d'incendie : la responsabilité leur incombe.À partir du milieu de semaine, dès mercredi 31 juillet, les experts mandatés par l'assureur vont commencer à tourner sur les parcelles endommagées. Ces derniers vérifient si la culture était sur pied ou non avant l'incendie, c'est-à-dire si elle avait déjà été moissonnée, mesurent la surface brûlée et étudient le potentiel de la culture. "On sait qu'un hectare de blé représente environ 9 tonnes, explique Denis Pype. Ensuite on se réfère au cours des céréales pour calculer le montant de l'indemnité."
Le cours du blé, actuellement, avoisine les 170 € la tonne. Ce qui amènerait l'indemnité à l'hectare à environ 1 530 euros. Pour autant, d'autres coûts viennent s'ajouter au manque à gagner de la récolte partie en fumée. C'est le cas par exemple des carcasses des véhicules agricoles incendiés qu'il faut débarrasser des champs, nécessitant parfois l'intervention d'un prestataire.
Personne n'aurait dû travailler ce jour-là
Laurence Nourtier cultive des céréales à Monneville, dans l'Oise. Jeudi dernier, elle a perdu 24 hectares de blé. "Un voisin était en train de presser de la paille, raconte-t-elle, mais la presse a pris feu. Il a essayé de la sortir du champ, mais avec le vent, le feu s'est propagé." L'agricultrice a déclaré ses pertes à son assurance et attend désormais la visite de l'expert, mais elle sait qu'elle aura du mal à s'y retrouver financièrement. Sans compter qu'elle avait promis sa paille à un éleveur qui se retrouve bloqué à son tour."Ce sont des choses qui arrivent régulièrement, soupire la cultivatrice. Je ne pense pas connaître d'agriculteur qui n'ait jamais vu une machine chauffer ou un peu de fumée s'échapper de son tracteur." Pour éviter au maximum les accidents, les agriculteurs entreposent donc de l'eau dans leur machine, pour réagir tant qu'il est encore temps. Mais ça ne suffit pas toujours.
?? #canicule #feux
— SDIS de l'Aisne (@Sdis02) July 27, 2019
Le mercure est en baisse mais l’activité des sapeurs-#pompiers de l’#Aisne reste élevée
Jeudi 25.07
? 2️⃣8️⃣ inters pour sécuriser et protéger les terres agricoles
6️⃣2️⃣ engins et 3️⃣1️⃣2️⃣ pompiers engagés
Vendredi 26.07
? 2️⃣2️⃣ inters autour des même moyens pic.twitter.com/gzM2HwDZA6
"Personne n'aurait dû travailler ce jour-là, explique la productrice de blé. Nous on est restés au frais, c'était trop dangereux, mais on comprend aussi nos voisins." Car le problème est plus complexe qu'il n'y paraît : avec les orages annoncés à partir de vendredi soir, beaucoup d'agriculteurs ont choisi de prendre le risque de moissonner, plutôt que de laisser leur production se dégrader au contact de la pluie. "Le plus éprouvant, c'est de voir le travail d'une année partir en fumée, confie l'exploitante qui travaille en agriculture raisonnée. Le feu détruit tout le biotope, les insectes et le gibier."
Préparer l'avenir
Une fois l'émotion de la semaine retombée, les agriculteurs de l'Oise ont tenu à adresser un courrier aux pompiers. Par l'intermédiaire de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs (deux des principaux syndicats de la profession), ils ont remercié "tous les sapeurs pompiers de l'Oise" pour "leur dévouement" lors de cette semaine "particulièrement intense et éprouvante". Les céréaliers ont également réaffirmé leur soutien au pompier blessé au visage lors d'une intervention le 23 juillet."Ce genre d'épisode climatique est amené à se répéter, concède Nicolas Mougin du SDIS de l'Oise. Tout le monde en est conscient." C'est pourquoi tous les acteurs du terrain se réuniront à la mi-septembre à l'invitation du préfet pour mettre en place une procédure pour les années à venir. Agriculteurs, pompiers, gendarmes et assureurs prépareront à tête reposée la récolte 2020.