La caverne du dragon ou Drachenhöhle, comme les Allemands l’ont appelée, est un lieu singulier. Français et Allemands ont vécu côte à côte, séparés par l’épaisseur d’un mur. La caverne était un refuge tout relatif. En effet, cette ancienne carrière se trouvait sous le champ de bataille, au chemin des Dames.
Avec la guerre de position, les armées s’enterrent, au sens propre et les carrières de l’Oise et de l’Aisne sont des abris prisés. Une vie de garnison s’y organise : on fait la popotte, les artistes s’adonnent même à la sculpture. Mais, ici, ils n’ont pas eu le temps de laisser leur marque délicate. La caverne est située au cœur de la bataille. Les Allemands l’ont prise en 1915 et aménagée en forant un tunnel vers l’arrière de leur ligne, en installant le téléphone et l’électricité. L’abri peut accueillir jusqu’à 600 hommes. Un siècle plus tard, les traces de leur passage sont toujours visibles : bouteilles de bière ou des pots de confiture de cerise jonchent le sol.
Le 16 avril 1917, quinze mille tirailleurs sénégalais se lancent à la conquête du chemin des Dames. La force noire, chère au général Mangin, est prise à revers par des Allemands sortis de la caverne du dragon. Celle-ci devient la cible des Français. Ses défenseurs construisent des murs, pour se protéger des assauts et des gaz. En juin, les Poilus en conquièrent une partie et 300 Allemands se rendent.
La propagande évoque ces captifs qui lèvent leur calot avec joie, en criant « la guerre est finie ». Mais leurs camarades se cachent encore sous la terre. La salle commune est transformée en cimetière par un ennemi qui ne pouvait pas évacuer les corps. Le combat se poursuit, les deux camps s’épient. Cette guerre des nerfs durera jusqu’en novembre. Les Allemands évacuent alors le chemin des Dames. Ils reviendront en 1918.
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