Liancourt (60): le personnel soignant sous tension

Jeudi dernier, les soignants de la prison de Liancourt dans l'Oise avaient exercé leur droit de retrait après des menaces proférées par des détenus à l'encontre d'une infirmière. Depuis, ils refusent d'aller seuls dans les cellules pour distribuer les médicaments.

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Et ce sera comme ça tant qu'un médecin ne sera pas nommé à temps plein au centre pénitentiaire de Liancourt (60).
Jeudi dernier, l'une des infirmières est verbalement agressée "très violemment" par un détenu alors qu'elle intervient dans sa cellule: il réclame qu'un dentiste lui soigne un mal de dents qui le tenaille depuis plusieurs semaines.


Un médecin à la retraite pour 900 détenus

Car il n'y a ni médecin ni dentiste à Liancourt (60). Enfin, oui et non: il y a bien un médecin dans l'équipe médicale. Mais il n'est au tableau de service qu'à mi-temps. Il s'agit d'un médecin généraliste à la retraite, plutôt au fait des missions humanitaires. Agé de 77 ans, il est peu habitué à la population carcérale et à ses pathologies spécifiques. 
Depuis la démission du dernier titulaire au printemps dernier, le Centre hospitalier de Creil, en charge des équipes médicales de la prison, bouche les trous de planning en faisant appel à des libéraux. Mais personne ne veut venir exercer au centre pénitentiaire.

Situation identique pour le dentiste: le professionnel en poste ne vient que 3 demies journées par semaine. En ce moment pour un rendez-vous, les détenus doivent attendre fin octobre. Comme beaucoup de patients en Picardie, certes. Mais en prison, on n'en est plus à la simple carie: selon nos sources, beaucoup de prisonniers sont d'ex-toxicomanes et ont une dentition dans un état "lamentable et qui les fait terriblement souffrir" du fait de leur ancienne addiction.

Pour soigner près de 900 détenus, c'est peu. Les soins sont donc assurés par 8 infirmières, employées par le Centre Hospitalier de Creil. Un contingent renforcé de 6 infirmiers psychiatriques, venus de l'Hôpital psychiatrique de Clermont-de-l'Oise.


Une administration pénitentiaire qui subit tout autant la situation

Résultat: les infirmières n'ont pas d'autre choix que prendre des décisions ou de faire des gestes de soin qui dépassent leurs compétences. Elles se retrouvent également en 1ère ligne lorsque la tension monte chez les détenus: depuis le départ du médecin au printemps, la situation s'est largement dégradée. "Les prisonniers deviennent violents parce qu'ils souffrent physiquement...pas du tout à cause des conditions de détention".

Ce climat sanitaire est épuisant pour les personnels soignants dont beaucoup sont à bout de force: physiquement, nerveusement et moralement. Aucun ne met en cause ni le milieu carcéral ni l'administration pénitentiaire qui subit elle aussi la situation. Tout comme les détenus dont les conditions de soins sont "inadmissibles".

La direction de la prison a consenti aux revendications des soignants: ils ne sortiront plus seuls de l'infirmerie. Depuis la dernière agression, un surveillant les accompagne dans les bâtiments de détention. Mais cela complique le travail de tous.

La solution ne peut venir que du centre hospitalier Laennec de Creil: c'est lui qui est en charge du personnel soignant de la prison et donc du recrutement des médecins.


Les médecins de l'hôpital en dépannage

Les infirmières de Liancourt ont donc alerté leur direction sur la situation. Au CH Laennec, c'est le Dr Gérard Mayer qui nous a répondu. Et le chef du pôle urgence et réanimation auquel est rattachée l'UCSA (unité de consultation et de soin ambulatoire) de la prison confirme ces problèmes de recrutement.

Pour 800 détenus, les quotas légaux de médecins sont de 2 à 2,5 équivalents temps plein, soit 4 à 5 praticiens. Depuis plusieurs années, l'UCSA fonctionnait avec 3 médecins à temps partiel. Soit 1,5 temps pleins. Ce qui était déjà en dessous des quotas.
Mais début 2013, les médecins démissionnent les uns après les autres. Point d'orgue, le mois de mars et le départ du dernier médecin...

Un mi-temps est alors recruté au pied levé. Mais le nouveau titulaire a du prendre ses congés. Résultat: la crise s'est aggravée...Et d'autant plus que le recrutement est difficile en été.
Le Dr Mayer a recruté "en attendant" le médecin libéral de 77 ans et complète le tableau de service de l'UCSA avec des médecins du CH en dépannage. Chaque jour, il y a donc un médecin le matin et un l'après-midi à Liancourt jusqu'au retour du statutaire: "la permanence des soins n'a jamais été interrompue".


L'ARS a acté 2 équivalents temps plein

Mais avec tous ces ajustements, les consultations ont pris du retard et la tension est montée parmi les détenus. "On a même fait appel à des sociétés d'intérim...mais même dans les sociétés d'intérim, on ne trouve pas de généraliste pour aller dans les prisons...", selon le Dr Mayer.

"L'inquiétude des soignants de l'UCSA est légitime, on la comprend très bien: le gériatre qui nous a dépanné la semaine dernière a été impressionné par l'ambiance, concède le Dr Mayer. J'avoue que c'est difficile parce qu'il y une conjugaison de facteurs: pénurie de médecins en France, pénurie de médecins en Picardie, pénurie de médecins en été, pénurie de médecins pour la pénitentiaire. Mais on n'a pas cessé de s'en préoccuper depuis le mois de mars"

Lundi, une réunion avec l'ARS a permis de débloquer un poste de préparateur en pharmacie et une 2ème vacation de dentiste. L'Agence Régionale de Santé s'est par ailleurs engagée à mettre en place 2 médecins équivalents temps plein à Liancourt, soit 4 praticiens à temps partiel: pour des raisons psychologiques, les médecins de pénitentiaire ne font pas des journées entières.
Mais encore faut-il trouver des candidats....







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