Que s'est-il passé dans la 2ème circonscription de l'Oise ? Par Joël Gombin

Joël Gombin, doctorant en sciences politiques au CURAPP, à l’Université de Picardie-Jules Verne à Amiens, analyse les résultats du 2nd tour de la législative partielle dans la 2ème circonscription de l'Oise.

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Le second tour de l’élection législative partielle, dans la 2e circonscription de l’Oise, s’est déroulé ce dimanche 24 mars, et mettait face-à-face Jean-François Mancel, député UMP sortant (et élu pour la première fois en 1978), et Florence Italiani, candidate du Front national. La candidate socialiste, Sylvie Houssin, avait été éliminée dès le premier tour, faute de n’avoir ni été dans les deux premiers candidats, ni dépassé les 12,5 % des inscrits (un score très difficile à atteindre dans une partielle).

Contrairement à toute attente, la candidate du FN a mis le baron de l’UMP en danger, en atteignant 48,6 % des suffrages exprimés. Entre les deux tours, dans un contexte de légère progression de la participation (+ 3 points), elle gagne presque 6000 voix – une performance remarquable.
La question se pose alors clairement de savoir d’où sont venues ces voix. Avant même que les résultats détaillés ne soient diffusés, les lectures politiques s’opposaient : pour la droite, ces voix étaient venues des électeurs socialistes (il est vrai que, à rebours de la direction nationale du PS, Sylvie Houssin avait refusé d’appeler à voter Mancel contre Italiani) ; pour la gauche, au contraire, elles proviennent de la mobilisation d’abstentionnistes du premier tour et/ou d’une surmobilisation des électeurs frontistes.

Pour en avoir le cœur net, j’ai analysé les résultats par communes. Heureusement, la deuxième circonscription de l’Oise compte 196 bureaux de vote (pour 175 communes), mes estimations des reports de voix entre les deux tours. Il se lit en ligne : ainsi, environ 43 % des électeurs de Sylvie Houssin auraient voté Florence Italiani au second tour.

On le voit, la thèse d’un report des électeurs socialistes sur la candidate frontiste trouve ici des éléments de confirmation. Entre 40 et 45 % des électeurs socialistes ont voté pour Florence Italiani – et il faut remarquer que cela semble se vérifier dans toutes les communes de la circonscription. Pour le reste, ces électeurs socialistes se sont répartis équitablement entre abstention, vote blanc ou nul et vote Mancel (environ 20 % pour chaque).
Ce qui est remarquable, c’est que les reports ne sont aussi importants pour aucun autre électorat (en dehors de celui de Florence Italiani elle-même, naturellement ; j’y reviendrai). Parmi les électeurs du Front de Gauche, en particulier, le report ne s’élèverait qu’à 15 %.

Reste à estimer le poids de chacun des apports dans l’électorat de second tour des différents candidats. C’est ce que fait le tableau suivant, qui exprime ces reports en nombre de voix. On voit ainsi que sur les 13000 et quelques voix que recueille Florence Italiani au second tour, environ 2500 proviennent des électeurs de Sylvie Houssin, environ 2000 de ceux de Jean-François Mancel (l’impact de la mise en examen de Nicolas Sarkozy ?), et presque 3500 d’électeurs qui s’étaient abstenus au premier tour. Tout le monde a donc un peu raison : la progression de la candidate frontiste provient aussi bien d’une meilleure mobilisation de son électorat potentiel que de transferts, non seulement d’électeurs socialistes, mais aussi UMP.



À l’inverse, il convient de noter que Florence Italiani ne fixe qu’une part relativement médiocre de son électorat de premier tour au deuxième (environ 65 %). Pour le reste, les électeurs ayant choisi le FN au premier tour se sont notamment portés sur Jean-François Mancel (environ 1800 voix) : il s’agit sans doute là d’une fraction « radicalisée » de la droite qui a voulu donner un avertissement à l’UMP (et au gouvernement) au premier tour, mais a rejoint son candidat naturel au second tour. Toujours est-il que, si tous ses électeurs de premier tour l’avaient soutenue au second tour, Florence Italiani serait la nouvelle députée de la seconde circonscription de l’Oise…

Cet exercice vaut ce qu’il vaut. Il n’a pas valeur de certitude, mais il indique des tendances. Il indique, en tout cas, qu’il n’existe pas – dans ce cas d’espèce en tout cas – de frontière étanche entre un électorat socialiste et des candidats frontistes, comme on l’a longtemps cru, et que le FN possède désormais une réelle capacité de mobilisation au second tour. On avait déjà pu le vérifier lors des cantonales de 2011, en PACA en particulier. Si ces dynamiques se confirment durant le cycle électoral 2014-2015, elles pourront faire très mal à gauche comme à droite. Il est sans doute temps que la gauche arrête de penser que le Front national, c’est le problème de la droite – sans quoi elle risque de perdre, un jour, et les élections, et son honneur.


Retrouvez les analyses de Joël Gombin sur son blog.

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