Visite Le Pen et Macron à Whirlpool : sans les élections, "on serait tout seuls"

Les salariés de l'usine Whirlpool d'Amiens, promise à la fermeture en 2018, oscillaient mercredi entre la colère de voir leur combat "récupéré" par les deux candidats à la présidentielle et la satisfaction de pouvoir faire entendre leur désespoir.

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Le calme a d'abord régné dans la matinée sur le piquet de grève devant l'usine, où une vingtaine des 286 salariés de Whirlpool-Amiens gardaient les barricades et le chapiteau qu'ils avaient installés depuis le début de leur mouvement, lundi.

"Ca va faire comme Koh-Lanta, faut sauver le feu !", s'exclamait alors Myriam, déclenchant l'hilarité générale autour de pneus consumés par les flammes. Ce "feu" de l'espoir, les ouvriers avouent avoir bien du mal à l'entretenir depuis l'annonce en janvier de la délocalisation de leur usine de sèche-linge en Pologne.


Retour sur la visite des deux candidats, E. Macron et M. Le Pen, à Amiens, le 26 avril. ©France 3 Hauts-de-France


"Tout ce qu'on veut, c'est que ça fasse parler de nous"


La journée de mercredi, avec la venue planifiée d'Emmanuel Macron puis celle, à l'improviste, de Marine Le Pen, accompagnée de nombreux militants frontistes, leur donnait une occasion de se faire entendre, mais laissait aussi la désagréable impression d'être instrumentalisés.


"Si on n'était pas dans l'entre-deux-tours, on serait tout seuls comme des clochards, c'est de la récupération politique", dénonce Aurélie, la quarantaine, juste après la visite de la candidate du Front national. "On sait bien que d'ici deux semaines, y aura plus personne", renchérit Franciane, 53 ans dont 25 passés dans l'usine. "C'est pas aux caméras qu'il faut parler, c'est à nous !", proteste un salarié, la cinquantaine, dans la cohue et la bordée de sifflets qui entourent l'arrivée de M. Macron.

"Tout ce cirque, on s'y attendait. Mais nous, tout ce qu'on veut, c'est que ça fasse parler de nous", "pour faire prendre conscience des dommages collatéraux des licenciements sur nos familles", confie Christophe, philosophe. De ce jeu politico-médiatique, "on en joue aussi", admet Patrice Sinoquet, délégué CFDT et secrétaire du CHSCT de l'usine.

Le Pen a marqué des points


Agnès, 48 ans, est encore toute chamboulée de voir les deux derniers candidats en lice à l'élection présidentielle se succéder sur le modeste parking de l'usine. "Ca fait très bizarre... On est contents que Marine soit venue, par contre, Macron on veut pas le voir !", s'exclame-t-elle.

La candidate du FN est plus crédible aux yeux de beaucoup de salariés. "On n'attend rien de Macron. Il a fait partie du gouvernement et est fautif sur les délocalisations", "aidées par le CICE", le Crédit d'impôt compétitivité emploi, lance Chantal, 58 ans, les yeux baissés vers ses deux chiens de la race Husky. Elle et ses deux amies, Isabelle et Katia, 20 ans d'ancienneté, sont choquées du timing de la visite, et par le fait qu'Emmanuel Macron n'ait d'abord pas prévu se déplacer sur le site de Whirlpool avant de se raviser, une fois Marine Le Pen venue.


"Comme on n'est que des illettrés, il peut pas nous parler. Il voulait pas salir son costard !", lâche Katia. "Celui qu'on peut pas se payer, parce que nous, on travaille pas...", ironise avec amertume Chantal, faisant référence à des formules d'Emmanuel Macron, lorsqu'il était ministre, qui avaient fait couler beaucoup d'encre.

"Ca me fait marrer, Marine Le Pen a eu les couilles de venir tandis que Macron c'est le trouillard qui s'est dit Je vais pas voir tous ces guignols", ajoute Antoine Abrunhosa, délégué CGT, qui a refusé de se déplacer à la Chambre de commerce pour le rencontrer avec le reste de l'intersyndicale. C'était avant que le candidat d'En Marche ! prenne le chemin de l'usine. "Aujourd'hui, en venant directement sur le parking, Marine Le Pen a marqué des points auprès des salariés", estime le syndicaliste.


De nombreux salariés disent avoir prévu de voter pour la candidate d'extrême droite, tandis que beaucoup d'autres évoquent le vote blanc.

Emmmanuel Macron représente à leurs yeux les carences de l'Europe. Joël explique : "Les salariés en Pologne, c'est 450 euros, nous c'est 1.500. Quand on veut l'Europe, il faudrait tout le monde pareil!"
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