Les opposants à l'élevage à grande échelle, qui font aujourd'hui leur troisième "Fête anti-mille vaches" à Drucat (80), reprochent à l'exploitation de tirer les prix vers le bas et de tuer les agriculteurs. Son gérant pense au contraire qu'il crée de l'emploi et représente l'avenir de l'agriculture.

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130 personnes ont participé, ce dimanche 11 septembre au matin, à une marche vers la "ferme des mille vaches" de Drucat, dans la Somme. Le début d'une journée de "festivités combatives" organisée pour la troisième fois dans le village par l'association Novissen, les militants opposés à cette structure qui accueille aujourd'hui entre 600 et 900 vaches laitières. En fin de matinée, une "stèle de la résistance" à l'élevage industriel a été inaugurée (mais vite retirée - c'était pour le symbole), avant un repas "tiré du sac" à 12h30.

Environ 300 personnes étaient attendues par la police cet après-midi, pour notamment une conférence sur le thème "élevage industriel, comment en sortir ?" avec Fabrice Nicolino, journaliste spécialiste des questions d'écologie à Reporterre. Présente également "à titre personnel" : Barbara Pompili, ministre de la Biodiversité.


Une lutte contre la surproduction laitière


C'est en avril 2011 que le projet de Michel Ramery, à l'origine de l'association d'éleveurs derrière la ferme des mille vaches, était apparu au grand jour, sous les yeux notamment du maire de Drucat, invité à visiter - avec d'autres personnalités - une exploitation allemande de 800 vaches dotée d'un méthaniseur. Ceci quelques mois avant l'ouverture d'une enquête publique portant sur le projet de Drucat... immédiatement critiqué par des militants locaux et nationaux.

Ce qu'on a dit il y a 5 ans, on en voit le résultat aujourd'hui.






Aujourd'hui, entre autres critiques, la "ferme des mille vaches" est accusée de nourrir la crise du lait. "Tout ce qu’on dénonce depuis 5 ans se révèle vrai, estime Michel Kfoury, président d'honneur (fondateur) de Novissen. C'est la crise de la sur-production. C'est sûr, il y a aussi le manque de consommation de lait, le marché international qui n'est pas favorable en ce moment,... mais il y a aussi la fin des quotas. Et la fin des quotas, c'est cette ferme-là, c'est la surproduction."

"Ces fermes-usines surproduisent et font baisser le prix du lait, confirme le président de l'association, Francis Chastagner. Nous, on est derrière les petits éleveurs, qui peuvent sauver l’agriculture française."

Réalisé par Emilie Montcho et Jean-Louis Crocy. Intervenants : Francis Chastagner, Président de l'association Novissen ; Karima Delli, Députée européenne EELV ; Michel Welter, Directeur de la ferme dite des 1000 vaches ; Barbara Pompili, Secrétaire d'Etat à la biodiversité.

L'exploitant défend sans relâche son modèle


Michel Welter est habitué. Le directeur d'exploitation de la ferme supporte les critiques et les actions militantes. Aujourd'hui, il n'était pas d'astreinte, mais il est venu à la ferme, vu l'événement. Les deux parties n'ont pas essayé de se parler ce matin. En revanche, Michel Welter nous a répondu.


Après avoir balayé les critiques récurrentes sur les nuisances - "il n'y en a pas" - et le traitement des bovins - "ceux qui ont visité sont surpris de l'ambiance et du calme des animaux" -, l'exploitant prévient : "Tout autour de nous, il y a des pays qui produisent plus de lait. Le consommateur veut des produits identifiés qualité etc... mais il a aussi besoin qu'une partie de sa nourriture ne soit pas chère, donc produite à grande échelle. Si on ne le fait pas en France, ce sont les Allemands et les Belges qui vont le faire.

Le consommateur a besoin qu'une partie de sa nourriture ne soit pas chère, donc produite à grande échelle.


Vendredi 9 septembre, des éleveurs de la Confédération paysanne et de syndicats belges avaient déversé 23.000 litres de son lait, en ouvrant les vannes d'un camion qui livrait en Belgique. Là-bas, le lait se vend à environ 200€ la tonne, contre 257€ en France au mois de juillet et 300€ prévu à la fin de l'année selon l'accord récemment trouvé entre la FNSEA et le groupe Lactalis.

[Le porte-parole de la Confédération paysanne], il détruit de l'emploi !


"C'est un scandale, c'est inadmissible de jeter de la bouffe comme ça", réagit aujourd'hui Michel Welter. Il affirme que, comme tous les éleveurs, lui aussi voudrait "le meilleur prix possible". S'il travaille avec une laiterie belge, c'est dit-il à cause de ses adversaires en France : "Vu la mauvaise image que certains ont donné de la ferme, des laiteries françaises m'ont dit qu'elles craignent pour leur propre image" si elles achetaient du lait des "mille vaches". La laiterie belge craindrait moins la polémique.

Et Michel Welter contre-attaque. Il cible Antoine Jean, son plus grand opposant, porte-parole de la Confédération paysanne. "Ce type, il a 30 hectares, 40 vaches, 60 chèvres, il fait du petit fromage qu'il vend sur le marché, tout seul. Moi je pense qu'il détruit de l'emploi", lance Michel Welter. A l'inverse, il souligne que "25 personnes bossent à la ferme", qui plus est, sans recevoir aucune subvention de l'Etat.

Une troisième voie ?


La première de Dimanche en politique, nouveau rendez-vous sur France 3 Picardie chaque dimanche à 11h30, était consacrée aujourd'hui à la crise agricole et à l'avenir des éleveurs picards. le porte-parole du groupe Lactalis - plus grand groupe laitier et fromager au monde - était sur notre plateau. Cela peut paraître étonnant, mais il ne défend pas tellement la ferme des mille vaches.

"Il y a une vraie surproduction, essentiellement en Europe", confirme Michel Nalet. Dans ce contexte, la "ferme des mille vaches" n'est "probablement pas le modèle vers lequel la France va tendre", estime le porte-parole, qui ajoute : "Il y a peut-être une marge entre des exploitations qui ont 20 ou 30 vaches et le modèle à 1000 vaches."

Extrait de l'émission "Dimanche en politique" diffusée le 11 septembre sur France 3 Picardie.

Etant donné qu'actuellement, avec une agriculture française très familiale, seulement 10% des exploitations ont plus de 100 bêtes, Lactalis s'attend à "des réorganisations" dans les prochaines années, des concentrations, simplement pas au niveau de celle opérée à Drucat.

Mais pour Michel Welter, la vie n'est pas tenable pour les exploitations de taille moyenne : elles sont trop petites pour faire des économies d'échelle et trop grandes pour vendre leur production à la clientèle attirée par l'authenticité des petits producteurs, les circuits courts ou le bio.

Le symbole des Mille-vaches ne doit donc pas faire oublier qu'il y existe plusieurs modèles d'agriculture et qu'un débat légitime mérite d'être mené en France, sous l'impulsion des professionnels et des élus politiques. Espérons qu'il le sera en vue des élections présidentielle et législative de 2017.
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