Attirés par les avantages fiscaux promis par différents dispositifs, de plus en plus de Français investissent dans du logement neuf. Mais ces propriétaires sont parfois confrontés à des malfaçons qui rendent les logements difficilement habitables comme c'est le cas à Amiens.
"Une porte qui ferme mal, on se bat avec la serrure six fois par jour. On n'est pas en sécurité, on sait que n'importe qui peut rentrer, s'agace Christelle Plumenail. C'est épuisant au quotidien, parce qu'on l'a sous les yeux". Elle avait pourtant été séduite par le nouveau quartier de la Zac Intercampus à Amiens, un projet s’étalant sur plus de 80 hectares et qui doit accueillir 1 900 logements d’ici 2030, selon le promoteur Nexity qui lui a vendu son logement.
Des problèmes insolubles
Christelle Plumenail n'est pas un cas unique. De nombreux propriétaires de logements neufs de la Zac Intercampus font face à des malfaçons. Il y a deux ans, Kévan Le Dévéhat a investi avec sa compagne 235 000 euros pour une maison de 90m2, un projet en apparence idéal pour le couple : "On avait hésité entre une amiénoise [ndlr : habitations standardisées caractéristiques d'Amiens construites entre 1850 et 1914] qui nécessite beaucoup de travaux et une maison neuve, en se disant que, comme on est tous les deux très pris, ce sera le meilleur choix. Et au final, on se retrouve empêtrés dans des problèmes insolubles". De quoi nourrir une grande amertume chez ce primo-accédant.
Face aux critiques, le groupe Nexity renvoit la responsabilité aux entreprises sous-traitantes : "On a une obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage. Les demandes ont été faites de notre côté auprès des entreprises". Une réponse qui ne satisfait pas Christelle Plumenail : "Ils jouent la montre."
Pot de terre contre pot de fer
Thierry Favrez partage ce sentiment du pot de terre contre le pot de fer. Il a constitué un collectif avec d'autres propriétaires d'une résidence neuve construite à la place d'une ancienne maternité dans le quartier Henriville à Amiens.
Livrés il y a quelques mois seulement, avec deux ans de retard, certains logements, dont les deux de Thierry Favrez, présentent plusieurs dégâts déjà apparents : inondations dans des salles de bain, les couloirs, le parking, fuites d'eau dans une gaine technique, plafonds endommagés, refoulement dans des sanitaires etc.
Des propriétaires désabusés
Mais le promoteur, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions, fait la sourde oreille, selon Thierry Favrez : "Silence radio, pas un centime de dédommagement, rien. Ils se foutent de nous".
Les propriétaires se retrouvent pourtant dans des situations financières compliquées. Sur ces deux appartements, Thierry Favrez ne peut en louer qu'un seul, le second n'ayant pas de douche utilisable : "Vous avez votre prêt à payer, vous n'avez pas de rentrée d'argent. Quand vous mettez un locataire, il vous appelle sans cesse. Je fais en sorte de réduire le loyer pour des problèmes que je n'ai pas causés, qui sont uniquement le fait du promoteur". Dans cette histoire, il affirme avoir déjà perdu 15 000 euros. "Si c'était à refaire, je n'investisserais pas", avoue-t-il désabusé.
Les effets pervers de la loi Pinel
A Henriville, les investisseurs lésés se sont unis pour se faire entendre, mais dans la plupart des cas, les propriétaires ne se connaissent pas, ne se voient pas : "Lors des réunions de syndic, les propriétaires ne sont pas sur place, ils peuvent être dans un autre département, une autre région de France, explique Anne-Marie Guiziou, co-présidente du comité de quartier de la Zac Intercampus.
Une situation causée selon elle par les dispositifs incitatifs à l'investissement locatif, notamment la "loi Pinel" qui offre une possibilité de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu pour une durée minimale de six ans. Les logements sont achetés souvent via internet et loin de sa résidence principale. "Comme les propriétaires ne sont pas représentés, on n'atteint pas le quorum pour qu'il se passe quelque chose. (...) Il y a des propriétaires qui ne sont pas au courant des problèmes qui existent dans leurs appartements, car les gestionnaires ne font pas remonter les problèmes des gens".