Des sénateurs du Nord veulent une loi qui interdit notamment l'achat des cartouches par des mineurs. La région est de loin la plus touchée par le phénomène.
Meilleur allié des chantilly aériennes, le protoxyde d'azote, gaz utilisé dans les siphons de cuisine, est de plus en plus détourné de son usage culinaire par les jeunes, pour ses effets euphorisants, au point que les sénateurs veulent légiférer. Une proposition de loi à l'initiative de la sénatrice centriste Valérie Létard et de sept autres sénateurs du Nord, département particulièrement touché par cette pratique en nette augmentation, est ainsi à l'ordre du jour du Sénat mercredi.
Elle sera examinée lors d'une "niche" du groupe Union centriste, mais elle a été cosignée par une centaine d'élus de tous bords. "Nous sommes au début d'un phénomène qui risque de se répandre", souligne Mme Létard, qui plaide pour la mise en place d'"un arsenal législatif pour limiter les dérives, même si on sait que ce n'est pas parfait".
Tous mes remerciements pour cette belle unanimité au sein de la commission des affaires sociales du @Senat qui a adopté hier notre proposition de loi sur le #protoxyde d’azote. Je salue le travail de la rapporteure, @JocelyneGuidez, qui a porté et utilement complété le texte
— Valérie Létard (@valerieletard) December 5, 2019
1/2
Très facilement accessible dans le commerce, le protoxyde d'azote, ou encore "proto", se vend sous forme de cartouches de siphon à chantilly. Il est aussi utilisé en milieu hospitalier pour ses propriétés anesthésiques et anti-douleur, où il est connu sous le nom de gaz hilarant. Dans son usage détourné, le gaz que contiennent les cartouches est déversé dans un ballon de baudruche et quelques inspirations provoquent un fou rire irrépressible.
Il y a 15 jours, les autorités sanitaires françaises se sont alarmées d'une "augmentation des cas de troubles neurologiques graves" liés à un usage "récréatif" du gaz hilarant. Depuis le début de l'année, "25 signalements d'effets sanitaires sévères" ont été enregistrés, dont 10 cas "graves avec des séquelles pour certains", comme des paralysies des membres à des degrés divers. Huit de ces cas graves ont été recensés dans les Hauts-de-France.
En Grande-Bretagne, où le phénomène est plus ancien, "plus de 30 morts ont été enregistrés depuis 2001", souligne Mme Létard. Pour le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildeca), Nicolas Prisse, "il est urgent de débanaliser cet usage qui, depuis deux ans, touche de plus en plus de jeunes qui n'ont pas conscience des risques encourus".
"Pas de quoi faire rire"
"Il faut en finir avec la notion de gaz hilarant, car ses effets sur la santé n'ont pas de quoi faire rire", souligne aussi la rapporteure du texte, Jocelyne
Guidez (centriste). La mesure phare est l'interdiction de la vente de ce gaz aux mineurs, y compris sur les sites de commerce en ligne. Les industriels auraient en outre l'obligation d'indiquer sur l'emballage la dangerosité du produit.
La proposition de loi adoptée en commission prévoit aussi de pénaliser l'incitation d'un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs. Aujourd'hui les cartouches sont vendues sans aucune restriction dans les grandes surfaces comme sur internet. Un site de vente en ligne propose sur la même page les accessoires ad hoc : ballons ou même une bouteille de gaz hilarant pour "un gonflement plus rapide des ballons" qui sont "offerts".
L'alerte a été donnée par l'Association des maires du Nord, raconte Valérie Létard. Le "premier signal" a été le nombre grandissant de capsules métalliques vides retrouvées sur la voie publique. A Loos, commune limitrophe de Lille, ce sont 100 kg de ces cartouches qui sont ramassées chaque mois.
L'Office français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a identifié une utilisation festive, notamment dans les "soirées étudiantes". Mais les élus pointent aussi une consommation chez les jeunes ados, lycéens voire collégiens. D'où la crainte que le gaz hilarant soit "une porte d'entrée dans les consommations addictives".
Parmi les risques immédiats encourus, les autorités sanitaires citent les brûlures par le froid à l'expulsion du gaz, pertes de connaissance, asphyxie par manque d'oxygène... Une utilisation régulière ou à forte dose peut entraîner "atteinte de la moelle épinière, carence en vitamine B12, anémie, troubles psychiques".