Révélations sur des milliers de graffitis dans les souterrains de Naours

Cent ans après la Première Guerre mondiale, un archéologue a découvert des milliers de graffitis de soldats dans des souterrains de Naours, proches du front de la bataille de la Somme, visités comme un lieu de distraction au milieu de l'enfer. Le grand public va pouvoir les observer.

"LR Blake lieut 105t How Btry 7-1-17", peut-on décrypter à la lampe torche, sur l'une des parois de ces souterrains, un dédale de quelques km creusé dans la craie. Traduire: Leslie Russel Blake Lieutenant 105e Howitzer Battery (batterie d'obusier), 7-1-1917.

Deux mille huit cents inscriptions comme celles-ci ont été recensées dans ces anciennes carrières connues pour avoir servi de refuge durant la guerre de Trente ans (1618-1648), et 150 d'entre elles ont déjà été "identifiées avec certitude", affirme Gilles Prilaux, archéologue de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) à l'origine de cette découverte.

Presque invisibles, car très peu éclairés, ces graffitis tracés par les soldats à la mine de crayon sont généralement composés "d'une signature, d'une date, d'une ville d'origine, de l'unité de rattachement et parfois d'un matricule" et sont "majoritairement le fait d'Australiens, mais aussi d'Américains, de Britanniques, de quelques Néo-Zélandais et Canadiens, et de rares Indiens", détaille ce spécialiste.

Une fois l'inscription déchiffrée, il tente d'en identifier les auteurs grâce notamment au site des archives nationales australiennes: Leslie Russel Blake est ainsi né en 1890 dans la banlieue de Melbourne, est mort en octobre 1918 sur le front, touché par un éclat d'obus. Il était géologue de formation. "L'identification est un travail très addictif!", lance, passionné, l'archéologue.

Il est arrivé dans les souterrains de Naours en 2014 avec pour objectif initial de préciser les datations du site. Mais très vite, il découvre cette concentration de graffitis, qui n'avaient, jusque-là, jamais été mis au jour. Commence alors un travail de fourmi: inventorier toutes les signatures, les photographier et les identifier.

"Grande découverte"

L'une d'elles sera décisive: celle du soldat William Joseph Allan Allsop datée du 2 janvier 1917. "La clé", selon l'archéologue, de la compréhension de cette concentration d'inscriptions, car son identification "a permis de retrouver le journal de guerre d'Allsop où il raconte qu'il est venu avec plusieurs camarades ce jour-là visiter les cavernes de Naours", prouvant, selon le chercheur, que les souterrains constituaient un lieu touristique pour les soldats.

"Quand je suis arrivé en 2014, on racontait que ces souterrains avaient servi d'hôpital pendant la Première Guerre, mais en fait, les soldats stationnés dans le secteur visitaient les souterrains pour se distraire, loin du tumulte du champ de bataille", poursuit Gilles Prilaux, affirmant avoir regroupé "quatre témoignages" corroborant cette nouvelle interprétation.

"Les combattants passaient entre 15% et 20% de leur temps en première ligne, il fallait occuper les troupes pendant leur temps libre et on a découvert que la visite de la cité Naours faisait partie des activités proposées aux soldats pour les distraire, c'est une grande découverte", dit encore l'archéologue, originaire de la ville.

Des graffitis bientôt visible depuis l'Australie

"Très vite, la question a été ensuite de savoir comment valoriser ces inscriptions tout en les protégeant", raconte Matthieu Beuvin, le directeur du site, qui a accueilli 45.000 personnes en 2015, dont 40% d'Anglais pour visiter ces labyrinthes.

Les deux hommes ont décidé de laisser bruts ces graffitis, sans protection, et de les présenter au grand public uniquement sur quelques espaces. "Les inscriptions ont toutes été inventoriées, photographiées et une modélisation de la cité sera prochainement mise en ligne, tout comme les fiches d'identité de leurs auteurs. Ainsi, on pourra voir les graffitis depuis l'Australie", précise le directeur.

Cette découverte a déjà bouleversé un groupe de collégiens australiens venus en "pélerinage". "La moitié des élèves était en larmes", témoigne M. Beuvin, qui les accompagnait.
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