L’Université Picardie-Jules Verne est impliquée depuis trois ans dans le programme national d’inclusion Aspie-Friendly. Son référent local, Luc Vandromme, revient sur les progrès réalisés et les nouveaux outils sur lesquels s’appuyer, dont une série de courts-métrages pédagogiques que le programme vient de mettre à disposition.
Elle mériterait sans doute d’être diffusée sur Salto ou Netflix. En dix épisodes de 5 minutes, Aspie-Friendly - La série aide à comprendre et apprécier les comportements atypiques des autistes sans déficience intellectuelle (les "Aspies", en référence au syndrome d’Asperger). De qualité professionnelle, mettant en scène des acteurs réellement autistes ou experts de la question (l’actrice principale est maître de conférences Asperger à l’université de Clermont-Auvergne), elle s’intéresse plus précisément à la vie étudiante, Aspie-Friendly étant un programme national d’inclusion à l’université.
Un programme soutenu par l’État et auquel 26 établissements d’enseignement supérieur participent, dont l’Université Picardie-Jules Vernes (UPJV).
Adapter l'environnement
"On a eu beaucoup de discussions et j’y ai participé dès le début, raconte Luc Vandromme, professeur de psychologie et référent d’Aspie-Friendly à l’UPJV. On s’est dit que ce serait bien d’avoir des outils communs. Tout a été tourné à Toulouse, qui pilote le programme. On a voulu des petites séquences, à partir du fonctionnement ordinaire des étudiants, pour donner rapidement des infos à un prof de physique, de chimie… Leur dire par exemple que l’implicite, qu’on utilise tout le temps à l’université, eux n’y comprennent rien !"
Dans le premier épisode, l’actrice principale pose que "l’autisme n’est pas une maladie, mais plutôt un mode de fonctionnement atypique, avec ses points forts et ses points faibles". Le message global est explicite : ce trouble ne serait plus un handicap dès lors que l’environnement lui serait adapté.
La vidéo présente les principales caractéristiques des Aspies, qui seront développées une à une dans les épisodes suivants : hypo ou hypersensibilité, non-compréhension du second degré, franchise, difficulté à initier et entretenir des relations, passions intensives (les "intérêts spécifiques"), comportements répétitifs (gestes ou routines) ou encore anxiété face l'imprévu et au changement. Cette dernière justifie d'ailleurs l'absence d'interviews d'étudiants autistes dans cet article : "Si je leur demande de vous répondre, ils vont peut-être dire oui, mais en réalité ils vont prendre sur eux", confie Luc Vandromme.
Enseignants et personnels formés
Disponibles sur internet depuis mi-février, les vidéos sont déjà utilisées comme supports durant les formations que Luc Vandromme donne régulièrement aux enseignants-chercheurs et aux personnels administratifs de l’UPJV. "On choisit ensemble quels modules regarder et on en discute", explique le professeur, heureux d’observer, depuis trois ans déjà - l’UPJV est engagée avec Aspie-Friendly depuis la rentrée 2018 -, la bonne volonté de la majorité de ses collègues : "Ça peut varier selon le champ disciplinaire, certains restent un peu plus distants, mais il y a vraiment des gens qui n’y connaissaient rien et qui se sont intéressés, se sont impliqués et ont appris beaucoup en trois ans."
Le référent s’appuie sur deux "ambassadrices", travaillant en amont avec les lycées et en aval pour l’insertion professionnelle, ainsi que sur des référents pédagogique et administratif nommés dans chaque UFR de l’université. Cette petite armée rassemble parfois professeurs et personnels dans les mêmes moments de formation. Objectif : que l’université soit la plus inclusive possible en 2028, le programme étant signé pour dix ans.
"Il y a déjà beaucoup d’ajustements"
L’UPJV compte aujourd’hui 41 Aspies parmi ses étudiants. Ils évoluent dans 14 UFR et Instituts différents. L’inclusion est donc concrète, permise par des facilités d’inscription, un accompagnement quotidien et "toujours l’idée d’ajuster le fonctionnement universitaire".
"Quand un étudiant s’inscrit sur Parcoursup et dit qu’il est TSA, il intègre directement l’université, explique Luc Vandromme. Ils ont une pré-rentrée nationale en visio, j’échange avec eux, parfois leurs parents, je leur fais visiter les lieux, j’explique le fonctionnement universitaire… pour qu’ils puissent anticiper ce qui va leur arriver à la rentrée." En cours, certains Aspies se voient offrir un casque à réduction de bruit. "Ça neutralise le son du vidéo-projecteur, des autres qui passent dans le couloir, des chaises qui claquent dans la salle d’à côté…", détaille le professeur. Les étudiants hypersensibles à la lumière ont le droit de porter des lunettes de soleil. Et dans les amphithéâtres, les enseignants invitent les plus sensibles à la foule à s’installer au premier rang, pour focaliser leur attention sur le cours.
Reste la sensibilisation des camarades. "J’ai commencé un travail avec des étudiants en Arts, raconte Luc Vandromme. Je leur explique comment fonctionnent les autistes et leur demande de faire un vrai Guide de l’étudiant, qui corresponde à tous. Des étudiants autistes travaillent dessus avec eux, on fait de la mixité, j’adore ça !"
Comme chaque année, l’équipe a prévu de tenir un stand à la bibliothèque au cours du mois prochain, dans le cadre de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme qui aura lieu le samedi 2 avril.