Le procureur de la République d'Amiens a requis deux amendes de 250 euros contre Gaspard Fontaine, un étudiant lillois de 19 ans, jugé pour avoir décroché le portrait d'Emmanuel Macron de la mairie d'Amiens. 150 personnes se sont réunies devant le palais de justice pour le soutenir.
Contrairement à une idée reçue largement répandue, accrocher le portrait du président de la République dans les mairies n'est pas une obligation légale, mais plutôt une tradition. En revanche, le décrocher sans y être invité peut coûter cher.
Gaspard Fontaine, étudiant en droit de 19 ans, a pu le constater. Le 6 mars 2020, il décroche le président d'Emmanuel Macron situé dans la salle du conseil municipal de la mairie d'Amiens. Un an plus tard, il est passé devant le tribunal correctionnel pour vol.
Un geste militant pour l'écologie
Ce geste s'inscrivait dans le mouvement "Décrochons Macron !" initié en février 2019 par le collectif Action non-violente COP21 pour "dénoncer l'inaction du gouvernement d'Emmanuel Macron face au dérèglement climatique". Le collectif a déjà recensé 151 "réquisitions de portrait" en deux ans, et plusieurs dizaines ont fait l'objet de poursuites judiciaires, lorsque les municipalités, comme ici à Amiens, ont décidé de porter plainte.
Mais ce procès-là revêt un caractère symbolique, Amiens étant la ville natale du président. Quelque 150 personnes se sont donc réunies à Amiens, dont plusieurs élus -appartenant notamment à la France insoumise, mais pas seulement. François Ruffin et Jean-Luc Mélenchon ont fait le déplacement, mais aussi Karima Delli, députée européenne EELV du Nord et candidate aux élections régionales. Le député (LFI) du Nord Ugo Bernalicis a par ailleurs été entendu comme témoin pendant le procès.
Plusieurs associations écologistes de la région, ainsi que deux syndicats étudiants d'Amiens (UNEF et FSE) ont également affiché leur soutien au jeune homme.
C'est avec sérénité que Gaspard Fontaine s'est présenté au tribunal, fort du soutien des manifestants et du collectif. "Je suis déterminé, on a préparé une défense, on a des témoins exceptionnels qui vont pouvoir corroborer ma version des faits, parce que mon action est légitime, nous a-t-il confié quelques instants avant l'audience. On va la légitimer par l'état de nécessité et la liberté d'expression." Il estime néanmoins cette réponse judiciaire "complètement disproportionnée" mais affirme vouloir "en profiter pour en faire le procès d'Emmanuel Macron pour son inaction climatique".
Décision le 20 avril
Le procureur a requis deux amendes de 250 euros chacune, l'une pour vol et l'autre pour avoir refusé de laisser ses empreintes génétiques lors de sa garde à vue. Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 20 avril à 9h.
D'après le collectif ANV-COP21, 41 procès pour les mêmes faits sont déjà passés, en cours ou à venir. La peine maximale encourue pour vol est de 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende. Mais parmi les autres "décrocheurs" passés devant le tribunal la plupart ont écopé d'amendes de quelques centaines d'euros.
Certains ont été relaxés. En septembre 2019, le tribunal correctionnel de Lyon avait même justifié la relaxe par le "motif légitime" de l'action. Les militants avaient finalement été condamnés en appel à 250 euros, mais l'affaire n'est pas finie : c'est la Cour de cassation qui doit désormais trancher.