Lundi 11 janvier, un deuxième micro-collège ouvre dans l'académie d'Amiens. Annexé au collège Guy Mareschal à Amiens, il accueille dans un premier temps 15 jeunes de niveau 4e en rupture de scolarité. Le but : redonner le goût de l'école à ces décrocheurs grâce à une pédagogie adaptée.
"J'ai hâte ! Même s'il y a une certaine anxiété et un peu de pression parce qu'on veut que ça réussisse ! Mais j'ai hâte !" On entend l'enthousiasme dans la voix d'Emma Croisé. Et on imagine son sourire quand elle parle du micro-collège dont elle est coordinatrice et également professeure de français. Un micro-collège annexé au collège Guy Mareschal à Amiens.
Après celui de La Fère dans l'Aisne, c'est le deuxième micro-collège qui ouvre dans l'académie d'Amiens. 15 jeunes adolescents de 13 et 14 ans sont inscrits dans cette structure qui a pour but de leur redonner goût à l'école."Un certain nombre d'entre eux sont en complète rupture scolaire, détaille Philippe Delignières, le coordinateur des micro-lycées dans l'académie. Ils ne vont plus à l'école depuis des mois voire des années et ne sont même plus inscrits. D'autres sont inscrits dans un collège mais n'y vont plus ou y vont de temps en temps de manière chaotique".
Le décrochage scolaire est protéiforme.
Des décrocheurs repérés soit par les acteurs sociaux, soit par les établissements scolaires ou tout simplement orientés par leur famille vers cette structure éducative. Après avoir été entendus par une commission d'attribution "pour vérifier qu'il y a bien une adhésion de leur part à ce qu'on leur propose", ils ont pu faire leur rentrée.
Redonner un cadre
Et de préciser que "ce ne sont pas des élèves qui ont des problèmes de comportement mais des élèves qui sont empêchés par un système scolaire qui n'est pas adapté à leur profil. Parmi eux, il y a ceux qui sont ce qu'on appelle à haut potentiel intellectuel. D'autres ont de gros retards dans les apprentissages parce que leur parcours familial est tellement cabossé que la scolarité n'était pas la priorité. L'école ne reconnaît pas la différence et ne sait pas s'y adapter pour faire évoluer l'individu. Le décrochage scolaire est protéiforme".
Ce ne sont pas des élèves violents, en difficulté scolaire ou dont on ne veut pas. ce sont des jeunes qui ont perdu l'envie d'apprendre
Mais avant toute chose, il faut redonner un cadre à des jeunes qui n'en ont plus depuis longtemps."Dans les premiers 15 jours, on va mettre l'accent sur la mise en place d'un climat de classe. Le premier défi, c'est de retravailler l'attitude d'élève : la ponctualité, la posture en classe, le matériel scolaire nécessaire, énumère Emma Croisé. C'est la base pour la grande majorité des élèves mais elle n'existe plus chez ces adolescents. Beaucoup d'entre eux sont désociabilisés. Il va leur falloir revenir à une vie de groupe. Après seulement, on passera à l'apprentissage proprement dit".
Une pédagogie individualisée
Redonner le goût d'apprendre...Les maître-mots pour cela sont bienveillance et individualisation de l'enseignement. Si les programmes étudiés sont les mêmes que ceux des élèves des collèges classiques, ils seront davantage individualisés en fonction du niveau de l'adolescent. Au micro-collège Guy Mareschal, on peut valider son année scolaire en deux ans s'il le faut. "Il va y avoir un gros travail d'évaluation pour savoir où ils en sont dans les apprentissages et pour ensuite définir un projet pédagogique adapté, explique Emma Croisé. Il faut amener ces jeunes à avoir un projet scolaire. L'objectif, c'est de les amener à poursuivre une scolarité apaisée".
C'est une structure innovante, où tout est à créer et ça nous donne une grande liberté pédagogique
Pas de note chiffrée mais "une évaluation positive pour que l'élève voit ses progrès plutôt que ses résultats, nous apprend Philippe Delignières. On travaille aussi avec un réseau de partenaires médicaux et psychosociaux qui viennent en complément de ce que l'on fait. Le suivi se fait hors du collège. Et ce n'est pas plus mal : ces jeunes sont à un âge où afficher devant leurs camarades de classe une différence est difficile à assumer".
Un enseignement transversal
L'autonomie est également un point que l'équipe enseignante du micro-collège d'Amiens va prendre en main. "Chaque élève à un métier dans la classe : ranger les chaises à la fin d'un cours, effacer le tableau, arroser les plantes, raconte Emma Croisé. C'est quelque chose qui se fait en primaire mais ça marche avec les plus jeunes donc on s'en inspire. On prend ce qui fonctionne ailleurs et on l'adapte aux profils particuliers de nos élèves".
Les enseignants ont été recrutés pour leur capacité à s'adapter à l'élève, pour leur sensibilité et leur sensibilisation au décrochage scolaire. "C'est une question qui me touche personnellement, avoue Emma. Mais j'ai postulé aussi parce que ça m'intéressait de sortir de ma matière d'enseignement : je vais enseigner le français mais comme on travaille sur des projets transversaux et interdisciplinaires, je vais devoir faire de l'histoire-géographie. Et j'ai aimé l'idée d'être au cœur du projet d'un élève, d'être en petit groupe pour être au plus près du jeune".
D'ici septembre 2021, le micro-collège d'Amiens accueillera 15 élèves de plus âgés de 13 à 16 ans. Une classe de 3e verra ainsi le jour. "Certains n'ont pas mis un pied dans une salle de classe depuis 4 ans, rappelle Emma Croisé. Retourner à l'école, pour ces élèves, c'est dur. Très dur. Mais tellement courageux".