Les établissements scolaires observeront une minute de silence le 2 novembre en hommage au professeur Samuel Paty assassiné à Conflans-Sainte-Honorine. Nous nous sommes entretenus avec un pédopsychiatre du CHU d'Amiens pour savoir comment aborder le sujet avec des enfants.
"Les enfants doivent être protégés de la violence du monde des adultes, il n’y a pas de raison de forcément aborder la situation avec eux s’ils n’ont pas de questions," affirme le Docteur Xavier Benarous, pédopsychiatre au CHU Amiens-Picardie.
Mais ils peuvent être confrontés aux faits dans les médias, en classe ou dans la cour de récréation. Dans ce cas, selon le médecin, il est nécessaire de leur répondre : "on peut parler de la situation en termes de droit commun, sans forcément rentrer dans des questions qui soient trop compliquées," explique le pédopsychiatre.
Pour lui, il faut employer des termes simples, et tenter de rassurer. "Il faut rappeler qu’il y a une manière démocratique de trouver des compromis qui passe par la discussion, l’échange, affirme le Docteur Benarous. Les enfants même s’ils ne comprennent pas les concepts dont on parle de laïcité, de liberté, ils sont quand même sensibles dès le plus jeune âge à cette question du compromis, en particulier entre un désir et celui du désir des autres."
Une approche différente selon l’âge
Les réponses à apporter aux enfants dépendent de leur âge et des problématiques qui les concernent le plus selon la phase de développement dans laquelle ils se trouvent."Pour des enfants de cinq/six ans, les préoccupations vont être autour de la sécurité. Puis-je perdre les gens qui me sont proches ? Puis-je moi-même mourir ? Mes parents peuvent-ils disparaître ? Mon enseignant, auquel je suis attaché, peut-il lui aussi mourir, explique le Docteur Benarous. Ce n’est même pas la question de la mort qui est importante à cet âge-là c’est la question de la disparition, de l’abandon."
Selon le pédopsychiatre, il est donc essentiel de rassurer l’enfant sur le fait qu’il est bien en sécurité à l’école, et que ses proches ne vont pas le quitter. Pour les enfants plus grands et les adolescents, "ce qui les touche beaucoup c’est la question de la liberté d’expression, le fait d’exprimer ses opinions, comment on réagit au désaccord. À cet âge-là c’est primordial car c’est un enjeu du développement essentiel," analyse-t-il.
Surveiller l’exposition aux écrans
"On peut présenter des symptômes post-traumatiques en étant soi-même exposé à un traumatisme ou au discours d’une personne présentée au traumatisme," rappelle le Docteur Benarous.Pour lui, il faut donc éviter de laisser les enfants regarder des informations trop anxiogènes à la télévision par exemple, du moins sans surveillance. "Exposer des enfants sans filtre à des écrans, sans pouvoir faire le travail de symbolisation, de représentation, de contextualisation, c’est les exposer à des scènes qui peuvent nourrir un imaginaire violent," explique le pédopsychiatre.
Concernant le stress qui pourrait être généré par les faits chez les enfants, le docteur met en garde : "le plus difficile c’est de l’identifier." Une fois que l’angoisse est verbalisée, "90% du travail est fait," selon lui.
Mais en cas de stress prolongé, il ne faut pas hésiter à consulter. "Si l’angoisse continue pendant des semaines, il faut accéder à des ressources de première ligne, un pédiatre, un psychologue scolaire, pour un suivi pour les enfants les plus vulnérables," conclue le Docteur Benarous.