En attendant la réouverture, les librairies indépendantes picardes s'organisent pour survivre

Depuis le 14 mars, comme la plupart des commerces, les librairies indépendantes ont dû baisser le rideau, le livre n'étant pas considéré comme un produit de première nécessité. Aujourd'hui, elles n'ont toujours pas le droit de rouvrir mais beaucoup se sont mises au "click and collect". 

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S'il y a un commerce dans lequel, les clients aiment s'attarder et flâner, c'est bien la librairie. Mais le livre n'étant pas considéré comme un produit de première nécessité, toutes sont en fermeture administrative depuis le 14 mars.

L'association des libraires indépendants des Hauts-de-France recense 49 magasins, dont 16 en Picardie.
Pour ces commerces de proximité, la situation est particulièrement compliquée non seulement pour le chiffre d'affaire mais surtout pour garder le lien avec les clients. Et à ce propos, les libraires ne manquent pas d'idées.
 

Jouer avec les clients


Dès le début du confinement, Vanessa Verrier a choisi de faire jouer ses clients avec le concours du "livre confiné"."C'est un jeu quotidien où on rigole, on raconte des bêtises, ça marche très bien. Sur les réseaux sociaux, on a pas mal de retours et surtout par mail, ce qui est assez étonnant" s'amuse la co-gérante de la librairie Page d'encre, installée à Amiens. 
"Les gens participent et surtout nous envoient des petits mots adorables. Il y en a qui nous envoient des poèmes, des photos, des vidéos, des trucs pour rigoler en disant 'on est là on vous soutient, dès que ça réouvre, on va se précipiter à la librairie, n’ayez pas peur'. C'est super encourageant en fait et on voit que les gens ont besoin de ce lien là et pour nous c'est hyper précieux". 
 

Une librairie virtuelle

"Ce qui nous fait aimer notre métier, ce n'est pas notre fonction mais ce sont les relations que nous avons avec nos clients" insiste Philippe Leleux, qui a ouvert sa "librairie du labyrinthe" en 1988, au coeur du quartier Saint-Leu à Amiens. Lui, a décidé de faire de sa librairie un "labyrinthe virtuel", une manière de permettre aux clients d'entrer dans le lieu, en attendant la réouverture. 

"Je n'avais pas de système de vente par internet donc j'ai pris en photo des livres et la plupart des rayons. Les gens qui vont se promener sur la librairie virtuelle peuvent agrandir les photos des livres et me les commander par mail. Je leur envoie un devis et ils payent par internet et peuvent retirer les commandes devant le magasin". 
En une semaine, Philippe Leleu a gagné 700 euros grâce à son magasin virtuel. "Ça ne comble pas le chiffre d'affaires d'une semaine normale mais ça garde le lien avec mes clients".
 

Vendre en drive en attendant la réouverture

Tous les libraires sont désormais autorisées à prendre les commandes de leurs clients afin de vider leurs stocks et de générer un peu de chiffre d'affaires. Beaucoup se sont mis au "click and collect". Le principe est le même qu'en drive, les clients passent commande sur internet ou par téléphone et viennent chercher leurs livres sur le seuil de la librairie quelques jours plus tard.   

Après avoir opéré un confinement très strict de quatre semaines, la librairie Martelle se prête à l'exercice. 60 à 100 ouvrages sont commandés chaque jour. 
"Depuis la semaine dernière, on a repris les commandes sur internet, sur les titres qui sont en stock puisque la chaîne du livre est totalement arrêtée, explique la directrice, Françoise Gaudefroy. On aurait pu faire du drive avant mais on trouvait que c'était une mauvaise information à donner à nos salariés et à nos clients, en disant 'le confinement, on s'en moque'. Il faut être sérieux, la priorité, c'est l'éradication du virus".

"Il y avait une vraie demande, reconnaît Laurent Marioni, co-gérant de la librairie amiénoise "Bulle en Stock". On a fait le premier 'click and collect' vendredi dernier et on a déjà 10 à 15 commandes par jour. L'avantage, c'est qu'on a créé notre site internet et notre stock est mis à jour toutes les trois heures, donc quand les gens vont sur le site, ils savent ce qu'on a et ce qu'ils peuvent commander".
Comme beaucoup de librairies indépendantes, "Page d'encre" n'a pas de site internet. La reprise de l'activité en drive est donc plus compliquée. "Une grosse partie des ventes se passe par mail , explique Vanessa Sauvage. Sinon les gens peuvent aussi commander sur le site leslibraires.fr. On a depuis vendredi entre 20 et 30 commandes par jour. Pour l'instant on propose 2 jours de retrait mais s'il y a besoin, on en mettra plus".

Créée à la base pour permettre aux librairies indépendantes de concurrencer Amazon, la plateforme des "leslibraires.fr" prend tout son sens aujourd'hui. 

 

Pas de fermeture mais des horaires réduits

Contrairement à ses collègues, Caroline Drapier n'a pas fermé sa boutique. Installée à Château-Thierry, dans l'Aisne, elle dirige une librairie indépendante mais aussi une maison de presse. Cette particularité lui a donné l'opportunité de vendre des livres. 

"J'ai pu vendre sur mon stock. Pas de nouveautés ni de réassorts. Mais on ne fait que 40% du chiffre d'affaires, ce qui fait 60% de perte. Depuis le 14 mars, on a fait 2300€ de chiffre d'affaires en vente de livres uniquement alors que d'habitude, on est à 5700€. En presse, on est à 50% de perte et 75% en papeterie".
Pour tenir, Caroline Drapier a emprunté 50 000€ à l'État, mais pourra-t-elle les rembourser ? "Ça reste une période compliquée parce qu'on n’est pas sans savoir que les librairies indépendantes et les diffuseurs de presse, on est déjà des commerces à très faible rentabilité et donc la moindre perte de chiffre d’affaire affecte directement notre capacité à survivre".
 

"La difficulté, je l'attends après"

Ce mardi 28 avril, Edouard Philippe a annoncé la réouverture de tous les commerces, sauf les restaurants, pour le 11 mai. Une nouvelle très attendue chez les libraires indépendants mais de nombreuses questions restent sans réponses. "On s'y prépare, après la question, ça va être comment, s'interroge Vanessa Verrier, combien de personnes sur combien de m2 ? Faudra-t-il faire des marquages au sol ? Aurons-nous des masques ? On se pose toutes ces questions-là. Ici, on est 2 gérants et une salariée qui restera probablement au chômage partiel pour voir comment notre entreprise respire".

Autre difficulté à laquelle les libraires indépendants devront faire face, c'est de faire revenir les clients dans les magasins. Depuis le début du confinement, les achats sur internet ont explosé. "Notre liberté, c'est la diversité et la vente par internet, c'est le contraire. La difficulté, je l'attends après. On a peur que les gens aient pris de mauvaises habitudesconfie Philippe Leleux, qui reste malgré tout optimiste. 

"Moi, je pars du principe que l'on va s'en sortir parce que j'aime croire que les gens ont besoin de la diversité. On ne picore pas des livres c'est un acte d'achat réfléchi. Ce n'est pas un produit de première nécessité, je suis d'accord, c'est autre chose, c'est un produit culturel qui tient à notre liberté et à notre individualité". 
 
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