"Fin 2026, tout devrait être fini" : à Amiens, les quartiers nord poursuivent leur transformation

Depuis plusieurs années, les quartiers nord d'Amiens font l'objet d'un vaste plan de réhabilitation dans le cadre de la politique de l'Anru. Un programme de travaux à 100 millions d'euros qui va encore durer jusque fin 2026. L'objectif de la municipalité : changer le visage de quartiers qui ne reflètent pas la nouvelle vision de l'habitat collectif.

"Il y a comme une fatigue parce que c'est long." Transformer radicalement un quartier pour lui donner une nouvelle image prend du temps. Vladimir Mendes Borges le sait. Le président du comité de quartier du Colvert Berlioz vit à Amiens nord depuis toujours. Enfin, plus depuis quelques mois : comme plusieurs familles du Pigeonnier, il a été relogé dans un autre secteur de la ville quand l'immeuble Messager dans lequel il vivait a été détruit.

Une vision moins dense de l'habitat collectif

Le Grand Mozart, Messager, Couperin. Trois immeubles emblématiques des quartiers nord. 160 logements chacun, répartis sur quatre entrées de dix étages. L'habitat social tel qu'il était conçu dans les années 60.

Aujourd'hui, le Grand Mozart et Messager n'existent plus. La déconstruction a débuté il y a plus de cinq ans. Les familles ont été relogées. "Il y en a certains, notamment les personnes âgées, qui ont voulu être relogés sur le quartier parce que c’est là qu’ils avaient leurs habitudes, leurs repères et leur cercle d’amis. Les autres ont été relogés un peu partout dans Amiens et en dehors d’Amiens", explique Vladimir Mendes Borges.

Reste la barre Couperin dont la démolition vient de commencer. Au total, 480 logements ont disparu. Et seulement 200 neufs seront reconstruits sur ce secteur, la différence étant compensée par des programmes de construction dans d'autres quartiers de la ville. "On assume, admet Jean-Christophe Loric, adjoint à l'urbanisme à la mairie d'Amiens. C’était un quartier qui était très dense avec beaucoup de logements en locatif social. Et toutes les familles qui voulaient devenir propriétaire étaient obligées de quitter le quartier. Donc on s’est dit que ce quartier-là, il fallait le faire respirer un peu, qu'il fallait diversifier en faisant venir des entreprises pour que ce ne soit pas qu’un quartier dortoir où on ne fait que loger, notamment les familles les plus fragiles qui, avec les trois grandes barres étaient regroupées au même endroit. Donc oui, on a diminué le nombre de logements, mais c'est assumé."

L'emplacement du Grand Mozart, le mieux desservi du quartier avec les deux lignes de BHNS (Bus à haut niveau de service) à proximité, va ainsi être occupé par un pôle d'activités tertiaires, "dans le domaine de l’économie générale, mais aussi dans l’économie sociale et solidaire. Ça peut être aussi dans le domaine du numérique en général et de l’intelligence artificielle en particulier. On sait que c’est quelque chose qui se développe et sur lequel on a besoin de se positionner", détaille Jean-Christophe Loric. L'appel à projets devrait être lancé d'ici à septembre.

Végétaliser le cœur du quartier

À Messager, de petites maisons et de petits ensembles collectifs en accession à la propriété vont bientôt sortir de terre. Quelques logements sociaux vont également être reconstruits. Finis les simples ravalements de façade, les rénovations, les réhabilitations. Désormais, on réorganise. On transforme. On recrée un nouveau visage, une nouvelle identité.

"Sur place, les avis dans le quartier sont partagés, avoue Vladimir Mendes Borges. Il y a ceux qui sont plus nostalgiques. Ça leur fait un pincement au cœur de voir le quartier se transformer radicalement comme ça. Surtout de voir toutes les démolitions. Mais d’autres qui sont contents et qui se disent qu’avec toutes ces démolitions, on va pouvoir faire table rase et partir sur de nouvelles bases. On a les deux sons de cloche. Mais les gens ont quand même l’espoir que ce soit encore mieux même."

Les émeutes de 2012 et de l'été 2023 ont profondément marqué le quartier, physiquement, mais aussi psychologiquement.

Et il n'y a pas que les habitations qui changent. La place du Colvert et son centre commercial, le cœur du quartier, ont été totalement repensés et reconstruits. La plupart des commerçants de l'ancienne zone commerciale ont réintégré les lieux : la boulangerie, le tabac, la pharmacie, la boucherie et le salon de thé. Une supérette devrait également bientôt s'installer et il reste deux cellules qui n'ont pas trouvé preneur. "Probablement un salon de coiffure puisqu’on a des propositions. On a aussi des propositions de magasins d’optique. Et aussi des possibilités d’installer un laboratoire d’analyses médicales et des professions libérales types infirmiers, kiné, etc. On a encore quelques problématiques liées aux stupéfiants", énumère Jean-Christophe Loric.

Quant aux commerçants du marché, satisfaits de l'implantation provisoire mise en place le temps des travaux, ils y resteront finalement et ne réintégreront pas le parking de la place du Colvert. Forte de cette opportunité, la mairie a donc décidé d'en faire le cœur vert du quartier avec la création d'un parc : 365 arbres, un terrain de basket, une aire de jeux sous chapiteau, des jeux d'eau, une ronde de balançoire. La piscine municipale du quartier, le Nautilus, sera la dernière à être rénovée.

Une perte de dynamisme

Difficile aujourd'hui, et encore plus demain, de reconnaître les quartiers nord. Si le bâti a et va encore changer, l’ambiance ne semble plus être tout à fait la même. "C'est vrai que ça paraît un peu vide pour le moment, concède Jean-Christophe Loric. On a perdu quand même 500 familles. Elles sont toujours dans les quartiers nord, mais elles n’habitent plus sur le Pigeonnier. Donc ça peut paraître un peu vide."

Ce que confirme Vladimir Mendes Borges : "On a l’impression que c’est beaucoup de forces vives, de personnes dynamiques qui quittent le quartier. On sent qu’il y a une perte de dynamique, une perte d’énergie. Un peu comme une fatigue. Dans certaines structures comme les conseils citoyens ou d’autres associations, on voit que les gens sont essoufflés. Au niveau associatif, il y a une perte de vitalité. Avec les gens qui partent, les relations humaines se délitent et tout ça crée moins de dynamiques, moins de projets. Mais je suis quelqu’un de plutôt optimiste. Je vois la nouvelle génération, ceux qui ont la vingtaine et qui ont envie de s’engager." Il compte sur le prochain contrat de ville 2024-2030 pour que le quartier retrouve de l'élan.

Fin 2026, tout devrait être terminé, le parc et les logements. Le nouveau visage des quartiers nord aura nécessité 100 millions d'euros d'investissements pour voir le jour. Une enveloppe répartie en trois tiers entre la ville, l'État via l'Anru et les bailleurs sociaux et privés. 100 millions d'euros et presque dix ans de travaux.

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