Le rapport de Jean-Marc Sauvé sur les États généraux de la justice préconiserait le rattachement budgétaire de la cour d'appel d'Amiens et celle de Douai. L'information inquiète les élus locaux et certains professionnels de la justice.
Plus il est retardé, plus il inquiète. Le rapport Sauvé, qui doit remettre les conclusions des États généraux de la justice, est attendu depuis plusieurs mois. Sa remise officielle a été retardée par le calendrier électoral, mais des éléments commencent à fuiter, dont un qui inquiète particulièrement à Amiens.
"La cour d'appel d'Amiens n'aurait plus d'autonomie budgétaire"
Le rapport préconiserait un "rattachement budgétaire" de la cour d'appel d'Amiens à celle de Douai. D'après certains professionnels de la justice, cela reviendrait pour la cour d'appel d'Amiens à perdre en indépendance, et à perdre la maîtrise des ses finances.
Même son de cloche du côté de la mairie : Brigitte Fouré, maire de la ville, mais aussi vice-présidente de la Région en charge des affaires juridiques, tire la sonnette d'alarme. "Ça veut dire que la cour d'appel d'Amiens n'aurait plus d'autonomie budgétaire. C'est ça qui est dangereux, parce que ça nous semble créer des cours d'appel à deux vitesses d'une part, et d'autre part parce que nous craignons que ce ne soit qu'une première étape", a-t-elle déclaré sur notre antenne.
Tout le monde a en tête la fermeture des tribunaux de grandes instance de Péronne et d'Abbeville, après la réforme Dati de 2009, et la crainte de voir, à terme, le même sort réservé à la cour d'appel d'Amiens grandit.
"La décision n'est pas prise, c'est un simple rapport, donc nous, les élus d'Amiens, nous souhaitons intervenir dès maintenant, parce qu'il vaut mieux prévenir que guérir", a ajouté la maire d'Amiens. Appuyée par le Conseil municipal, elle a demandé un rendez-vous avec le garde des Sceaux. "Notre cour d'appel est classée 10 ou 11ème en termes de flux d'affaires. Pourquoi la fusionner avec une autre ?", s'interroge-t-elle.
Les avocats inquiets
La crainte est partagée par le bâtonnier d'Amiens Guillaume Demarcq. "Ce qui interpelle, c'est cette volonté politique de casser un outil qui fonctionne bien parce que l'ensemble des professionnels de justice le disent : la cour d'appel d'Amiens est une cour d'appel qui fonctionne bien, assure-t-il. L'impact serait terrible pour les justiciables, la réforme Dati avait déjà profondément impacté notre territoire."
Lui aussi s'inquiète pour l'avenir de l'institution judiciaire locale si le rapprochement avec Douai venait à se transformer en fusion. "Les justiciables ont déjà des difficultés à aller à Amiens, alors vous imaginez ce que ce serait s'ils devaient aller à Douai ? Ils risquent de renoncer à faire valoir leurs droits, parce qu'ils auront 250 ou 300 kilomètres à faire pour subir des délais qui ne seraient plus d'un an, mais de 3 ou 4 ans. La cour d'appel fonctionne bien, mais on rajouterait des délais supplémentaires, pour un bénéfice qui serait quasiment nul", poursuit-il.
Il insiste sur les conséquences sur les citoyens, plus que sur les avocats. "Ce n'est pas un combat corporatiste, c'est un combat pour les justiciables. Quand vous avez une cour d'assises qui siège à Amiens, et qu'on vous dit : il faut faire appel et que vous êtes obligés d'aller devant la cour d'assises de l'Aisne qui est à Laon, vous avez des justiciables qui n'y vont pas."
Le rapport Sauvé est attendu dans les prochains jours, voire les prochaines semaines. La date de sa remise dépendra probablement du calendrier politique, et de l'installation d'un gouvernement stable.