Catherine Bouquet, directrice des soins à la clinique Victor-Pauchet à Amiens, est sur le pont depuis le début de la crise du Covid-19 comme l'ensemble des personnels de l'établissement. Et malgré la fatigue, elle se réjouit de la solidarité et la mobilisation de chacun.
"Après une phase de panique, nous nous sommes organisés." Il y a un mois, Catherine Bouquet et les cadres de direction de la clinique Victor-Pauchet à Amiens sentent que la crise du coronavirus sera sérieuse et mettent en place les premières réorganisations des services.Les opérations chirurgicales sont annulées. Les effectifs dans les services de soins intensifs augmentés, le nombre d'infirmières passant à six contre quatre habituellement : "les deux infirmières supplémentaires travaillaient habituellement au bloc opératoire".
En trois semaines, l'établissement est reconfiguré. Deux services ont été adaptés pour pouvoir accueillir des patients atteints de Covid-19. Désormais, une partie du service d'obstétrique est prêt pour accueillir les mamans présentant des symptômes du coronavirus. En pédiatrie, une unité séparée a été mise en place sur le parking pour les enfants fébriles.
Une évolution permanente inédite : "c'est quelque chose de jamais vu. On s'adapte presque au quotidien et c'est déroutant", assure Catherine Bouquet.
"Inquiets de ne pas savoir faire face"
Comme la clinique Victor-Pauchet, tous les établissements de santé privés de la région sont pleinement mobilisés. Il s’agit de libérer des capacités de lits de réanimation. Selon l'ARS, soixante lits sont actuellement disponibles dans les cliniques des Hauts-de-France ; il y en aura 130 dans les tous prochains jours.Les Samu sont chargés d’adresser aux établissements privés et publics les patients Covid-19 ou non Covid-19 nécessitant une hospitalisation, dans le cadre de leur fonction habituelle de régulation. Mais à Amiens, les "réanimateurs de la clinique et du CHU communiquent tous les jours. On est tous des soignants avant tout".
Malgré tout le Covid-19 est une nouvelle maladie, encore mystérieuse par bien des aspects. "Tout le monde est inquiet de ne pas savoir faire face. Nous avons peur de mal faire", confie Mme Bouquet. Un stress qui se double d'une douleur de voir mourir des patients dans un isolement nécessaire pour éviter la propagation : "c'est tellement à l'inverse de ce que l'on fait d'habitude, avec l'accompagnement des malades en fin de vie. Là, la relation n'est plus la même. Les patients Covid-19 ne sont pas laissés seuls, mais un seul membre de la famille peut rentrer".
Cette douleur a été prise en compte : "nous avons mis en place un soutien psychologique par les psychologues de la clinique pour les familles et les soignants. Les psychologues appellent les familles pendant l'hospitalisation".
"Une grande solidarité"
Au manque de masques (2000 ont été livrés par l'ARS, mille autres arriveront d'Asie la semaine prochaine et 10 000 sont en commande), il faut ajouter le manque de matériel. Et à situation exceptionnelle, méthodes exceptionnelles : "d'ordinaire, on n'a pas le droit d'utiliser des respirateurs de bloc et de transports pour la réanimation. Là, on a le droit.".D'autres établissements privés participent à l'effort : "il y a une grande solidarité. On a anticipé sur ce week-end, on a sollicité les autres cliniques amiénoises pour du matériel : ils sont allés jusqu'à Beauvais pour nous en trouver".
Mais "le problème, c'est le nombre de personnels. On est en cours de recrutement. J'ai passé quinze coups de fil ces derniers jours". Car le pic de l'épidémie arrivera dans une semaine. Il faudra alors plus de monde, pour soutenir ou remplacer des équipes déjà très éprouvées. C'est le cas de Catherine Bouquet, qui profite de son premier week-end en quatre semaines.
Des savons et des chocolats offerts aux personnels
Elle tient d'ailleurs à saluer l'abnégation de chacun : "je suis épatée par la mobilisation de tout le monde. Les soignants, mais aussi les personnels de direction, de ménage, de la logistique et ceux qui font les repas". Dans ce contexte, les petites attentions des Français aux soignants sont accueillies avec beaucoup de gratitude : "une société de Salouël a offert des savons pour tous les personnels, un confiseur, des chocolats. Tout ça, c'est important".Un soutien qui sera d'autant plus important pour les équipes de la clinique Victor-Pauchet que "les 15 premiers jours d'avril seront encore plus difficiles que les 15 jours que nous venons de vivre", selon le Premier ministre Edouard Philippe, qui s'exprimait samedi 28 mars lors d'une conférence de presse. Mais "quand ce sera fini, on va tous se réunir autour d'un bon barbecue", prévoit déjà Catherine Bouquet.