Ses chances de survie étaient "nulles". Franck, 33 ans, a été brûlé sur plus de 95% du corps l'an dernier lors d'un accident dans l'usine où il travaillait. Grâce à une greffe de peau à partir d'un don de son jumeau, il a survécu. Une histoire extraordinaire qu'ils racontent dans leur livre, "Life".
Un Pacs, une nouvelle maison et un bébé "pour tout de suite": Franck, brûlé sur la quasi-totalité du corps il y a 18 mois et sauvé grâce à la greffe de peau de son jumeau, ne manque pas de projets après cette prouesse médicale inédite.
Originaire d'un village près de Moreuil dans la Somme, le technicien chimiste a été victime de l'explosion d'un produit inflammable, alors qu'il déversait un bidon dans une cuve en septembre 2016.
Il est alors transporté en urgence par les pompiers de Moreuil à l'hôpital Saint-Louis à Paris. Les médecins du service de chirurgie plastique et reconstructrice procèdent alors à une greffe de peau à partir de dons de son jumeau. Une première mondiale.
"Je suis le seul mec brûlé à 95 % au monde à être vivant. C’est assez fou", réalise Franck. Pour ne pas dire "zéro", les médecins estiment à 1 % ses chances de survie.
"J'avais une fresque tatouée sur le bras: la seule chose qui est restée, c'est le mot life. La vie, quoi", raconte cet homme de 33 ans. Un signe, pour son chirurgien. Un "clin d'oeil du destin" pour lui. Life, c'est aussi le nom de son livre co-écrit par la journaliste et écrivain Catherine Siguret.
Les jumeaux trentenaires, Franck et Eric Dufourmantelle, dont la ressemblance reste frappante, même barbe, même sourire, témoignent de leur incroyable aventure médicale, faite de courage, d'obstination et de souffrances dans cet ouvrage.
On y a apprend qu'aujourd'hui, la vie continue pour Franck, grand sportif, qui peut à nouveau à courir. Si les journées entières au centre de rééducation sont terminées, le trentenaire va continuer les intenses séances de kiné pendant plusieurs mois avant de reprendre le boulot.
Un truc de dingue
"Le truc dingue", précise Franck, c'est que leur gémellité a failli passer inaperçue. Les médecins, qui ne connaissaient le visage de Franck que couvert de bandages, ne pouvaient pas faire le rapprochement avec celui de son frère. En fait, c'est l'insistance d'Eric à vouloir aider alors qu'il n'y a plus d'espoir qui déclenche le branle-bas de combat. Il revient à la charge: "Je suis son frère. Son frère jumeau quand même."
Vrai jumeau ? Homozygote (même oeuf) ? lui demande sans broncher un médecin. "J'ai répondu oui. Quelques heures après j'étais convoqué dans le bureau du Pr Mimoun". L'avantage d'une greffe de peau entre vrais jumeaux : il n'y a pas de rejet puisqu'ils ont un capital génétique identique.
"C'est la première fois qu'on réalise une greffe de peau entre jumeaux sur 95% du corps", expliquait en novembre le Pr Maurice Mimoun, chef du service de chirurgie plastique et reconstructrice à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP) à Paris, qui a mené l'opération.
Les cas publiés jusque-là dans le monde allaient de 6 à 68% environ et portaient sur 45% de la surface du corps en moyenne, selon le chirurgien.
Parties de ping-pong
Pour Franck, la rééducation va "continuer en libéral". Il éprouve encore "une forme de gêne avec la sensation d'être dans une combinaison". Sa peau doit encore s'assouplir. Des cures thermales sont prévues tous les ans et cela devrait durer "dix-vingt ans".Ce sportif peut maintenant courir 10 à 15 minutes, faire du ping-pong. Il peut écrire, manger avec sa main droite et "faire des gestes quotidiens". "La main gauche qui aurait due être amputée est vraiment handicapée", précise le rescapé, qui vit près d'Amiens.
Une goutte d'eau dans un océan d'enfer
Soutenu par son jumeau, avec lequel il s'engueule volontiers comme autrefois, et les siens, Franck, 34 ans, va de l'avant même s'il sait que les arts martiaux (judo-jujitsu) dont lui et son frangin sont adeptes, ne sont plus d'actualité.
"Fumeur occasionnel (3-4 cigarettes/jour)", il a "repris". "C'est le stress", le défend Eric. Eric, lui, ne conserve que quelques rougeurs sur le dos, traces de prélèvements de peau "pelée à vif". Il les montre sans s'étendre sur les douleurs subies, sans regrets, pour permettre à son frère de vivre.
Le livre en dit plus, comme "quand une infirmière à la voix très douce (...) a entrepris de masser la tête". "Une goutte d'eau dans un océan d'enfer", raconte-t-il.
Sans l'hôpital public, ajoutent les deux frères, tout cela n'aurait pas été possible: pour payer ces soins, l'hypothèque de nos maisons n'auraient "pas suffi".