Le Conseil d'État a suspendu, lundi 26 août, l'arrêté ministériel autorisant la chasse au courlis cendré, un petit échassier menacé que l'on rencontre notamment sur les côtes picardes. Il était permis de débusquer le courlis depuis le 3 août, grâce à un arrêté de la ministre de l'Écologie.
La nouvelle est une victoire pour la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Mardi 27 août, l'association s'est félicitée de la suspension, par décision du Conseil d'État, de l'arrêté ministériel du 31 juillet autorisant à nouveau la chasse - encadrée - du courlis cendrée.
Cet échassier de petite taille, assez commun sur le littoral picard et celui de la mer du Nord, est menacé. Leur nombre sur les côtes française ayant significativement diminué, il est inscrit dans la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Malgré ce statut, la ministre de l'Écologie Élisabeth Borne avait autorisé à nouveau la chasse au courlis en France depuis le 3 août 2019. Par un arrêté, les échassiers pouvaient être éliminés sur la façade maritime de l'Atlantique, la Manche et la mer du Nord. Le courlis cendré pouvait ensuite être chassé sur le reste du territoire français à partir du 15 septembre, à raison de 6 000 unités au cours de la saison. Ce qui ne sera finalement pas le cas, grâce à la suspension de l'arrêté par le juge administratif suprême, saisi par la LPO.
Les chasseurs mécontents
C'est "une douche froide pour les chasseurs", a réagi la Fédération nationale des chasseurs (FNC) dans un communiqué. "Encore une fois, l'Europe et le Conseil d'Etat ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, ne parlant que de la chasse comme variable d'ajustement", déplorent les chasseurs. La FNC demande désormais "la suspension immédiate des négociations autour de la gestion adaptative tant que des bases saines n'auront pas été trouvées".L'an dernier, le gouvernement, accusé notamment par le ministre démissionnaire Nicolas Hulot de favoriser le lobby des chasseurs, a présenté une réforme de la chasse divisant le prix du permis national par deux et mettant en place la "gestion adaptative", pour remplacer la liste figée d'espèces chassables.
"Quota zéro pour la chasse au courlis!", s'est félicitée la LPO après l'annonce de la décision en urgence du Conseil d'Etat. "La stratégie gouvernementale d'utiliser le principe de « gestion adaptative » dans le but de laisser perdurer la chasse d'espèces sauvages vulnérables est à nouveau mise en échec", a ajouté l'association dans un communiqué. En début d'année, le Conseil d'État avait déjà ordonné la suspension immédiate d'un arrêté autorisant la prolongation de la chasse aux oies sauvages en février.
Prochaine étape : la tourterelle des bois
La LPO, qui avait saisi en urgence le Conseil d'Etat sur le courlis cendré et l'a saisi également au fond, s'alarme aussi du sort de la tourterelle des bois. "Nous attendons maintenant avec inquiétude et détermination" la décision de la ministre Elisabeth Borne sur cette espèce, souligne Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO."Inquiétude car il y a fort à craindre qu'elle autorisera à nouveau la chasse d'une espèce en très mauvais état de conservation; détermination car toutes ces décisions incompréhensibles nourrissent la plainte de la LPO au niveau européen", a-t-il dit.
Selon la LPO, la ministre s'apprête à prendre un arrêté "pour tuer 30 000 individus alors que l'espèce est menacée d'extinction au niveau mondial". Fin juillet, après une plainte de la LPO, la Commission européenne a sommé la France et l'Espagne de renforcer la protection de la tourterelle des bois.