De la couleur bleue pour lutter contre l'invasion d'une plante aquatique dans le canal de la Somme

En l'espace de dix ans, il est devenu l'ennemi principal de la Somme et de ses affluents. Le myriophylle hétérophylle a colonisé les cours d'eau. Pour se débarrasser de cette plante invasive, des solutions alternatives respectant la faune et la flore sont mises en place.

La Somme et ses affluents, comme les autres fleuves et rivières d'Europe sont depuis plusieurs années envahis par des plantes envahissantes locales ou exotiques tel que le Myriophylle. Celui-ci menace l'équilibre des écosystèmes et gêne fortement la navigation des bateaux.

Une lutte sans fin

Toute l'année, des opérations d'arrachage et de faucardage sont menées pour limiter la dispersion de cette plante aquatique, une solution insuffisante pour arriver à bout du problème. De nouveaux moyens plus respectueux de la faune et de la flore aquatique locale sont mis en place.

"Il faut savoir qu’on lutte contre une plante invasive donc le combat ne sera jamais gagné, reconnaît Hubert de Jenlis, vice-président (Renaissance) du Conseil départemental de la Somme. C’est triste mais c’est comme ça. Donc on essaye de trouver des solutions alternatives dans le département de la Somme qui soient plus naturelles et moins agressives que toutes les actions mécaniques que l’on peut avoir jusqu’ici. Principalement, le stress hydraulique. On remet du courant là où d’habitude il n’y en a pas. On crée un courant qui gêne la plante dans son développement."

Originaire d'Amérique cette plante exotique a été Introduite accidentellement par l'aquariophilie. Elle se combat avec des expérimentations telle que la pompe doseuse pneumatique qui permet d'injecter un colorant bleu alimentaire dans l'eau. "Ce volume d'eau est coloré avec une teinte légèrement bleue et ce bleu permet de limiter l'impact de la photosynthèse, explique Clément Carpentier; chargé d'opération au Conseil départemental de la Somme, c'est-à-dire qu'il renvoie une partie des rayons lumineux de par sa couleur naturelle comme certaines couleurs que vous ne voyez pas dans l'arc-en-ciel parce qu'elles ne sont pas renvoyées par la lumière".

En plus de la colorimétrie, des carpes autochtones inféodées au milieu, sont aussi introduites dans la Somme pour lutter contre l'envahisseur végétal. En prédateurs elles brassent le fonds du cours d'eau et limitent ainsi la photosynthèse. "Elles vont naturellement se nourrir sur le fonds, décrit le technicien, elles vont remettre en suspension du sédiment et participer à brouiller la lame d'eau et à limiter l'activité de la photosynthèse et donc, le développement de la plante".

Le faucardage : une solution curative d'urgence

Mais quand la plante devient trop grande, le faucardage mécanique devient la seule option. Une solution curative d'urgence utilisée actuellement à Frise, en haute Somme : "c'est comme une moissonneuse. L'engin fauche la végétation dans le fonds. Il la ramasse et le but est de rétablir ce qu'on appelle un rectangle de navigation. C'est une largeur suffisante pour le passage des bateaux et les différents usages qu'on peut avoir sur le canal comme la pêche ou les sports nautiques. On faucarde jusqu'à 2m, selon le fonds du canal pour libérer un maximum de lames d'eau". 

Les plantes récupérées sont alors exportées vers des zones de dépôts dédiées. Elles sont ensuite valorisées, selon les analyses réalisées, en épandage agricole. "On a également des pistes avec des méthaniseurs puisque c'est un matériau intéressant car il est riche en eau".

Le faucardage et le ramassage, peuvent couvrir près de 6 000 m2 par jour, selon la densité de la plante. Le développement du myriophylle hétérophylle est très rapide, jusqu'à plus de 30 cm par semaine. Ses proliférations déséquilibrent les milieux naturels. Un petit fragment suffit à développer une nouvelle plante. Il faut donc en sortir le maximum de l'eau lors du traitement. 

Le fait de combiner la coloration, l'introduction de carpes ou encore le faucardage, donnent des résultats plutôt encourageants.

Avec Gabin Cransac