"Il y a un esprit qu’on ne trouve plus dans les grands magasins" : depuis 132 ans, la quincaillerie de Rue fait le bonheur des bricoleurs

À Rue dans la Somme, c'est une institution. Installée au pied du beffroi, la quincaillerie est le plus vieux commerce de la ville. À sa tête depuis 132 ans et quatre générations, la famille Demortain représentée aujourd'hui par Hubert, le gérant actuel.

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C’est une boutique d’un autre temps. Comme il n’en existe presque plus. Des brosses et des balais. Des robinets et de la ficelle. Des vis et des boulons. Des ustensiles de cuisine et des sacs cabas à roulettes. Depuis 132 ans, la quincaillerie Demortain, installée au pied du beffroi de Rue, vend tout ce que vous ne trouvez pas ailleurs. C'est en tout cas ce que les clients, souvent des habitués de longue date, disent.

Une ambiance familiale

"Dans les magasins de bricolage, je ne trouve pas ce que je veux. Alors qu’ici, oui. Les crochets X par exemple, j’ai du mal à trouver. C’est un truc de vieux ! Les jeunes maintenant, ils mettent des clous !", s'amuse cette dame qui en profite pour acheter du produit pour polir l'argenterie. 

Un homme avec un chapeau à larges bords semble comme chez lui dans la quincaillerie. "Ça fait plus de 50 ans que je viens ici. Ici, c’est familial. L’exception, on la trouve ici, pas ailleurs, assène-t-il dans un grand sourire et d'une voix assurée. Et puis il y a le cachet du magasin. Il y a un esprit qu’on ne trouve plus dans les grands magasins."

Il vient voir s'il peut trouver un nouveau pneu pour sa brouette. Apparemment, ça ne se vend pas sans la brouette autour..."Je ne vais quand même racheter une brouette juste pour un pneu ? Si ? Bon ben...T'en as des brouettes ?", se résigne-t-il en s'adressant à Hubert Demortain qu'il tutoie.

Hubert Demortain a repris la quincaillerie en 2009. C'est la quatrième génération à la tête de la boutique. Avant lui, il y a eu Pierre, son père. Avant Pierre, c'était Paul. Et encore avant, Fernand, l'arrière-grand-père et fondateur du magasin en 1892. 

Ici, le métal est encore vendu au poids et à la coupe. Des barres de fer pour renforcer un portail ou pour taper des puits dans le sol. Des barres plates, carrées, rondes, en U, en T, de toutes les épaisseurs et de tous les diamètres. Elles sont entreposées dans la cour, dans un casier aussi vieux que la boutique.

"À l’origine, le magasin était dans la boutique d’à côté. Mais comme mes arrière-grands-parents recevaient le fer par charrette à chevaux, cette boutique-ci était plus pratique parce qu’elle a une porte cochère qui donne directement sur le trottoir et permettait aux chevaux d’entrer pour livrer le fer dans la cour. À côté, il fallait passer tout par le magasin", explique Hubert Demortain.

Une boutique d'un autre temps

Les clous sont rangés par taille et diamètre dans un meuble à petits tiroirs. Comme à l'époque. Vendus au poids, pesés sur une vieille balance à plateaux et emballés dans une feuille de journal dont Hubert fait un cornet. Comptez 5 euros le kilo. Et tous l'assurent : c’est à la richesse de son inventaire que l’on reconnaît un quincaillier de qualité.

Chez Demortain, il a des milliers de références de produits. Certains ne sont plus utilisés de nos jours. Chaque recoin de cette caverne d'Ali baba pour bricoleur est gorgé d'histoire. Comme ce tableau de clés, typique des quincailleries des années 50. "Quand les gens voulaient une nouvelle clé ou une clé supplémentaire, ils venaient avec leur exemplaire, on cherchait le dessin de la clé sur le tableau qui portait un numéro correspondant à un rangement dans la réserve. Et on pouvait ainsi trouver la clé que le client souhaitait. Ça nécessitait évidemment d’avoir en stock tous les numéros qui sont sur le tableau", montre Hubert.

La sonnerie chantante de la porte d'entrée résonne. "Bonjour madame ! Je cherche des cadenas..." Madame, c'est la maman d'Hubert qui l'aide au magasin. À la mort de son mari, elle a repris seule le commerce. C'était en 1985. "J'ai 64 ans de quincaillerie ! sourit-elle. C’est toute ma vie. C’est beaucoup de travail, beaucoup de présence, mais c’est aussi beaucoup de bonheur. Ce qui me plaît, c’est le contact avec les gens. La proximité."

Dans cette institution vieille de 132 ans, plus que des pièces rares, on vient chercher un service, un conseil. Des souvenirs peut-être aussi. Celui de l'établi de notre père ou de notre grand-père dans lequel on mettait notre nez partout en pensant y découvrir un vieil objet qui prendrait, pour l'enfant que nous étions alors, une valeur inestimable...

Avec Maxime Fourrier / FTV

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