L’histoire mouvementée de l’entreprise Crépin-Petit, fabricant de boutons depuis 1873 à Bernaville

Labellisée "Entreprise du patrimoine vivant", la société picarde confectionne des boutons depuis plus de 140 ans. Menacée à plusieurs reprises de fermeture, l’usine semble aujourd’hui tiré d’affaire. Les 35 salariés témoignent de leur parcours semé d’embuches.

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Ils produisent près de 30 millions de boutons chaque année, sous toutes les formes et de toutes les couleurs. Les salariés de Crépin-Petit ont un savoir-faire unique en France qu’ils cultivent depuis 1873, dans leurs locaux à Bernaville, dans la Somme.

C’est l’un des trois derniers fabricants de boutons en France. Mais l’entreprise Crépin-Petit est la seule qui est issue de la tabletterie et donc le travail des matières précieuses. Ainsi, jusque dans les années 1950, les employés confectionnaient des boutons de nacre. Puis, les boutons sont faits en nylon ou bien en polyester.

Mondialisation et redressement judiciaire

À la fin des années 1990, la mondialisation se développe. Les entreprises de confection françaises délocalisent et le marché du bouton s’effondre. En 1996, Crépin-Petit est placé en redressement judiciaire : 35 salariés sont licenciés.

Huit ans plus tard, le patron prend sa retraite et vend sa société à un fabricant de boutons italiens. Mais le repreneur étranger n’est pas vu d’un bon œil par certains des employés, comme Christophe Outrebon, teinturier depuis 33 ans dans l’entreprise. "Ils voulaient récupérer le savoir-faire de l’usine pour l’emmener chez eux", affirme-t-il.

Les ordres des italiens de noter les détails de sa recette lui ont mis la puce à l’oreille. "Quand on faisait un bain, il fallait noter le nombre de litre d’eau, la quantité de boutons, ce que l’on mettait comme colorant. Mais c’est impossible, je fais ça à l’œil", explique Christophe Outrebon.

"On a eu peur que l’usine ferme définitivement"

Très vite, les commandes se font rares. "Je pense qu’il les réservait pour l’Italie. Nous n’avions plus grand-chose", assure Dominique Mauroy, préparatrice de commandes. "On a eu peur à ce moment-là, peur de perdre notre place, notre emploi et que l’usine ferme définitivement."

En 2008, le couperet tombe. Crépin-Petit est pour la deuxième fois mis en liquidation judiciaire et une trentaine de salariés sont de nouveau licenciés. Onze ans plus tard, dans l’usine, l’émotion est encore forte : "j’ai vu mes amis partir. J’ai signé leur licenciement", raconte Pascal, délégué syndical à l’époque.

"Ils ont de l’or dans les mains"

Les salariés appellent alors Dominique Ossart à la rescousse. L’actuel patron de Crépin-Petit connait bien l’entreprise, il y avait fait ses débuts en 1986, comme aide comptable. Trente ans plus tard, il n’hésite pas à reprendre le navire qui coule. 

"Cette entreprise, c’est ma vie. J’ai un lien très fort avec ceux qui travaillent dedans", soutient-il. "Quand j’ai vu l’état de l’entreprise après quatre ans passés avec les italiens, cela m’a brisé le cœur." Dominique Ossart relance alors l’entreprise avec 24 salariés. Aujourd’hui, ils sont dix de plus, contre 150 dans les années 1950.

Il y a deux ans, la société picarde s’est même vue labellisée "Entreprise du patrimoine vivant ". Créé en 2005, ce label a été décerné par l’État à près de 1 400 entreprises françaises pour leur travail "d’exception". "Ils ont de l’or dans les mains, un savoir-faire extraordinaire", reconnait Dominique Ossart, patron de Crépin-Petit, à propos de ses salariés. "Ils sont attachés à leur entreprise car ils ont connu des séismes. Nous avons un passif tel que l’on n’aurait jamais dû s’en sortir."

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