Un confessionnal ne peut pas servir d'isoloir. C'est la situation la plus cocasse des entraves au code électoral observées lors du deuxième tour de l'élection présidentielle 2022 et c'est en Picardie. En tout, deux communes de la Somme, deux du Pas-de-Calais et une du Nord ont transigé avec les règles. Leurs votes sont annulés.
On imagine toujours qu'une fraude au code électoral se résume à un bourrage des urnes. Mais ce serait un peu réducteur. Dimanche 24 avril 2022, alors que des milliers de bureaux de vote étaient en pleine effervescence partout en France, des magistrats délégués du Conseil constitutionnel ont sillonné les campagnes à la recherche des irrégularités éventuelles. Entre un bureau de vote improvisé dans une église et l'absence totale des assesseurs dans un autre, ces observateurs se retrouvent parfois confrontés à de drôles de situations.
Les Hauts-de-France sont cités cinq fois dans le document général de la décision du Conseil constitutionnel officialisant les bulletins de vote invalidés lors du deuxième tour de l'élection présidentielle 2022.
Voter dans un confessionnal : pas constitutionnel
Même si le confessionnal est défini comme "un isoloir clos, disposé sous forme décorative dans les églises catholiques afin que le confesseur, un prêtre, y entende derrière un grillage le pénitent "à confesser", il ne faut pas le confondre avec un isoloir de scrutin. Le maire de Cizancourt aura retenu la leçon.
Dans sa petite commune rurale de la Somme, 36 habitants étaient appelés à voter dimanche 24 avril 2022. Mais la minuscule mairie du village (digne de concourir au podium des plus petites mairies de France) n'était pas réquisitionnée pour l'occasion. Cizancourt a voté dans son église, un peu plus "large" et toute proche.
Certainement pour des questions "pratiques", le confessionnal a alors servi d'isoloir "républicain". Un mélange des genres qui n'a pas été validé. Vingt-cinq suffrages ont été exprimés ce jour-là mais "le déroulement du scrutin dans ce lieu de culte étant de nature à porter atteinte à la liberté et à la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune", précise le Conseil constitutionnel.
Ne pas se tromper de clé ou il faudra tout annuler
Dans la commune du Titre, toujours dans la Somme, dans laquelle ont été exprimés 210 suffrages, "le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que les clés de l'urne étaient détenues dans des conditions contraires aux dispositions de l'article L. 63 du code électoral." L'ensemble des votes ont été annulés.
Un bureau de vote abandonné à lui-même
Dans la commune d'Audincthun (Pas-de-Calais) où 291 bulletins ont été déposés dans l'urne, "le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'aucun membre du bureau n'était présent, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 42 du code électoral. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux de vote."
Un assesseur viré
Dans le bureau de vote n°1 de la commune de Harnes dans le Pas-de-Calais, dans lequel 663 suffrages ont été exprimés "un assesseur régulièrement désigné par l'un des candidats s'est vu refuser l'accès au bureau de vote, en violation des dispositions de l'article R. 44 du code électoral." Résultat: 663 votes refusés.
Des cartes d'identité non présentées
Même quand on connaît tout le monde dans son village, il faut présenter sa carte d'identité lors du vote. Dans le bureau de vote n°1 de la commune de Ghyvelde dans le Nord, dans lequel 627 suffrages ont été exprimés, la présentation d'un titre d'identité n'a pas été exigée des électeurs comme le prescrit l'article R. 60 du code électoral pour les communes de plus de 1 000 habitants.
"Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations du magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote."