Législatives 2024. La loi sur l'aide à mourir en suspens depuis la dissolution de l'Assemblée nationale : "on est les grands oubliés"

Atteint de la maladie de Charcot, Loïc Résibois, habitant à Franvillers (Somme) est angoissé. Il regrette que la dissolution de l'Assemblée nationale ait arrêté les débats parlementaires autour du projet de loi sur l'aide à mourir. Désormais, il faudra repartir à zéro. Mais quand ?

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"La maladie continue de progresser, je pense que vous vous en rendez compte vous-même, d'une interview à une autre", lance Loïc Résibois, atteint de la maladie de Charcot, qui, depuis notre dernière rencontre en mars, a plus de mal à articuler.

Entre temps, le président de la République Emmanuel Macron a dissous l'Assemblée nationale, à la suite de la percée du Rassemblement national aux élections européennes. En prenant cette décision, il a mis un coup d'arrêt à tous les projets de loi en cours d'étude, dont celui sur l'aide à mourir.

"L'aide à mourir, c'est la garantie d'une mort sans douleur et d'une fin de vie sereine, et en fait, cette sérénité, Emmanuel Maron nous en a tous privés le 9 juin. J'ai trouvé qu'on a été sacrifiés sur l'autel de ses manœuvres politiciennes", regrette-t-il.

La crainte de voir le projet enterré

Loïc a suivi de très près les débats à la commission spéciale et à l'Assemblée nationale. Il en a même été ravi, quand bien même certains "propos outranciers de la part de députés RN" ont entaché les discussions, en avançant "que c'était une loi faite pour se tuer". Mais globalement, "c'était de très bonne tenue".

Désormais, il va lui falloir se positionner pour un candidat. Si Loïc s'est toujours refusé à le faire publiquement, notamment sur sa page Instagram, il s'est senti "obligé" de donner son avis. Pour lui, si les électeurs votaient pour un député du Rassemblement national, "ils enterreraient bel et bien la loi sur la fin de vie".

Dans ce cas, qui faut-il choisir ? L'activiste est partagé. Parmi les partis les plus favorables à l'aide à mourir, il cite le Nouveau Front Populaire (NFP) et Ensemble (le parti présidentiel). Mais le NFP lui "fait peur parce que je pensais que Mélenchon ne serait pas premier ministre. Ils ont l'air de rétropédaler, donc ça me fait peur". Jean-Luc Mélenchon a toutefois assuré n'être "candidat à rien" sur le plateau de l'émission L'évènement, sur France 2, lundi 23 juin.

De l'autre côté, il se sent incapable de revoter pour un député du parti d'Emmanuel Macron : "il nous a trop trahis, trop méprisés, jamais il ne s'est adressé aux malades condamnés, et pour moi, c'est impardonnable". Loïc fait référence à la conférence de presse qui a suivi la dissolution. "J'ai envie de dire que j'aurais dû m'y attendre, je suis bien naïf".

Pour être honnête, pour moi, Emmanuel Macron restera le président qui, en un mandat et demi, aura réussi l’exploit de tout rater.

Loïc Résibois, militant pour l'aide à mourir

"On est les oubliés de cette dissolution"

En France, plusieurs dizaines de milliers de malades condamnés sont concernés par une possible loi sur l'aide à mourir. "J'ai l'impression qu'on est les oubliés de cette dissolution, personne n'en parle et, pour nous, cette sérénité, c'est important, c'est ce qui peut nous permettre de mieux vivre notre fin de vie". Il a également l'impression qu'il ne pourra pas profiter de cette loi, "et forcément, ça crée une angoisse et ça dégrade la qualité de ma fin de vie et de celle de dizaines de milliers de Français".

Loïc Résibois invite tous les électeurs à rencontrer les candidats pour leur demander de se positionner sur l'aide à mourir. "Au moins, ils voteront en toute connaissance de cause", indique-t-il en ajoutant : "je ne dis pas que ce sujet est le plus important du monde, mais la mort vous concernera tous un jour, il faut être lucide par rapport à ça. Et en France, en 2024, on meurt encore très mal".

Tous les jours, il voit ou reçoit des témoignages de personnes qui lui racontent la mort de leur proche. "Hier ou avant-hier, l'un d'entre eux m'a raconté que sa maman était morte de faim parce qu'elle avait refusé la gastrostomie. Elle était encore suffisamment vivante ou, je dirais, pas assez mourante, pour bénéficier de l'aide à mourir. Du coup, elle a mis 71 jours pour mourir de faim. Comment c'est possible d'entendre des récits pareils en 2024, en France ?", s'interroge l'activiste.

Dans son cas, la maladie de Charcot avance rapidement. "Même ma main avec laquelle je pousse mon fauteuil, je la sens s'affaiblir. C'est comme si la maladie disait : lui, il est un peu trop indépendant, il peut avancer son fauteuil tout seul, je vais le priver de ça aussi".

"Ça plonge la famille et les aidants dans un questionnement"

Caroline Résibois, la compagne de Loïc, partage le même sentiment. "Le fait que le projet de loi soit abandonné ou en tout cas, mis sur le banc pour l'instant, ça plonge aussi la famille et les aidants dans un questionnement qui va être la fin de vie de notre proche". Pour elle, il s'agit d'une "grosse déception" et elle estime que son sentiment est "partagé par ceux qui attendaient ce projet de loi". Pour le moment, les candidats actuels qui se présentent "n'en parlent pas du tout". Quant à l'attitude du président, elle la juge "irresponsable".

Si on en croit les sondages, "il y a 8 à 9 Français sur 10 qui sont favorables" à l'aide à mourir. "Là, sur une seule décision, tout est remis à plat, tout le travail qui a été accompli en amont, il va devoir être refait. Je trouve ça vraiment dommage".

Au final, Caroline Résibois espère que la loi ne sera que retardée, "et surtout pas annulée". Et quand bien même celle-ci prend du temps à être votée et promulguée, elle espère que les délais seront acceptables. "Si c'est encore pour tergiverser pendant des années, qu'est-ce que ça va donner pour les malades eux-mêmes et leurs proches ?"

Avec Sophie Picard / FTV

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