Montée des eaux : les falaises calcaires, l’atout touristique d’Ault et son talon d'Achille

Si ses falaises calcaires d'une blancheur de craie font la réputation de la ville d'Ault (Somme), elles en sont également le talon d'Achille : l'écoulement des eaux fluviales les fragilisent au point qu'elles s'effondrent régulièrement, menaçant des dizaines d'habitations dans ces chutes.

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Si elles font la beauté du site, elles sont aussi sa vulnérabilité. Dominée par des falaises qui culminent à 56 m, la commune d'Ault (Somme) est située dans une valleuse, une petite vallée qui s'est créée dans un recul de falaises. Résultat : dans ce quasi-entonnoir, les eaux pluviales ruissellent vers ce village de 1 400 habitants, formant ainsi de véritables rivières dans le centre-bourg, et ce, malgré de récents travaux sur le réseau d'assainissement.

"Toutes les eaux situées sur le plateau en amont des habitations finissent de se déverser dans la rue d'Eu puis dans la Grande Rue. Beaucoup moins depuis que l'on a fait un certain nombre de travaux, nous explique Marcel Lemoigne, maire (SE) d'Ault un jour de forte pluie. Mais ici, nous avons l'illustration qu'il faut absolument garder les eaux sur le plateau, pour ne pas affecter les falaises d'une part, et pour éviter d'inonder le centre-bourg. On sait que l'écoulement des eaux pluviales est un facteur d'érosion majeur. Donc il est important de les garder sur les plateaux. Ce qui n'est plus le cas depuis qu'il y a eu le remembrement des terres".

Des purges tous les 10 ans

À Ault, avec la montée des eaux, le retrait de côte se manifeste par l'érosion des falaises à leur sommet. Les pluies s'infiltrent dans la craie et finissent par provoquer d'impressionnants éboulements. Ce fut le cas en 1979 : neuf maisons d'habitations finissent à la mer avec un pan entier de falaise.

Ces phénomènes se répètent à peu près tous les 10 ans, le temps que l'eau de pluie s'infiltre dans la falaise et que les conditions jouent leur rôle, notamment lors des périodes de dégel. C'est ce que le Bureau de recherches géologiques et minières appelle une purge. La dernière en date s'est produite en mars 2023. Près de 10 000 tonnes de roches se sont alors écrasées en contrebas de la falaise.

"Il y a un morceau du blockhaus qui pend dans le vide, montre Marcel Lemoigne. Et il y a une vingtaine de maisons qui sont menacées. Si on a un éboulement de même ampleur dans une dizaine d'années, la route risque de partir. Les réseaux électriques aussi, les réseaux d'assainissement aussi. Tout ça, il faut qu'on le prévoie. Et on a une dizaine d'années pour y travailler."

Le retour du bocage

Un travail déjà mis en œuvre. Pour limiter le phénomène des eaux pluviales, la commune prévoit de créer cette année une prairie inondable de 7 000 m² sur le plateau qui surplombe Ault. Mais aussi des fossés, des bandes enherbées et des haies. Une façon de lutter contre les effets du remembrement.

"Quand on parle recul du trait de côte, on pense spontanément à la mer et on sous-estime beaucoup le rôle des infiltrations fluviales, constate Laurent Cholet, adjoint à l'urbanisme. Notre idée, c'est de capter au maximum l'eau de pluie à son point de chute et de la bloquer sur le plateau (...) pour que l'eau ne s'écoule pas dans les valleuses et n'infiltre pas la falaise."

L'élue poursuit : "Avec l'agriculture extensive, on a quand même énormément éradiqué le bocage et on a tendance à y revenir de manière à éviter l'appauvrissement des sols et les ruissellements intempestifs. Dans notre schéma de gestion des eaux pluviales, on a quelques kilomètres de haies et de manière générale d’autres kilomètres d'autres dispositifs anti-infiltration qui vont se mettre en œuvre cette année. On en revient à des paysages d'antan. Le bon sens revient d'actualité."

Les falaises attaquées à leur pied par la mer

Si l'érosion des falaises d'Ault est causée à 75 % par l'écoulement des eaux pluviales, il n'en reste pas moins que la mer fait également son œuvre. La commune possède trois kilomètres d'accès direct à la mer, protégés par une digue constituée d'un double enrochement et construite en 1983.

Mais il y a un point faible : les 160 derniers mètres du littoral habité. À l'époque de l'édification de la digue, la commune n'avait pas assez d'argent pour la prolonger sur cette distance. Les courants et le flux constant des marées s'attaquent donc au pied des falaises dites vives, c’est-à-dire qui ne sont pas protégées par cet enrochement.

Ces 160 petits mètres inquiètent le maire, car, de surcroît, les épis n'ont jamais été entretenus de ce côté-là. "Les épis servent à briser les vagues. Comme les vagues ne sont plus brisées, on a installé un cordon d'enrochement devant l'esplanade. Mais il se trouve qu'avec la houle, les roches ont roulé et ne jouent plus leur rôle. Il va donc falloir les replacer sinon les vagues vont attaquer le béton. Et j'ai vu, il y a quelques années, des plaques de béton flotter comme des vulgaires morceaux de bois. Des plaques de béton qui font plusieurs centaines de tonnes", témoigne Marcel Lemoigne.

Un travail de Sysiphe pour une si petite ville qui a déjà engagé 1,6 million d'euros de travaux d'entretien entre 2011 et 2022. Ault, sur le territoire de laquelle se trouve le bois de Cise et son point de vue sur la mer.

Ici, on sait déjà que le restaurant et l’hôtel, au plus près du bord des falaises, sont condamnés à plus ou moins brève échéance.

Avec Yolande Malgras / FTV

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