Construite sur une immense dune de sable, Fort-Mahon voit son front de mer se réduire un peu plus chaque année sous l'effet de la mer. Depuis peu, les pluviométries intenses aggravent le problème : le ruissellement des eaux de pluie emmène le sable vers la mer.
Il ne faut pas se fier à l'image de carte postale qui fait de Fort-Mahon le paradis pour les amateurs de kitesurf. La station balnéaire a vécu un automne et vit un hiver bien compliqués.
Quand le sable retourne à la mer
Côté mer d'abord. Sous l'action conjuguée des pluies diluviennes, des fortes marées et des vents de tempête, la dune est littéralement avalée par les éléments. Le front de mer se réduit d'année en année. Et c'est le bout de la promenade qui inquiète. Aujourd'hui, les 450 appartements qui font face à la mer sur cette portion ne sont séparées des eaux marines que par une langue sableuse de seulement 600 m de long. Une plage parsemée de vastes trous qui se sont formés sous les coups de boutoir des vagues, mais aussi sous la force du ruissellement des eaux de pluie. Construite sur une immense dune, Fort-Mahon est menacée à la fois par la mer qui ramène le sable vers elle et par la pluie qui le pousse vers la mer.
Un phénomène qui ne peut pas être endigué, mais seulement ralenti. La seule solution qui s'offre à la municipalité, c'est de colmater les brèches dans cette zone (qui est encore la propriété d'un promoteur, mais qu'elle compte récupérer bientôt) : après chaque tempête ou chaque épisode de pluie diluvienne, le segment de dune fragilisé est réensablé. Tout au long de l'année, les tractopelles s'affairent pour installer de grands tas de sable sur la plage. Des tonnes de sable sont ainsi déplacées de la baie d'Authie à Fort-Mahon, à grands frais.
"C'est un travail de Shadock, ironise Eric Kraemer, vice-président de la communauté de communes Ponthieu-Marquenterre en charge de la prévention des inondations. On va chercher du sable au nord, on le ramène au sud. Annuellement, ce sont des milliers de remorques de sable qui sont ramenées ici pour protéger le front de mer de l'attaque des marées. Pour la commune, c'est un coût de l'ordre de 200 000 € par an. Je n'inclus pas dedans le coût d'achat de tracteur et le personnel."
Mais le sable est une ressource qui se raréfie dans le secteur. Du fait notamment du parc à moules implanté entre Quend et Fort-Mahon et qui provoque l'éloignement des bancs de sable.
Heureusement pour la ville, la vieille digue du front de mer tient encore bon. Construite entre les deux guerres, elle protège efficacement le centre-bourg...
Évacuation difficile des eaux de pluie
Mais une autre source d'inquiétude pour la commune se fait jour côté terre : installés il y a 30 ans, les 7 bassins de lagunage, qui couvrent une superficie de 40 hectares, sont de plus en plus souvent à totale saturation, dans un contexte d'inondations régional. "Aujourd'hui, toute personne qui est impactée par l'eau de pluie chez elle, essaie de pomper et se reverse dans l'assainissement, constate Alain Baillet, maire (SE) de Fort-Mahon. Et du coup, l'assainissement arrive de force ici à la lagune. Et ça fait un potentiel d'eau qui arrive entre 1 500 m3 normalement à 20 000 m3 par jour en ce moment. Ce qui est énorme en période hivernale".
Les bassins de lagunage se vident dans le canal du Marquenterre, un axe crucial pour l'écoulement des eaux dans cette zone. Déjà surchargé par leur surplus d'eau, le canal gonfle également sous l'effet des pluies et se vide plus lentement dans la mer, notamment en période de grandes marées. "S'il ne s'écoule pas, c'est tout l’arrière-pays qui est complètement inondé, explique Eric Kraeme. Et on en voit les conséquences aujourd'hui puisqu'il déborde de plus en plus souvent sur les champs. C'est une troisième menace pour Fort-Mahon. Et cette fois, ce sont les maisons du vieux Fort-Mahon qui risquent d'être inondées. Dans le PPRI (Plan de prévention du risque inondation), les études montrent qu'en cas de rupture des digues, l'eau peut rentrer dans Fort-Mahon à hauteur de 7,50 m. C'est ce qui a motivé l'imposition de constructions sur des terrains qui sont au minimum à 7,50 m au-dessus du niveau de la mer. On pourrait devenir une presqu'île."
En 69 ans, Alain Baillet n'avait jamais vécu une telle situation. L'œil fixé sur la mer, la baie d'Authie et l'intérieur des terres, la pression est forte sur monsieur le maire. Il en est convaincu : la montée des eaux ne relève plus du fantasme.
Avec Yolande Malgras / FTV