Comme chaque été, les abandons d’animaux sont nombreux et l’activité des refuges explose. La SPA de Poulainville, dans la Somme, affiche complet. Salariés, bénévoles, vétérinaire et ostéopathe, ils sont nombreux à œuvrer dans les coulisses du refuge quand la porte est close.
Au refuge SPA de Poulainville, la journée commence toujours à grands coups de tuyau d’arrosage. Tous les jours, c’est le grand ménage : nettoyage des box des chiens et des litières des chats n’attendent pas. Une tâche qui occupe salariés et bénévoles toute la matinée.
Les motifs d'abandon sont toujours les mêmes : des problèmes financiers, un divorce, un déménagement, la naissance d’un enfant, des allergies.
Mathieu Scherenne, chef d'équipe - Refuge SPA de Poulainvile
Avec pour principale préoccupation, que les pensionnaires du refuge aient un environnement de vie propre. "Les gens voient surtout que l’extérieur est nettoyé alors qu’en plus, il y a aussi l’intérieur à faire tous les matins. Et on a un protocole de nettoyage très strict, nous explique Mathieu Scherenne, chef d’équipe au refuge, entre deux coups de balai-brosse. Quand les animaux sont sains, ne sont pas malades, on nettoie les box un jour à l’eau, un jour au dégraissant, etc. Par contre, pour les box des chiens malades, tous les jours, c’est désinfectant. Les couloirs, comme ce sont des lieux de passage, on les passe systématiquement au désinfectant tous les jours. Et une fois par semaine, on désinfecte l’intégralité du chenil, que les chiens soient malades ou pas."
Le casse-tête quotidien : trouver de la place
Une quarantaine de chiens. Une centaine de chats. Comme souvent, le refuge a atteint sa capacité maximale d’accueil. En particulier après l’été où les abandons d’animaux sont nombreux, même si "les abandons, ce n’est plus seulement l’été. C’est toute l’année, tient à préciser Mathieu Scherenne. Et les motifs ne changent pas. Ce sont toujours les mêmes : des problèmes financiers, un divorce, un déménagement, la naissance d’un enfant, des allergies…"
Le manque de places est un casse-tête quotidien. Notamment pour les chats. Pour libérer momentanément des paniers, la SPA compte sur les familles relai. Elles s’occupent de chatons, dans l’attente de leur adoption.
Les familles relai, ce sont des gens qui s’engagent à s’occuper des chatons jusqu’à deux mois. Jusqu’à ce qu’ils soient en âge d’être sevrés et adoptés.
Céline Leroux, vétérinaire - Refuge SPA de Poulainville
Pour les soins réguliers, elles peuvent venir au dispensaire du refuge. Céline Leroux en est la vétérinaire. Ce jour-là, elle reçoit une famille d’accueil qui suspecte la présence de teigne sur les deux chats qu’elle héberge.
Après la pesée, un examen clinique rapide montre que les deux jeunes chats présentent des lésions caractéristiques de ce champignon un peu partout sur le corps. Pour confirmer le diagnostic, Céline les emmène dans une pièce totalement noire et les expose à une lumière violette : les lésions prennent une couleur verte, prouvant ainsi qu’il s’agit bien de la teigne. Le traitement : une solution cutanée et un antifongique par voie orale.
C’est au tour d’un chaton d’à peine 9 jours, retrouvé au bord d’un champ, de passer entre les mains de Céline. À l’aide d’une pince spéciale, elle retire une à une les nombreuses tiques qui ont élu domicile sur cette petite boule de poils qui n’a même pas encore les yeux ouverts : il est beaucoup trop jeune pour être traité avec un produit insecticide. "Les chatons qui sont tout petits comme ça sont souvent confiés à des familles relai, explique-t-elle. Ce sont des gens qui s’engagent à s’occuper d’eux jusqu’à deux mois. Jusqu’à ce qu’ils soient en âge d’être sevrés et adoptés. Ça permet de faire un peu de place dans le refuge pour ceux qui sont à l’adoption. En été, on a besoin de beaucoup de familles relai. En général, ce sont des familles relai qui reviennent régulièrement. Il y en a souvent qui craquent et qui finissent par adopter un ou plusieurs chatons qu’ils ont gardés. C’est le risque quand on est famille relai. Parfois, ça arrive que nous, salariés, on prenne un animal chez nous pendant un certain temps. J’en ai eu un comme ça l’année dernière."
Abandons, fourrières et maltraitance
C’est d’ailleurs ce qui est en passe d’arriver avec ce chaton très vif et râleur : "Je ne suis pas sûre de vous le rendre, vous savez ! préfère être claire la dame qui l’a amené. J’ai déjà préparé le chèque de 190 € !"
Les chatons, une problématique typiquement estivale : ils arrivent en nombre au refuge l’été, période propice à la mise bas pour les chattes non stérilisées. Alors un petit rapidement adopté, c’est une place libérée. Une place pour des pensionnaires qui arrivent souvent à l’improviste. "En plus d’avoir un flux de personnes qui veulent se séparer de leur animal, on a des priorités, précise Mathieu Scherenne. Comme les sorties de fourrières, c'est-à-dire les animaux perdus ou qui ont été lâchement abandonnés sur la voie publique et qui sont non identifiés. On doit les prendre en charge dans nos refuges pour désengorger les fourrières. Il y a aussi les retraits pour maltraitance : on a des signalements du jour au lendemain. Ça ne prévient pas et ça peut être très très urgent. On intervient sur place et il faut qu’on trouve une place à l’animal."
La joie qu’ont les chiens maltraités à retrouver l’humain, ça montre qu’ils ne tiennent pas rigueur à leur ancien propriétaire de ce qu’il a pu leur faire.
Mathieu Scherenne, chef d'équipe - Refuge SPA de Poulainville
C’est ainsi que Rex et Enzo se sont retrouvés à Poulainville. Ces deux frères inséparables assaillent Mathieu Scherenne de demandes de caresses quand il entre dans leur box. Âgés de 12 ans, ils ont été retirés à leur ancien propriétaire pour mauvaises conditions de détention.
Dénutris, couverts de puces et de croûtes, ils portent encore les traces de leurs mauvaises conditions de vie et reprennent des forces au refuge depuis plusieurs semaines. "Personne ne s’est encore intéressé à eux, déplore Mathieu. Pourtant, ils sont très sociables, très gentils comme vous pouvez le voir. La joie qu’ils ont à retrouver l’humain, ça montre qu’ils ne tiennent pas rigueur à leur ancien propriétaire de ce qu’il a pu leur faire. En général, les chiens maltraités, quand on leur montre de l’attention et qu’on ne leur veut pas de mal, ils oublient presque ce qu’il leur est arrivé avant."
Donner une nouvelle chance
Une deuxième chance, c’est ce à quoi a enfin droit Ayko, un golden retriever sauvé lui aussi de maltraitance. À l’accueil du refuge, il se précipite, toute queue remuante, vers Franck, venu l’adopter. "J’étais parti pour prendre un chien dans un élevage. Et je trouvais les prix quand même assez élevés, remarque Franck, à genou à côté d'Ayko. Et je me suis dit qu’il y a pas mal de malheureux qui sont ici, pas très loin de chez moi. Je suis venu et j’ai eu le coup de foudre pour Ayko. Il fallait que ce soit réciproque aussi parce que ça va dans les deux sens. Donc je suis venu souvent, on a tissé des liens et on en est là ! Et le fait qu’il ait des problèmes de santé à cause des manquements de son ancien propriétaire, ça me donne encore plus de responsabilités."
Si Ayko a trouvé une nouvelle famille, Gucci, lui, n’est pas encore prêt à être adopté. Ce mâle de 3 ans arrivé de fourrière ne s’entend pas avec ses congénères et doit travailler son éducation. La promenade est le moment propice pour l’aider à être plus sociable et à accepter de coopérer avec l’humain.
Si son comportement rend difficile son adoption, pour d’autres, comme Xena, c’est l’état de santé. Âgée de 16 ans, cette chatte blanche et marron est l’une des pensionnaires de l’Ehpad du refuge de Poulainville.
Xena souffre d’insuffisance rénale et de quelques difficultés motrices. La preuve en est, ses longs miaulements plaintifs lorsque Noa, ostéopathe pour animaux, la manipule. La jeune femme intervient bénévolement tous les quinze jours au refuge. "Il y a beaucoup moins de boulot que la première fois, constate la jeune femme, satisfaite. J’ai travaillé sur le dos parce qu’elle a encore une vertèbre coincée et sur une patte avant qui manque de mobilité, mais c’est tout. La première séance avait duré au moins 40 minutes, je crois. C’était hyper dense. Elle était très très sensible. Elle avait mal sur tout le dos : quand je passais ma main le long de sa colonne, il y avait des petits tressaillements sous la peau, c’était assez impressionnant. Au niveau des hanches, ça ne bougeait quasiment pas : elle était assez raide et elle se déplaçait avec une impression de jambe de bois. Ça a déjà bien changé en deux séances." Sous les manipulations douces de Noa, Xena se laisse faire et finit par ronronner.
Prendre soin de chiens et des chats, l'équipe de Poulainville sait mieux que faire. Mais depuis quelques années, son savoir-faire et son champ de compétences sont bousculés par un phénomène grandissant : la hausse des abandons de NAC, les nouveaux animaux de compagnie.
Avec Narjis El Asraoui / FTV