"Quand j’ai commencé, ils m’aidaient à suivre les partitions" : l'harmonie musicale, lieu de transmission entre générations de musiciens

120 ans de musique, ça se fête ! L’Avenir musical des cheminots de Longueau (AMCL) se prépare pour un grand concert anniversaire, avec une énergie qui n’a rien perdu de son éclat, entre jeunes recrues et anciens fidèles.

À quelques jours de son grand concert anniversaire prévu le 16 novembre à Mégacité à Amiens, la soixantaine de musiciens de l’Avenir musical des cheminots de Longueau (AMCL) peaufine les derniers détails de l’évènement. Et toujours dans la bonne humeur.

Une bonne humeur et un groupe qui ont su traverser le temps. Car l’AMCL fête cette année ses 120 ans. L’harmonie voit en effet le jour en 1904 au cœur d’une époque où la musique rassemble. Elle compte alors 35 musiciens.

Des histoires de famille

Après avoir traversé deux conflits mondiaux qui ont affecté ses rangs, l’Avenir musical des cheminots de Longueau connaît son apogée en 1950, avec une centaine de musiciens.

C’est dans cette décennie que Nicole Joly est arrivée dans les rangs de l’harmonie de Longueau au pupitre de clarinettiste. C’était en 1957 et elle avait alors 12 ans. 67 ans plus tard, elle est la plus ancienne musicienne du groupe. "La musique, c’est une histoire de famille. Mon grand-père était musicien à l’harmonie depuis l'après-guerre. (…) Tous les frères et sœurs, nous étions 6, on a appris la musique et il fallait qu’on fasse de la musique. Ce n’était pas une obligation : on aimait ça", raconte-t-elle.

Nicole a même été animatrice à l’école de musique auprès des 5/6 ans. "J’ai transmis beaucoup de choses parce que j’étais animatrice à l’école de musique. J’ai fait l’apprentissage des élèves de 5 ans ½. Et plusieurs sont dans l’harmonie aujourd’hui dont le chef : il a été un de mes élèves aussi. C’est une satisfaction de voir tout ce monde-là autour de moi. Maintenant, je suis la plus vieille et avec les jeunes tout se passe bien. Il y a une bonne ambiance. On aime être ensemble. C’est une famille."

Une famille au sens parfois littéral du terme : Nicole a connu son mari, décédé il y a un an, dans les rangs de l’AMCL. Et son frère Guislain y joue du saxophone baryton depuis 66 ans.

Une relève assurée

Si Nicole et lui ont connu les années fastes de l’harmonie de Longueau, ils ont également connu la période difficile des années 70. Sans leur grand-père, le groupe aurait probablement disparu : "on faisait des répétitions à 7, se souvient-il. Mon grand-père disait "si on arrête les répétitions, la musique à Longueau sera morte". Et on est resté à 7. Après, il y a y un chef issu de l’armée qui a relancé ça. Et maintenant, on a une très belle harmonie. Mais là, je commence à vieillir quand même ! Ça devient difficile !"

Guislain n’a pas de souci à se faire : la relève est déjà sur les rangs. Recrutés dès la sortie de l’école de musique de l’AMCL, les musiciens grandissent avec l’orchestre. Chacun est accueilli comme un nouveau membre de cette grande famille.

Le dernier arrivé, c’est Clément. Il a 11 ans et joue du trombone. Il a fait son entrée en avril dernier dans l’harmonie. Et évidemment, celui qui a encore plein de choses à apprendre peut compter sur les plus âgés pour le guider en cas de difficultés : "quand j’ai commencé, ils m’aidaient à suivre les partitions. Quand je me perdais sur mes partitions, ils me montraient parce que les morceaux compliqués, c’est encore un peu dur pour moi. Et puis c’est une nouvelle façon de travailler : quand ils disaient, par exemple, de reprendre à la mesure 66, je ne connaissais pas encore toutes ces méthodes."

Faire cohabiter tradition et modernité

Léopold est lui aussi arrivé en avril à l’harmonie. Il a 16 ans et joue du saxophone depuis l’âge de 11 ans. Seul musicien de sa famille, l’orchestre est pour lui une famille musicale : "c’est génial de pouvoir rencontrer des gens de tous horizons, aussi bien des musiciens très aguerris comme novices. Ça, c’est génial. On apprend comment c’était à l’époque. Leur manière de jouer. Parce que souvent, ils ont des manières de jouer qui sont complètement différentes de ce qu’on nous a appris", sourit l'adolescent.

Réussir à faire cohabiter autant de tranches d’âges différentes, perpétuer la tradition musicale de l’harmonie tout en innovant, c’est le défi de Fabien Canevat, le directeur musical. Mais c’est aussi selon lui ce qui permet à l’harmonie d’être toujours aussi active. "Il faut qu’on réussisse à plaire aux plus anciens comme à ceux qui arrivent. On est toujours en train de chercher autre chose. Ça nous booste, reconnaît celui qui occupe un pupitre de trombone au sein de l'orchestre. On essaye de jongler entre des pièces plus anciennes : on fait des musiques de film, des pièces de chant, de la musique un peu pop et des pièces plus classiques."

Le secret de l’AMCL, c’est peut-être cette facilité à passer le relais des plus anciens aux plus jeunes, tant musicalement qu’humainement. C’est ce qui fait probablement qu’en 120 ans, l’harmonie n’a rien perdu de son souffle. Avec toute son énergie, elle prépare son grand concert anniversaire pour le 16 novembre. Au programme, un véritable tour du monde en musique.

Avec Camille Di Crescenzo / FTV