Téteghem, un camp de migrants "cinq étoiles" vers l'Angleterre contrôlé par les passeurs

Le maire en serait presque fier de son camp "cinq étoiles". A Téteghem, dans la banlieue de Dunkerque, une centaine de migrants "bien lotis" vivent dans des containers aménagés, sous la férule de passeurs immatriculés en Grande-Bretagne.

"Ici, ils sont bien lotis, pas de comparaison possible avec Calais", souligne Francine Château, co-présidente de l'assocation locale Aide migrants solidarité (Amis) de Téteghem. En effet, lorsque l'on connaît Calais et sa "new jungle" surpeuplée de 2.000 migrants vivant tant bien que mal dans des abris de fortune, la centaine de personnes fréquentant le camp de Téteghem ferait presque figure d'heureux élus.

Près de l'A16, en bordure de la bourgade de 7.000 âmes, sept containers installés par la mairie l'été dernier sont disposés au bord d'un joli lac de 120 hectares. La douceur de la brise au bord de l'eau, les tentes complétant l'installation dressées dans la végétation de manière à préserver l'intimité, la proximité de supermarchés situés à dix minutes à pied, font d'abord songer à un camping de vacanciers. "C'est un camp qui pourrait être considéré comme cinq étoiles : il y a l'eau courante, des toilettes, des conteneurs avec fenêtres et chauffage électrique", fait valoir le maire (Les Républicains) de la commune, Franck Dhersin.

Selon le volubile et énergique élu, les migrants du camp sont issus d'une classe sociale plus élevée que ceux de Calais: "Ici c'est plus cher, et les migrants peuvent se permettent de payer le loyer, dans leur pays c'était des ingénieurs, des médecins...

"A Calais, c'est ceux sans argent et à bout de souffle, ici ils ont quelques sous", abonde Francine Château. Selon elle, le camp est composé essentiellement de ressortissants d'Asie centrale, presque pas d'Africains.


Extorsion

Un oeil jeté à l'intérieur des containers de Téteghem montre tout de même que les conditions restent précaires. Des dizaines de vêtements et de chaussures sont disposés par terre en guise de matelas, et aucune décoration, aucun meuble ne viennent égayer l'austérité des lieux.

Si en théorie la situation est meilleure qu'à Calais, le faible nombre d'occupants du camp de Téteghem n'a semble-t-il pas favorisé l'inventivité dans les constructions, ni l'émergence de commerces ou d'édifices religieux comme dans la "jungle".

Et puis les passeurs veillent. Pénétrer dans le camp donne la désagréable sensation d'être scruté par ces tenanciers officieux du camp. Ils y ont imposé une chape de silence qu'il est difficile de briser. Yun, Vietnamien dans la quarantaine, et Mahdi, Irakien de 18 ans, ont par exemple visiblement peur de s'exprimer près de ceux dont ils paient les services, et assurent que leurs conditions sont "bonnes".

Arash et Parish, jeune couple d'Iraniens, quittaient le camp des couvertures à la main, jeudi en fin d'après-midi, pour aller s'installer ailleurs, deux mois
après leur arrivée. Ces ex-coiffeurs logeaient dans les containers mais n'avaient plus d'argent. Du bout des lèvres, ils font allusion à une ambiance oppressante, parlant de "pistolets". En effet, selon plusieurs sources dont la sous-préfecture de Dunkerque, les passeurs extorquent de l'argent aux migrants pour l'accès aux containers, qui n'offrent que 50 places.

La plupart des voitures qui font des allers-retours aux abords ou à l'intérieur du camp portent des plaques britanniques, ce qui a déclenché la stupéfaction en début de semaine de médias anglais dépêchés sur place. La sous-préfecture a confirmé la forte présence de passeurs britanniques
à Téteghem et dans le Calaisis. Leurs véhicules témoignent d'une aisance financière certaine, comme cette BMW rutilante postée à l'entrée. "Il y a quelque temps, nous avons même saisi une Jaguar avec intérieur cuir de 100.000 euros", se remémore M. Dhersin.

Leur prospérité, malgré la guerre que leur font les autorités, pourrait s'accroître. Le camp est idéalement placé pour accompagner la tendance au report d'une partie du flux migratoire du tunnel sous la Manche près de Calais, de plus en plus surveillé, vers les ferries du port de Zeebruge en Belgique.
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