Covid-19 - Deux nouveaux cas du variant indien dans l'Oise : "On fait l’autruche", selon le généticien Philippe Froguel

La Grande-Bretagne prend très au sérieux la menace du variant indien du covid-19. En France, moins d'une trentaine de cas ont été détectés, dont 3 dans les Hauts-de-France. Professeur à l’Université de Lille et à l’Imperial College de Londres, Philippe Froguel explique son inquiétude.

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"On fait l’autruche après le discours de Boris Johnson en France", dénonce le Pr Philippe Froguel. Car vendredi 14 mai, le Premier ministre britannique a clairement énoncé son inquiétude quant à la propagation rapide du variant indien du Covid-19 en Grande-Bretagne. 

En France, moins d'une trentaine de cas de contamination à ce variant sont pour le moment répertoriés, dont trois dans les Hauts-de France. Le premier a été détecté dans le département du Nord, chez un homme de nationalité indienne, "de retour d'un séjour en Inde via un pays du Moyen-Orient", a indiqué l'Agence Régionale de Santé (ARS). Deux cas ont ensuite été détectés dans l'Oise. Il s'agit là d'un couple qui hébergeait deux personnes revenues d'Inde, dont l'une a également été positif au covid-19 mais avec une charge virable trop faible pour détecter le variant. Ils ont tous été placés à l'isolement, et les potentiels cas contacts ont été prévenus, d'après l'ARS.

Mais la situation qu'a constatée Philippe Froguel alerte le généticien et professeur à l’Université de Lille et à l’Imperial College de Londres. D'autant que la France s'apprête à lancer une nouvelle étape de son plan de déconfinement. 

En Grande-Bretagne, le nombre de cas augmente rapidement

Les chiffres annoncés par le Public health England (PHE), l’équivalent de Santé publique France au Royaume-Uni, ont de quoi faire froid dans le dos. "Si le variant indien est toujours 50 % plus contagieux que le variant britannique (…), nous pourrions revenir à 1000 décès et 10 000 hospitalisations par jour d’ici fin juillet", annonce le PHE. Ces prévisions angoissantes et le doublement du nombre de cas de variant indien en une semaine en Grande Bretagne ont poussé Boris Johnson à prendre la parole vendredi 14 mai. Le premier ministre britannique n’a pas caché son inquiétude : "Le variant indien pourrait perturber le déconfinement", a avoué le Premier ministre britannique.

Vendredi 14 mai, 1300 cas du variant indien de plus étaient confirmés dans une vingtaine de communes de Grande-Bretagne, soit une augmentation 800 cas en une semaine. Lundi 17 mai, la BBC annonce 1000 cas de plus, soit 2323 cas confirmés au total, dans 86 localités du territoire anglais.

Revenu de Londres, Philippe Froguel s’étonne de l’absence de réactions des autorités françaises face aux annonces britanniques. Entretien. (Note : l'interview a été réalisée avant la détection des deux cas dans l'Oise.)

France 3 : A quel point ce variant indien est-il dangereux ? 

Philippe Froguel : Il y a plusieurs types du variant indien. C’est le B.1.617.2, la sous-lignée la plus dangereuse, qui se répand actuellement au Royaume-Uni et en France. Une sous-lignée deux fois plus contagieuse que la souche originelle. Ça veut dire que, si pendant la troisième vague en France, on a eu avec le variant britannique un R effectif (taux de reproduction de base d'un virus, ndlr) d’1,5, avec le variant indien, on tournerait autour d’une valeur supérieure à 2.

Autre préoccupation : il pourrait donner des formes graves chez les gens malades plus jeunes. Dernier problème et non des moindres : les scientifiques ne savent pas exactement encore comment les vaccins vont réagir face à ce nouveau variant.

La France est-elle dans la même situation que le Royaume-Uni ?

Il y a eu 24 cas de contamination ou clusters détectés, dont un endogène. C’est-à-dire qu’on ne sait pas où et par qui la ou les personnes contaminées l’ont été. Dès que vous avez un cas endogène, les choses empirent. Souvenez-vous de ce qui s’est passé dans l’Oise l’année dernière où sont apparus les deux premiers cas de Covid endogènes en France. Nous, scientifiques, savions que c’était foutu parce que ça voulait dire pas de traçage rétrospectif, impossibilité de trouver le sujet zéro et de bloquer la chaîne de contamination.

Aujourd’hui, on n'a aucun test spécifique pour détecter le variant indien en France. C’est seulement possible par séquençage. Et on n’en fait pas assez. C’est donc qu’il y a des centaines de cas en circulation en réalité. Si vous regardez la carte d’Europe de la présence du variant indien, on a l’impression que ça contourne la France...Rien n’a été fait depuis un mois pour se préparer à l’arrivée du variant indien sur le territoire.

Selon vous, la France manque de réactivité ?

Regardez les Britanniques. J’étais à Londres ces derniers jours. Il y a un quartier où on a repéré des variants indiens. Le quartier était en état de siège avec des tentes partout pour se faire dépister. Chaque personne qui y rentrait ou y en sortait était testée. Et chaque test était séquencé. Est-ce qu’on voit ça en France ? Non

Dans les Hauts-de-France, le seul cas de variant indien détecté, c’est un patient revenu d’Inde qui a prévenu lui-même l’hôpital. Et encore … les résultats de son séquençage sont tombés neuf jours plus tard. Neuf jours ! Mon dernier séquençage de 400 cas, les résultats sont tombés deux jours plus tard.

Il y a eu des cas de Covid dans un Ehpad de la région. L’Agence régionale de santé a envoyé les échantillons à Paris. Qui a décidé de ne pas les séquencer sans prévenir personne. Mon labo l’a fait...deux semaines après quand on nous l’a demandé. 24 des centres qui séquencent en France ne le font pas bien parce qu’ils n’ont pas les machines adéquates.

Les enquêtes flash prennent trop de temps : trois semaines pour la dernière ! Il faut aller plus vite et faire appel aux labos privés de façon plus récurrente.

Quels risques pour les semaines qui viennent ?

Les autorités ont les yeux sur le déconfinement sans voir ce qui se passe autour. Moi, je ne dis pas qu’il ne faut pas déconfiner, ce n’est pas ma responsabilité. Je dis qu’il faut le faire avec les yeux grand ouverts. Ce variant indien se dissémine deux fois plus vite que la souche originelle. Ça veut dire que dans un mois il y en aura plein. Le variant britannique en Angleterre a mis deux mois et demi pour devenir prépondérant. En France, trois mois et demi. Si le variant indien se développe rapidement, on va se retrouver face à une quatrième vague au mois de juillet. On va avoir de gros problèmes pour les Français qui ne sont pas vaccinés

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