Chroniques d’en Haut vous emmène sur le sentier des Huguenots, en Ardèche, autour de Privas. Une boucle de 21 kilomètres sur les traces de deux siècles de guerres de religion. Dans la vallée de l’Ouvèze, un sentier thématique retrace cette histoire, encore bien présente dans la mémoire des Ardéchois.
C’était il y a si longtemps… Et pourtant, cette histoire reste vive dans la mémoire de Myriam Oddon, descendante d’une famille de protestants et très engagée dans la conservation du patrimoine. À l’échelle européenne, un grand sentier nommé "Sur les pas des Huguenots" relie les lieux emblématiques de la présence protestante. Mais il lui manquait sa partie ardéchoise, autour de Privas : c’est désormais chose faite, 21 km de sentier serpentant entre falaises et vallons permettent donc de se plonger dans l’Histoire de cette terre à forte majorité protestante, et qui l’a payé très cher, notamment au plus fort des persécutions qui ont eu lieu, ici, autour du XVIIᵉ siècle.
Myriam nous raconte cette histoire comme si elle l’avait vécue. Il faut dire que les traces de cette époque sont encore bien visibles dans les paysages. Les maisons troglodytes de la Jaubernie, dans lesquelles de riches familles de huguenots vivaient cachées, en témoignent. "Ces maisons adossées à la falaise, dont les vestiges laissent entrevoir une architecture étonnamment soignée, prouvent qu’ils y ont vécu parfois très longtemps, et qu’il s’agissait de gens ayant un bon niveau d’éducation et de revenus", explique-t-elle. De nombreuses grottes avaient été ainsi aménagées. C’est le cas de celles situées juste au-dessous du château de Saint Alban. Un château fortifié qui appartenait à une puissante famille huguenote. Sa destruction - pour des raisons plus politiques que vraiment religieuses - est considérée comme le point de départ des persécutions dans la région.
Privas, dont le terrible siège en 1629 a abouti à la destruction de la ville et à sa radiation des cartes de l’époque, abritait des personnalités protestantes célèbres comme Olivier de Serres. Agronome et érudit, on lui doit aujourd’hui les bases de l’agriculture moderne, mais aussi des règles d’hygiène lors de la transformation des denrées. La population protestante, souvent instruite et plus aisée, était aussi symbole de pouvoir et d’érudition. Ce qui, outre les divergences religieuses, pouvait faire de l’ombre au très catholique Roi de France. L’occupation de la région par les sanguinaires Dragons du roi a été d’une rare violence autour de Privas.
Serrant fort une Bible plusieurs fois centenaire dans ses bras, Myriam Oddon nous conduit dans un lieu ayant servi à accueillir une "assemblée du désert". Ces lieux, en pleine nature, permettaient aux protestants de pratiquer leur culte en secret. "Cette bible, écrite en vieux français, a très probablement été lue ici même, lors de l’une de ces assemblées" explique Myriam, ouvrant l’énorme livre ancien avec une émotion certaine.
À cette époque, le seul fait de détenir ce livre, qui plus est en français, était considéré comme une preuve de désobéissance aux règles édictées par l’Église, qui interdisait la lecture de la Bible aux laïcs. Détenir ce livre sacré, pourtant commun aux deux religions, provoquait la persécution jusqu’à la mort ou conversion forcée des huguenots. Autour de vieilles fermes fortifiées dont les murs épais étaient destinés à se protéger contre les soldats du roi, des cimetières familiaux témoignent encore de cette histoire. Interdits de sépulture, les protestants devaient enterrer leurs proches dans leurs jardins.
Aujourd’hui, dans ce coin d’Ardèche, signe de la réconciliation depuis déjà longtemps, de nombreuses paroisses sont œcuméniques, comme à St Vincent-de-Barrès. Une place forte huguenote qui fût l’une des dernières à résister lors des guerres de religion. Cette période terrible fait maintenant partie de l’Histoire de France, dont l’une des pages s’est écrite ici, en Ardèche.
>> "Ardèche : sur les traces des Huguenots" un magazine présenté par Laurent Guillaume et réalisé par Stéphane Stasi, diffusé le dimanche 8 janvier 2023 à 12H50 dans "Chroniques d'en Haut" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes et disponible en replay dans cet article et sur France.tv.